L’Union européenne riposte au vote suisse d’introduire des quotas d’immigration

Jeudi 20 Février 2014 - 11:38

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En réaction au vote des Suisses, qui ont décidé à 50,3%, le 9 février, d’inscrire dans leur constitution la nécessité de contingenter l’entrée des citoyens de l’Union européenne (UE) sur leur territoire et d’établir sur le marché du travail le principe de préférence nationale, Bruxelles suspend jusqu’à nouvel ordre les négociations sur les programmes Horizon 2020 et Erasmus+

Contrainte légalement d’ouvrir ses frontières aux Croates à partir du 1er juillet 2014, la Suisse a annoncé qu’elle ne signerait pas l’accord de libre circulation avec la Croatie, qui vient d’intégrer l’UE. La Suisse a trois ans pour mettre en pratique les résultats du référendum.

Le président de la Commission européenne (CE), José Manuel Barroso, a mis en garde le Conseil fédéral helvétique : restaurer les quotas sur les travailleurs européens constitue une violation des accords signés avec l’UE. Cette décision aurait, selon lui, de profondes répercussions sur les relations entre Berne et Bruxelles.

L’une des conséquences immédiates, a indiqué la CE, est le report des négociations sur la participation de la Suisse au programme de recherche Horizon 2020 et au programme d’échange universitaire Erasmus+. Dans le cadre du précédent programme de recherche, les chercheurs suisses ont bénéficié des fonds de l’Europe. Quant au programme Erasmus+, il offrira à plus de 4 millions d’Européens la possibilité d’étudier, de faire des stages ou du bénévolat et d’accumuler de l’expérience professionnelle à l’étranger. Ces deux programmes, dont le budget s’élève à 94,7 milliards d’euros pour la période 2014-2020, sous-tendent la libre circulation des chercheurs et des étudiants. Bruxelles a déjà suspendu des négociations transfrontalières avec la Suisse sur l’électricité.

José Manuel Barroso a laissé entendre que le vote suisse aura des répercussions profondes. Sans annoncer de sanctions précises, il a indiqué que la Suisse ne pouvait pas profiter des avantages de l’UE sans respecter le principe de réciprocité. Il a mentionné que les sociétés suisses pourraient être confrontées à l’avenir à divers obstacles sur les marchés européens.

La Suisse a fait savoir, de son côté, qu’elle ne serait pas en mesure de signer l’accord avec la Croatie dans sa forme actuelle en raison « de la nouvelle clause constitutionnelle introduite par le vote référendaire du 9 février. »

Christian Chavagneux, d’Alternatives économiques, estime que les conséquences du référendum suisse pourraient coûter cher à l’économie du pays. Avec 2 millions d’étrangers sur une population de 8 millions, la Suisse compte environ un quart d’étrangers dans sa population totale comme dans sa population active, une proportion qui n’a cessé de croître au cours des dernières décennies. Les deux tiers de ces étrangers sont des Européens, principalement des Allemands (15%), des Italiens (15%) et des Français (5%).

Si, en rétorsion, l’UE devait suspendre les accords bilatéraux en vigueur avec la Suisse, cela occasionnerait de nombreux problèmes aux entreprises locales, souligne Christian Chavagneux. Les entreprises suisses ont tout à perdre à se priver de l’accès au premier marché mondial qu’est l’UE, qui représente 60% de ses exportations et 80% de ses importations. Quant aux pays européens, la Suisse est leur troisième marché d’exportation et leur quatrième fournisseur.

Sur le plan financier, la Suisse est aujourd’hui sous le coup d’une pression internationale forte pour mettre fin à son secret bancaire, rappelle Christian Chavagneux. Elle a déjà cédé aux États-Unis et négocie en ce moment avec l’UE les conditions de son abandon par le passage à l’échange automatique d’informations fiscales. Elle espérait obtenir en échange un plus grand accès au marché intérieur européen. Cette contrepartie pourrait être remise en cause, alors que la pression ne faiblira pas.

Noël Ndong