Lansana Kouyaté : des solutions africaines aux problèmes africainsDimanche 30 Mars 2014 - 4:00 Plus d’un demi-siècle après leur indépendance, les pays africains sont toujours à la recherche de leur développement économique. Cette recherche passe inévitablement par la paix, la stabilité politique et sociale, la sécurité fondamentale des citoyens, en un mot tout ce qui constitue le socle de la démocratie. Longtemps tiraillés entre les blocs Est et Ouest, ils ont été peu ou prou protégés contre les crises internes soit par un camp soit par l’autre. La bipolarisation de l’après-guerre n’a pas mis fin aux conflits mais ceux-ci étaient plus inter-États qu’intra-États Lansana Kouyaté est né en 1952 à Koba, en Guinée. Il a successivement occupé les fonctions d’ambassadeur dans plusieurs pays du Moyen-Orient, de représentant permanent de son pays à l’ONU, de représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU en Somalie, de sous-secrétaire général de l’ONU, de secrétaire exécutif de la Cédéao, et de Premier ministre de Guinée. Aujourd’hui, Lansana Kouyaté est président du Parti de l’espoir pour le développement national. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont le plus récent est Du brasier somalien à la chaleur onusienne aux Éditions du Panthéon, où il raconte, en tant que témoin privilégié ou acteur, la crise somalienne ainsi que les conflits au Rwanda, au Burundi, en RDC, en Sierra Leone, en Afghanistan, etc. Le rêve d’une ère de paix durable n’a pu résister aux contradictions politiques, aux tensions sociales, aux conflits ethniques dont certains pays africains ont été le théâtre. De toutes parts, on s’est mis à cogiter sur des concepts de prévention des conflits, de gestion des crises soit par la diplomatie, l’arbitrage, la médiation, la négociation, la conciliation et la voie judiciaire, soit par le recours à la force par le déploiement de troupes lorsque les moyens pacifiques et intermédiaires auront montré leur limite. Le Conseil de sécurité de l’ONU est en première instance responsable de la paix et de la sécurité du monde. Cela lui impose l’intervention dans tout conflit pouvant porter atteinte à cette stabilité, telle que définie par les chapitres 6 et 7 de la charte de l’ONU. Cependant, la responsabilité des organisations régionales prévue au chapitre 8 de la même charte engage celles-ci à s’impliquer dans les conflits intervenant dans leur sphère d’influence. Cette implication peut s’opérer soit en faisant appel aux Nations unies, soit en décidant d’intervenir elles-mêmes après avoir obtenu l’accord du Conseil de sécurité. Les propos qui suivent se penchent surtout sur l’intervention des organisations régionales, plus précisément sur celle de l’Union africaine et des organisations sous-régionales qui la composent. Depuis assez longtemps, l’Afrique a commencé à examiner les conflits sur le continent. Cet examen a suivi le cheminement habituel d’envoi de missions spécifiques jusqu’à l’intervention armée dans les cas extrêmes. Depuis longtemps, il a été question de la formation d’une armée africaine qui n’a jusqu’ici pas vu le jour faute de consensus. Il serait de toutes les façons difficile d’aboutir à un tel consensus en l’absence d’une autorité continentale ayant prépondérance sur des États dont nul ne peut imaginer pour l’instant qu’ils se dessaisissent de tout ou partie de leur souveraineté. En lieu et place d’une armée continentale dont le projet somnole dans les tiroirs de l’Union africaine (UA), les mécanismes de prévention furent privilégiés. Ils portent principalement sur la mise en place d’un conseil de paix et de sécurité, d’un centre de collecte et d’analyse, d’un système d’alerte rapide, d’un conseil des sages et d’un projet de forces africaines prépositionnées. L’Afrique a souvent pris des initiatives hardies pour mettre fin à des conflits de grande intensité. On peut retenir ceux du Burundi, des Comores, du Sud-Soudan, de la Somalie. De toutes les organisations sous-régionales, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale est connue pour celle qui a fait le plus d’interventions et celle qui a élaboré les mécanismes les plus appropriés dont l’Union africaine s’est d’ailleurs largement inspirée. Les conflits au Libéria, en Sierra Léone et en Guinée-Bissau ont connu l’intervention des troupes de la Cédéao alors généralement connues sous l’acronyme Écomog. Les résultats aussi bien continentaux que sous-régionaux, bien que méritoires, ont été mitigés comme sur d’autres continents ou même à travers le monde. Pour l’Afrique, quelles en sont les raisons et comment en éradiquer les faiblesses ? Comment la Cédéao a-t-elle été prise de cours par la rapidité et l’ampleur du conflit au Mali ? En dépit d’une présence en République centrafricaine, les troupes africaines jouent-elles les premiers rôles ? Sauraient-elles les jouer réellement ? Les cas malien et centrafricain sont une représentation des difficultés auxquelles l’Afrique fait face dans le rétablissement de la paix sur le continent. Oui, tout Africain serait heureux que les mécanismes endogènes puissent suffire à prévenir sinon à régler les crises. Encore faut-il que les organisations africaines s’en donnent les moyens. Ces moyens sont connus des états-majors et de gouvernements africains : Les questions évoquées ici ne sont pas exhaustives. In fine, tout dépendra de la volonté d’indépendance qui sera le levain de la responsabilité des États africains à trouver des solutions aux problèmes africains dans le respect de la charte de l’Union africaine et du chapitre 8 de l’Organisation des Nations unies. En tout état de cause, prévenir vaut mieux que guérir, dit-on, mais si prévoir une crise est facile, la prévenir requiert une certaine transcendance des conseils donnés aux États qui ne perçoivent le vrai danger que quand il est quasiment inévitable. Lansana Kouyaté |