Le langage internet interroge l’intériorité de l’homme

Mercredi 26 Février 2014 - 17:29

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Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ne sont pas de simples technologies mais des réalités humaines, affime le congrès mondial des communicateurs catholiques à Rome

Ce fut une intervention très remarquée que celle du jésuite Antonio Spadaro en ouverture, mardi, à Rome, du congrès mondial de l’association Signis, un réseau international qui se charge d’amener les communicateurs vers une culture qui favorise la paix dans le monde. C’est d’ailleurs sur le thème « Les médias pour une culture de paix : créer des images avec la nouvelle génération » que se tient ce grand rassemblement des journalistes des cinq continents. Ainsi que signalé dans une édition précédente, de nombreux journalistes provenant des deux Congo prennent part à ces travaux.

L’intervention du père Spadaro était très attendue. Grand spécialiste des médias chrétiens, il est le rédacteur en chef de l’influente revue jésuite Civiltà Cattolica. Il est aussi l’auteur d’un ouvrage qui fait autorité dans son domaine, consacré à « la cyberthéologie », rien de moins ! Le congrès de Signis, par différents ateliers et carrefours, souhaite voir comment « convertir » les jeunes, friands d’Internet et des nouvelles réalités informatiques d’aujourd’hui, à mettre leur passion au service de la paix dans le monde.

Pour lui donc, s’il y a une caractéristique essentielle qui pose un défi à l’homme du XXIe siècle – et à l’Église cathjolique -, c’est bien la nature d’Internet. Ce média se propulse à l’intérieur de la société avec la prétention de se suffire à lui-même. Mais c’est peut-être cela aussi qui constitue sa faiblesse première : il a tendance à passer aux yeux des utilisateurs comme une simple technologie. Or, comme toutes les nouvelles technologies de l’information et de la communication, il est avant tout une réalité humaine. Il est porteur de la quête de sens de l’homme de ce temps, l’expression de sa soif de connaître.

Si jadis, les marins s’orientaient grâce aux phares et aux compas, Internet et l’informatique assument aujourd’hui ces rôles. Mais Internet guide, sans orienter. Le jésuite a puisé dans la spiritualité de sa congrégation, fondée par saint Ignace de Loyola au XVIe siècle, en affirmant que pour lui, toute réalité humaine est lieu de rencontre avec Dieu. Dans un monde où, comme le soulignaient déjà le pape Paul VI en 1964, la science et la technologie sont de plus en plus « sœurs », les chrétiens ne peuvent se tenir en marge de la réalité de la communication.

Mais l’autre faiblesse d’Internet, a-t-on souligné à ce congrès mondial, c’est que l’homme y puise la réponse avant même de formuler la question. C’est le mot-clé qui ouvre la porte des moteurs de recherche, pas la question. C’est ce qui fait que l’autre qualité dont devrait se doter aujourd’hui l’utilisateur (et pas seulement chrétien) des médias électroniques est le discernement. Car sans poser la question, les moteurs de recherche « crachent » une floppée de réponses dans lesquelles il faut aller chercher celle qui convient.

L’homme cybernaute devient un « homme-décodeur » : cela le rend-il plus humain ? La réponse, répondent les communicateurs catholiques, est négative. « Nous sommes plus proches par Internet, mais nous n’en sommes pas pour autant plus frères », a souligné un journaliste nigérian. « Ni plus sœurs », a rectifié une journaliste férue des questions du genre. Tout cela parce que les questions essentielles ne passent pas par l’intériorité de l’homme pour s’engager dans l’interactivité avec la machine.

Interrogation, intériorité, interactivité forcent l’internaute à savoir lire le langage d’Internet, à savoir dialoguer avec la machine. Mais quel est ce guide, qui peut comptabiliser en millions le nombre de « followers » mais qui n’a qu’un contenu superficiel à proposer et pas des réponses de vie ?, s’est-on interrogé. Un prêtre-communicateur irlandais a raconté avoir été amusé par un dessin animé britannique, qui proclamait: « Jésus Chrétien est la réponse ». Et un personnage à côté demandait : « Si Jésus est la réponse, qui est la question ? ».

Lucien Mpama