Gisèle Marie Gabrielle Ambiero Alliandzi : « Ma vision pour le CHU de Brazzaville… »Samedi 11 Juin 2016 - 15:58 Quatre mois après sa prise de fonctions en qualité de directrice générale du CHU de Brazzaville, Gisèle Marie Gabrielle Ambiero Alliandzi fait parler d’elle, en bien ou en mal. Dans une interview exclusive avec Les Dépêches de Brazzaville, la manager annonce la rupture des contrats de complaisance et l’installation de la télésurveillance, ainsi que plusieurs mesures en vue d’améliorer les prestations de l’établissement.
Gisèle Marie Gabrielle Ambiero Alliandzi (GMGAA) : J’en suis très comblée, du fait de la solidarité féminine, de travailler sous la conduite d’une femme comme moi. C’est une loi naturelle qui s’accomplit à notre avantage, car il est : « que ce qui se ressemble s’assemble ». Donc, je pense que nous avons une complicité féminine à faire valoir et à défendre, ainsi je suis aux ordres pour lui être attentive à tous égards. LDB : Nous constatons que le CHU est dans une intense activité de nettoyage ; une nouvelle couche de peinture par-ci, des bacs à fleurs par-là, avec une présence permanente des éléments de la force publique. Est-ce dire que les choses changent ? GMGAA : Cela relève simplement de notre volonté de faire la poltique du président de la République qui nous a nommé à ce poste. Vous savez, Dubaï a été construite par la volonté d’une seule personne, et je crois que le Congo en général, et le CHU en particulier, peut être transfiguré d’abord par la volonté d’une seule personne. Mais à condition qu’on laisse tranquille la « Reine mère » dans sa termitière. LDB : Vous parlez de tranquillité, mais vos collaborateurs disent de vous, que vous êtes trop autoritaire et autosuffisante, vous n’écoutez presque personne, semble-t-il ? GMGAA : D’abord un collaborateur qui se plaint de son chef derrière son dos est un mauvais collaborateur. C’est un délit d’abus de confiance, répréhensible par la loi. Un collaborateur qui photocopie abusivement les documents comptables de sa structure, et en fait des fiches faussement contre son chef, sans rien dire de ce qu’il fait lui-même de mauvais, est passible en matière de droit, de délit de divulgation du secret comptable, et cela mérite une incrimination appropriée. Et c’est ce qu’ils ont fait à mes prédécesseurs, en espérant prendre leur place. Les malheurs du CHU ne viennent pas du corps médical, mais du corps administratif qui n’a aucune identité professionnelle, ni une conscience collective pour travailler dans une structure aussi sensible comme celle de la santé. Les coups bas, c’est ce qu’ils savent faire le mieux. Et tout le monde pense être directeur général, même les plus déméritants qui croient au miracle. Je pense que l’heure n’est plus à écouter les ragots, mais au travail. L’an 2025 n’est plus loin, nous devons racheter le temps en travaillant, afin de gagner le pari de l’émergence. J’ai une vision pour le CHU et je suis la seule responsable de cette vision qui a pour balises, la feuille de route du Président de la République sur les structures sanitaires. Ma vision pour le CHU, c’est l’efficacité dans les actions en temps réel. LDB : Comment entendez-vous imprimer votre vision en dépit de cet environnement humain ? GMGAA : Après quatre mois d’exercice de mes fonctions, j’apprends à connaître mes collaborateurs et je veux les voir les mains à l’étrier. Ils doivent tous adhérer à la vision du président de la République sur la bonne gestion du CHU. L’heure est déjà venue où le CHU et ses agents doivent résolument changer de mentalité. Au cas contraire, et comme ce n’est pas moi qui les avait proposés à leurs postes, qu’ils sachent qu’ils sont tous assis sur des sièges éjectables. Les voleurs et les combinards, les paresseux et les démobilisateurs, tous ceux qui sont déguisés en faux fournisseurs et en faux opérateurs économiques, pour empêcher la bonne prise en charge des malades, seront tous mis hors d’état de nuire. LDB : Justement, des bruits font état de ce que vous êtes en train de résilier les contrats avec plusieurs fournisseurs et prestataires de services, et vous choisissez vos propres fournisseurs… ? GMGAA : Oui, le choix des fournisseurs et des prestataires est l’une des attributions de la directrice générale du CHU. Elle doit connaitre celui ou celle à qui elle attribue un marché, parce que c’est elle seule qui répondra de la gestion du CHU. Au CHU, nous avons besoin des fournisseurs qui respectent la fourchette des prix homologués par l’Etat. Nous avons une mercuriale à faire valoir à tous les fournisseurs. Tous les fournisseurs qui