La tournée africaine de Jean-Yves Le Drian

Vendredi 3 Janvier 2014 - 17:15

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Durant sa tournée en Afrique centrale - Tchad, Centrafrique, Gabon et Congo -, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a rencontré le 2 janvier, à Bangui, les soldats français. Il a écarté le risque d’enlisement pour la France, un mois après le début de l’opération Sangaris qui peine à enrayer l’engrenage de violences entre les Centrafricains, au bord d’une guerre civile

« Nous sommes là [en Centrafrique] et il ne faut pas qu’il y ait de doute sur notre détermination à mener cette mission », a déclaré Jean-Yves Le Drian, qui a également évoqué le rôle « historique » de la France en Afrique. « Assurer la sécurité en Afrique, c’est aussi assurer la sécurité en France », a-t-il affirmé, ajoutant : « Quand il y a un vide sécuritaire, c’est le creuset à tous les trafics et la porte ouverte à tous les terrorismes. »

À Ndjamena, Jean-Yves Le Drian a rencontré le président tchadien, Idriss Deby Itno, président en exercice de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, qui reste un homme clef dans la région aussi bien dans la lutte contre le terrorisme que dans la gestion de la crise en Centrafrique. Il a, selon lui, « une vraie capacité d’entraînement vis-à-vis de ses pairs en Afrique centrale. Lors du sommet de Paris, c’est lui qui a  fait le tour des chefs d’État pour obtenir des troupes pour la Misca », souligne son entourage.

Selon certains analystes, la tâche de la France serait compliquée par les ambiguïtés de son allié tchadien, considéré comme la puissance régionale qui a porté Michel Djotodia au pouvoir. Le Tchad fait aussi partie de la force africaine (Misca) censée être neutre, mais ses soldats sont accusés de « complicité avec les ex-rebelles de la Séléka ». Une analyse que le Tchad a toujours contestée. D’ailleurs, lors de ses vœux 2014, Idriss Deby Itno s’est montré « choqué par les allégations selon lesquelles son pays soutient la Séléka. » « Je défie quiconque, je dis bien quiconque, capable de fournir à l'opinion internationale la preuve de ces allégations », a-t-il martelé.

Jean-Yves Le Drian s’est montré toutefois optimiste malgré une issue militaire et politique qui reste problématique. À ce jour, on peut penser que les soldats français seront appelés à « rester plus nombreux et plus longtemps que prévu » en Centrafrique, face à l’impréparation des forces africaines aux missions de sécurisation et à un besoin de solution politique. Malgré les appels au calme, les affrontements persistent, chrétiens et musulmans se renvoyant les reproches.

Mais dans la tournée de Jean-Yves Le Drian, qui a commencé le 31 décembre 2013 par le Mali, le Niger pourrait aussi avoir un autre intérêt. Au Mali, à travers l’opération Serval, la France va évoluer vers une logique régionale « pour faire face à la menace djihadiste dans l’ensemble de la zone », du nord du Mali et du Niger jusqu’au sud de la Libye, en passant par le Tchad et le Burkina Faso.

Cette « menace de déstabilisation » obligerait la France à réorganiser son dispositif. Rien n’est officiel pour l’instant. Trois tendances vont dominer la stratégie de la France. À savoir :

  • le reformatage de ses forces d’intervention prépositionnées : entre Dakar, Djibouti, Ndjamena et Libreville, la France compte environ 11 775 hommes, dont 5 050 hommes au Sénégal, à Djibouti, au Gabon et dans l’océan indien ; 6 725 militaires, dont 460 en Côte d’Ivoire, 950 au Tchad, 2 915 au Mali, 1 600 en RCA, 250 au Niger, et 350 pour l’opération Corymbe et 200 pour l’opération Atalante. Ce chiffre va décroître. Toutefois, 3 000 soldats français pourraient stationner durablement dans la région du Sahel ;
  • la réarticulation des forces d’intervention françaises avec des points d’appui autour de 15, à l’instar des nénuphars américains disposés dans une dizaine de pays du continent à des fins antiterroristes. Il s’agirait de disposer de tremplins en cas de crises - Niamey connaît actuellement des travaux d’agrandissement de sa base aérienne ;
  • le désengagement des forces françaises de certaines missions au profit de structures privées, par exemple dans le domaine du soutien et de la formation, une idée qui fait son chemin et qui ne fait pas l’unanimité auprès des fonctionnaires du Quai d’Orsay.

On pourrait aussi ajouter « le renforcement capacitaire » des partenaires africains, initié avec le Recamp (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix) mais qui marque le pas en raison du manque de moyens de commandement et de transport de la Force africaine en attente.

Notons qu’en collaboration avec l’Organisation des Nations unies, l’Union européenne organise le 20 janvier, à Bruxelles, une conférence internationale sur la situation en Centrafrique, dont l’objectif est d’identifier les priorités de la situation humanitaire et d’obtenir des engagements fermes pour y faire face. L’une des priorités sera de créer les conditions de sécurité maximale pour la fourniture des vivres et l’assistance aux populations en extrême urgence.

Noël Ndong