L'Est de la RDC : les atteintes à la liberté de presse et d'opinion se multiplient

Mercredi 31 Mai 2017 - 13:54

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Il est difficile, sinon dangereux, d’exploiter la situation d’insécurité et les exactions dont souffrent les populations de cette partie du pays ou de l’ensemble du territoire national dans les médias, au risque de s’exposer à des « sanctions », de la part des commanditaires et agents d’exécution de cette situation.

De l’avis des commanditaires et autres agents d’exécution du perpétuel climat d’insécurité créé et entretenu par les groupes armés dans l’Est de la RDC, ainsi que les atrocités qui en découlent, ces crimes ne requièrent pas trop de publicités médiatiques, afin d’éviter toute aliénation d’opinions aussi bien nationale qu’internationale. Tout journaliste ou professionnel des médias qui s’intéresserait beaucoup trop à l’actualité sur la situation sécuritaire dans cette contrée s’exposerait à des graves représailles.

Le journaliste-propriétaire du site www. Sisiwotepamoja.com (un site spécialisé dans les informations sur la situation sécuritaire en RDC), Pweto Kyriakos, en a fait la douloureuse expérience. Son kidnapping a été dénoncé par des ONG locales, ce qui aurait, peut-être, conduit à sa libération.

Contacté par notre rédaction, il a donné sa version de faits. A l’en croire, il s’est rendu, le mardi 30 mai 2017, dans la soirée, vers 20h00’, dans un supermarché, en plein centre-ville de Goma, pour des achats. A cet instant, Emmanuel Pweto Kyriakos était loin d’imaginer un seul instant la désagréable aventure qui allait lui arriver. « C’est lorsque je sors du supermarché que je me fais aborder par trois inconnus parmi lesquels l’un m’accole, en toute discrétion, une arme dans les flancs en m’intimant tout tranquillement l’ordre d’entrer dans leur véhicule, que je comprendrai que quelque chose d’anormal était en train de m’arriver », a-t-il expliqué. Encadré sur le siège arrière du véhicule, Pweto Kyriakos constatera que ses assaillants avaient pris la route de Rutshuru, vers le volcan Nyiragongo.

Après un temps qui lui parut être une éternité, le véhicule se serait arrêté à la lisière de la petite forêt, au bord du Nyiragongo, dans laquelle il sera entrainé. Ses assaillants vont dépouiller toutes ses poches et vérifieront son identité avant d’amorcer un interrogatoire serré. Ils ont, selon lui, voulu savoir les motivations réelles qui sous-tendent ses publications, ses sources d’informations, et surtout, les commanditaires de ses publications. « Ce à quoi évidemment j’ai répondu en toute sincérité ne faire en toute objectivité que le métier que j’ai appris aux études dans le respect des normes, de l’éthique et de la déontologie qui y sont requises », a-t-il affirmé.

Des conseils et des menaces

Après cet interrogatoire, les assaillants du journaliste lui prodigueront des conseils qui avaient plutôt tout l’air des menaces à peine voilées. Le journaliste Pweto Kyriakos sait-il, lui diront-ils, que le risque qu’il prend de par ses publications est, de toute évidence, très gros ? Sait-il, poursuivront-ils, qu’il met ses pieds sur un terrain aux enjeux et aux intérêts qu’il ne connait pas et dont il ne maîtrise pas les contours ?  Sait-il, ajouteront-ils, que l’irresponsabilité qui découle de son excès de zèle professionnel met en danger toute sa famille, sa femme et ses enfants ? Le mot de la fin de ces tortionnaires inconnus pour cet épisode rocambolesque sera de dire, avec ironie, à Emmanuel Pweto Kyriakos de tenir sérieusement compte de cet entretien amical s’il ne souhaite pas passer des moments beaucoup plus « agréables » que ceux vécus ce soir-là.

Ces hommes dont le journaliste n’a pu déceler l’identité s’en sont allé et l’ont abandonné, seul à une heure très avancée de la nuit- qu’il ne le savait pas car il était même dépouillé de sa montre - dans ces lieux déserts où l’insécurité est totale, le mettant ainsi à la merci de tous les dangers en faisant de lui une cible de premier ordre aussi bien pour les éléments des FARDC que pour n’importe quels autres groupes armés.

De cet épisode, les ONG qui ont alerté sur ce kidnapping et le journaliste lui-même ont noté que se spécialiser et publier avec assiduité des informations sur la situation sécuritaire en RDC n’est vraiment pas de nature à plaire à tous ceux qui orchestrent, à tous les niveaux, des exactions et forfaitures de tout genre. Ce qui constitue des sérieux dangers et menaces pour le journaliste dans l’exercice de son métier. Mais, ils ont également noté que chacun, à son niveau, devra travailler en vue de l’installation d’une vraie sécurité dans cette partie du pays et sur toute l’étendue du territoire national.

Lucien Dianzenza

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