Intégration régionale : forces et faiblesses des organisations sous-régionales

Vendredi 6 Décembre 2013 - 10:04

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Au lendemain de la guerre froide, la complexité grandissante des situations de crise en Afrique ainsi qu’un intérêt moins marqué de la communauté internationale ont conduit des États africains à prendre des initiatives pour trouver des solutions à leurs problèmes, d’où la création d’organisations sous-régionales. Le diplomate et juriste congolais Jérôme Ollandet évoque avec nous les missions, le fonctionnement et les perspectives de ces organisations en Afrique

Les Dépêches de Brazzaville : Que peut ont retenir des organisations sous-régionales ? Comment se présentent-elles ?

Jérôme Ollandet : En général, on les appelle les CER (Communautés économiques régionales). La plupart des organisations sous-régionales sont des CER. Dans la sous-région d’Afrique centrale, nous avons la Communauté économique des États d’Afrique centrale (Cééac), au sein de laquelle on peut trouver d’autres sous-ensembles comme la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cémac). La Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) est une organisation qui vient d’être créée.
D’ailleurs, je viens de participer à Pretoria, en Afrique du Sud, à une réunion qui a regroupé les pays de cette nouvelle organisation qu’il ne faut pas confondre avec la CPGL (Communauté économique des pays des Grands Lacs). C’est une organisation internationale créée en septembre 1976 pour l’intégration économique et la facilitation des mouvements des biens et des personnes entre différents pays de la région des Grands Lacs d’Afrique centrale (Burundi, RD-Congo, Rwanda). Son siège se trouve à Giseni, au Rwanda. La réunion de Pretoria a regroupé la CIRGL et la Sadec.
La Communauté de développement d’Afrique australe (Southen African Development Community-SADEC) est une autre organisation régionale regroupant les pays de l’Afrique australe, qui s’étend jusqu’à Madagascar, les Seychelles et l’île Maurice. Nous avons une autre organisation comme la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
En Afrique orientale, nous avons l’autorité intergouvernementale sur le développement (Intergovernmental Authority on Development-IGAD), un groupement régional associant sept pays est-africains : Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Somalie, Soudan et Ouganda. Ce sont des ensembles sous-régionaux. Au-dessus d’eux, nous avons la grande organisation qu’est l’Union africaine. Voilà à peu près, schématiquement, comment se présentent ces quelques organisations.

LDB : Comment fonctionnent-elles ?

JO : Elles fonctionnent tant bien que mal, avec des succès et des échecs. Le premier succès est le fait d’exister et ce malgré la difficulté que rencontrent les administrations dans leur fonctionnement. Elles fonctionnent aussi avec beaucoup de faiblesses du point de vue matériel. Le fait qu’elles existent et fonctionnent de façon administrative constitue une force.

LDB : Quelles sont les grandes faiblesses de ces organisations sous-régionales ?

JO : Les grandes faiblesses se montrent d’abord au niveau de leur nombre. Elles sont trop nombreuses, et du coup se pose le problème des cotisations. Les États éprouvent des difficultés pour s’acquitter de leur dette. Ensuite, les calendriers budgétaires ne fonctionnent pas toujours au même moment. Pendant que certains pays tentent de mettre à jour leur budget en cotisant normalement, d’autres par contre tardent. Or, le peu d’argent qu’un pays peut envoyer ne peut jamais faire fonctionner une organisation. C’est l’aspect financier qui est primordial.
Un autre aspect réside dans les méthodes de sélection des cadres, qui sont beaucoup plus politiques qu’administratives. Ces organisations n’ont pas été structurées pour discuter des problèmes politiques, mais plutôt économiques. Lorsqu’il s’est agi de régler, par exemple, la crise politique en RD-Congo, nous avons eu de sérieuses difficultés à connaître dans quel cadre la traiter, d’où la mise en place de la CIRGL. La grande innovation est qu’elle s’occupe également des problèmes politiques.
La faiblesse de ces organisations sous-régionales est de se focaliser seulement sur les problèmes économiques. Mais, du point de vue statutaire, ce sont des organisations bien bâties, avec en toile de fond des structures, des sommets des chefs d’État, des conseils des ministres et des réunions d’experts.

LDB : Qu’elles sont les stratégies à mettre en œuvre pour résoudre ce problème ?

JO : Il s’agit de la bonne volonté des États de s’acquitter de leur droit, car les organisations internationales fonctionnent comme des tontines. Dans une tontine, si vous ne contribuez pas on ne pourra jamais vous donner de l’argent. Les organisations internationales sont des tontines. Elles sont indispensables, car un pays ne peut s’en sortir seul quel que soit sa puissance

Propos recueillis par Yvette-Reine Nzaba