Journée mondiale des toilettes : à quoi ressemblent nos latrines ?

Lundi 18 Novembre 2013 - 21:30

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Les Nations unies ont décidé de célébrer chaque année le 19 novembre la Journée mondiale des toilettes. Aussi surprenant que cela paraisse, c’est aussi l’occasion de sensibiliser à l’hygiène et de jeter un regard sur les toilettes à Brazzaville et sur des gestes d’hygiène parfois contestables

Derrière la date décrétée par l’ONU, un chiffre : aujourd’hui encore 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès à un système d’assainissement de base, avec des conséquences néfastes sur la santé, particulièrement chez les femmes et les enfants, ainsi que sur l’environnement. Près d’un tiers de l’humanité n’a finalement pas accès à des installations sanitaires privées, saines et propres.

L’accès aux toilettes pose désormais une véritable problématique de droit de l’homme. Selon des chiffres fournis par des ONG, un milliard de personnes sont contraintes de déféquer à l’air libre (en brousse, le long des routes ou des voies de chemin de fer, dans la rue des villes et des bidonvilles) et un milliard et demi dans des installations dangereuses pour l’environnement.

Dans les méandres des quartiers de Brazzaville, quelle est la situation ? 

Elle n’est pas loin du sombre tableau que dresse l’ONU. La configuration des habitations n’a pas beaucoup changé dans les quartiers populaires depuis les indépendances. De Makélékélé à Bacongo, en passant par Moungali, Poto-Poto et jusqu’à Ouenzé et Talangaï, la plupart des toilettes sont encore de petits endroits entourés de tôles ou des enclos en brique avec une fosse parfois bordée de ciment ou disposant simplement d’une marche en bois, sans chasse d’eau ni dispositifs d’hygiène. Les mouches pullulent sur les excréments, introduisant des maladies diarrhéiques parfois mortelles…

Ces images, beaucoup de Congolais les connaissent. Ils sont nombreux à vivre la course aux latrines dans des parcelles à plusieurs familles : un seul et modeste cabinet parfois pour 25 personnes. On n’est pas surpris d’apprendre que certains défèquent dans des récipients dans les maisons pour déverser le contenu tard dans la nuit dans les toilettes ou dans les canalisations, surtout pendant les pluies.

La politique d’hygiène du pays n’a, semble-t-il, pas prévu de modèle de latrines dans les habitations au regard de l’anarchie dans laquelle vivent la plupart des Congolais. Existe-t-il des mesures de soutien à l’assainissement pour les familles pauvres ? Les quelques habitations modernes où les conditions d’hygiènes sont réunies ne peuvent pas justifier la situation de certains quartiers. Il suffit de jeter un regard critique et profond dans les méandres des logements pour comprendre le risque que courent des familles entières en s’exposant à des maladies graves. Et l’économie en pâtit…

Pas de toilettes publiques dans les grandes villes

Combien de murs en ville portent des traces d’urine et combien de couloirs dégagent des odeurs nauséabondes du fait d’excréments abandonnés par un citoyen en difficulté ? Le programme de municipalisation accélérée des grandes villes n’a pas pensé à la construction de toilettes publiques et modernes. Voilà une taxe de plus qui échapperait aux mairies dans le cadre de la gestion de ces toilettes où l’accès serait conditionné par une petite pièce de 100 FCFA, par exemple.

Les collectivités locales n’ont pas, elles non plus, mis en œuvre une politique d’installation de toilettes publiques avec le soutien d’ONG spécialisées. Des projets entiers sont menés, mais l’assainissement est toujours le dernier des soucis. La situation est encore pire dans les marchés publics, notamment ceux qui n’ont pas encore bénéficié de programmes de rénovation. Marchands et clients ne savent où aller lorsqu’un besoin venait à se manifester. Il faut solliciter les familles proches au prix de mille explications.

À l’école, l’accès à des latrines propres et fermées permettrait aux jeunes adolescents de continuer de suivre leurs cours. L’absence de sanitaire peut être classée parmi les causes majeures d’absentéisme des jeunes filles.

Les toilettes, mesure préventive contre les maladies

La vie de 200 000 enfants pourrait être sauvée chaque année en fournissant des toilettes modernes et salubres. L’Organisation mondiale des toilettes, une ONG internationale qui promeut les toilettes et la santé publique, estime que chaque année plus d’un million et demi d’enfants et de bébés de moins de 5 ans meurent à cause de diarrhées et d’autres maladies venant de mauvaises conditions d'hygiène, à commencer par les sanitaires.

Au-delà de la latrine, la Journée mondiale des toilettes, lancée en 2001, pose également le problème du système d’assainissement qui manque cruellement dans beaucoup de pays : pas de gestion ni d’évacuation ni de traitement des rejets domestiques, comme les déchets ou les eaux usées. Les toilettes ne devraient plus être un luxe. Bien au contraire. L’assainissement est non seulement le moyen le plus efficace pour lutter contre les maladies diarrhéiques, mais il permet aussi des économies d’échelle. « 500 FCFA investis dans les toilettes, c’est au moins 2 500 FCFA d’économie de santé pour un foyer, moins d’achats de médicaments, plus de présence à l’école et au travail », estime l'Organisation mondiale des toilettes.

Quentin Loubou