Livres : Georges Nguila fait l"autopsie de la justice congolaiseLundi 2 Février 2015 - 19:30 Dans un ouvrage édité à Pointe-Noire sous le titre « La justice et les droits de l’Homme au Congo », Georges Nguila, directeur d’antenne de l’Observatoire congolais des Droits de l’Homme (OCDH) au Kouilou dissèque les arcanes de l’appareil judiciaire au Congo tout en présentant les réalités vécues sur le terrain dans la pratique des droits de l’Homme. Un ouvrage de référence pour tout citoyen puisque son contenu est une forme de thérapie à ce grand malade qu’est la justice congolaise. En 255 pages, Georges Nguila, Chercheur, juriste, écrivain et activiste des Droits de l’Homme passe en revue la justice congolaise, ses organes auxiliaires mais surtout jette un regard critique sur la pratique des Droits de l’Homme au Congo. La justice précoloniale bantoue, la justice coloniale, la justice postcoloniale, le personnel judiciaire, les institutions judiciaires de 1960 à nos jours, le corpus juridique congolais, l’accès de la population à la justice, l’évolution de la criminalité au Congo, le Droits de l’homme au Congo sont autant de thématiques passées en revue par l’auteur. C’est une invite à une véritable reforme de l’appareil judiciaire dont les textes aujourd’hui rébarbatifs ont du mal à être en synchrone avec les réalités sur le terrain « Ce livre est un survey consistant à présenter la justice congolaise qui est aussi méconnue des Congolais. C’est une présentation des institutions judiciaires, de ces processus et aussi un audit de son fonctionnement » a dit Georges Nguila en introduction. Rapprocher la justice des justiciables et redonner à nouveau confiance aux Congolais en leur justice tel peut se comprendre la motivation de Georges Nguila en écrivant ce livre. Un pari certes osé mais qui s’impose eu égard au désamour presque prononcé des Congolais en leur justice « Depuis dix ans, il fut annoncé la réforme des textes (Code pénal et autres…mais jusqu’aujourd’hui, on ne voit pas encore rien et les docteurs en droit en voudront-ils à un licencié es Sciences politiques d’en parler et de proposer des pistes de réformes de la justice ? C’est un choix personnel qui ne disculpe pas de la critique et j’assume les écrits » a t-il écrit. Georges Nguila relève dans son livre les nombreux dysfonctionnements en s’appuyant sur les enquêtes, écrits et publications d’éminentes personnalités du sérail dont nombreux appellent de tout cœur depuis longtemps à la réforme afin que la profession ne s’enlise pas davantage dans les méandres. Une profession gangrenée par la corruption, la fraude et dont certains magistrats sont même sévèrement sanctionnés par leur hiérarchie. Plusieurs autres griefs ternissent encore la corporation des hommes en toge (falsification des décisions de justice et des réquisitions, rétention des dossiers non encore enrôlés dans le but de se faire corrompre, retard dans la matérialisation des décisions et de leurs actes pour le même but, collusion des magistrats avec certains policiers, gendarmes, experts, opérateurs économiques, voire propriétaires fonciers….. Selon Georges Nguila, l’on ne saurait parler de la justice sans parler de la police et de la gendarmerie qui sont des auxiliaires de la justice, surtout de la justice pénale et du Procureur qui est le chef de la police judiciaire exercée par la police et la gendarmerie. Il arrive souvent que certaines infractions à la loi pénale ne soient pas reportées au Parquet « L’analyse de statistiques de 2010 de la force publique montre que sur le plan national, la police et la gendarmerie ont constaté 3141 cas d’infractions à la loi pénale mais les maisons d’arrêt n’ont pas enregistré autant de cas de détention préventive. Ainsi, le Niari connut 700 infractions à la loi pénale mais dans les maisons d’arrêt du Niari, on ne vit que 72 prévenus soit un I/10e et dira t-on qu’il s’agissait de simples contraventions et non de délits de crimes ? ». Dans le souci de montrer les dysfonctionnements de l’appareil judiciaire congolais afin d’en proposer de remèdes appropriés, Georges Nguila cite à travers des exemples précis des cas de violations diverses de droits constatées sur les droits civiques et politiques, la liberté de la presse, la liberté syndicale, les actes de meurtre en détention, les arrestations et détentions arbitraires, …. Pour l’auteur, ce livre prône le dialogue citoyen sur les problématiques sociales. S’inspirant des exemples des autres pays, il dit qu’il y a donc intérêt à revoir le Code de procédure civile ou pénale afin de permettre une meilleure défense des intérêts des citoyens parce que la loi est claire « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » et la Constitution reconnait dans son article 40 que : « Tout citoyen a le droit de présenter des requêtes aux organes appropriés de l’État » et comment peut-on faire une requête en justice lorsque le Code de procédure civile et le code de procédure pénale ne prévoient pas l’action pour le préjudice subi par une foule de gens en matière de consommation ? Au Congo, on reste toujours en retard sur les mutations qui ont lieu dans le monde alors que la criminalité change et qu’on s’en tient toujours à des textes qui ne peuvent pas bien assurer la défense des citoyens. Or, « Lorsqu’un droit a été méconnu, l’exercice de l’action en justice est un devoir envers soi-même et envers la société » a t-il ajouté. Georges Nguila, est licencié es Sciences politiques. Il est consultant free lance et mène des travaux sur la gouvernance publique. Il a déjà écrit sur la gestion des Villes de Pointe-Noire et Dolisie. Hervé Brice Mampouya Légendes et crédits photo :La couverture du livre de Georges Nguila
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