ne respecteront pas les prix fixés par l’Etat, ne seront plus jamais les bienvenus au CHU. Quant aux bruits, ce sont les cris des voleurs qui crient « au voleur ! ». Malheureusement au Congo, nous sommes dans un pays où la voix des voleurs est plus forte que la voix douce de gens honnêtes. Un pays où les voleurs exhibent leurs butins et ils sont applaudis et respectés, mais ceux qui sont justes et font le bien sont humiliés et déshonorés. C’est invraisemblable. J’ose croire qu’avec l’avènement de la nouvelle République, cette pyramide grotesque va être renversée. LDB : La question des antivaleurs paraît délicate au CHU, vous pensez que les choses peuvent vraiment changer ici ? GMGAA : Je suis arrivée comme première femme à la tête de CHU par la volonté présidentielle de vouloir gagner le pari du développement et de la modernisation de notre pays. A ce titre, je ne suis pas astreinte à encourager ni à faire récidiver la médiocrité. Je dois apporter le changement radical dans le mode de gestion de la chose publique. Le CHU n’est pas un nid de crabes comme le pensent certains, mais ce sont les crabes qui croient que le CHU sera indéfiniment leur nid. C’est pourquoi, en dépit de l’amateurisme de ceux qui poussent le CHU à la pendaison, tous les contrats de complaisance et de familiarité seront résiliés sans état d’âme. Le CHU ne sera plus jamais la « vache à lait » des agents et opérateurs économiques fantômes et véreux. Le Congo doit changer et se développer, le président de la République l’a dit. Au sujet des marchés, je ne pense pas avoir signé un seul marché jusqu’à ce jour, étant donné que la cellule de passation des marchés au CHU n’est pas encore remise en place. Ce qui se fait présentement, ce ne sont que de petites transactions de gré à gré. Et ça marche à merveille. Toutefois, il sied de rappeler à tous ceux qui espèrent devenir des opérateurs économiques au CHU, qu’avec la nouvelle République, le CHU ne sera plus jamais cette poule aux œufs d’or où chacun venait allégrement prendre sa part d’œufs. C’est fini le temps du partage du gâteau et du gain facile. Aujourd’hui, il nous incombe la responsabilité de gérer le CHU autrement. Nous avons besoin des résultats et non des discours et des querelles. L’assainissement du mode d’acquisition des services et biens consommés au CHU, exige de la rigueur absolue dans le choix efficient des fournisseurs ou prestataires des services. Le CHU ne sera plus jamais ce guichet distributeur des marchés en désordre, comme cela a été par le passé, avec près de 150 opérateurs économiques pour la plupart « fantômes ». Voilà le mode curatif de gestion axée sur les résultats dont le CHU a besoin. Cela fait mal à beaucoup de gens, mais cela doit être ainsi pour le bien de tous. Trop de leaders tue le leadership. LDB : Il paraîtrait que c’est vous-même qui choisissez les fournisseurs et les prestataires alors que ce rôle est dévolu à la direction économique et financière. GMGAA : C’est faux, absolument faux. Si mes prédécesseurs ont été trompés par cette confusion de rôles, avec ma petite expertise en finances publiques, je ne me laisserai pas dupée. Le CHU a besoin d’un Chef et d’un vrai Chef qui connait ses prérogatives et qui doit savoir anticiper et prendre des décisions sans transiger. Le principe de séparation des pouvoirs entre l’ordonnateur et le comptable est clair, pour être résolument respecté afin d’éviter l’amalgame. Et c’est ce qui a démoli, toutes ces années, le CHU dans sa gestion quotidienne, où tout le monde se croyait directeur général à ses propres yeux. Le directeur général du CHU est l’ordonnateur de la dépense, le directeur économique et financier est le comptable qui assure la bonne imputation de la dépense et veille à la régularité de ladite dépense. Pour être plus claire, le Décret n° 88/622 du 30/07/1988 portant organisation et fonctionnement du CHU stipule en son article 14 ce qui suit : « Le directeur général du Centre hospitalier et universitaire engage les dépenses et les achats, passe les marchés de fournitures des services et des travaux, souscrit tous les contrats, règle toutes indemnités et conclut toutes transactions dans la limite des crédits ouverts, conformément à la législation en vigueur ». Dans ce même article plus haut, il est dit : « Le directeur général anime et dirige le Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville qu’il représente dans tous les actes de la vie civile. Il est le seul responsable de la gestion du Centre pendant les intersessions du comité de direction. Il peut déléguer une partie de ses attributions aux directeurs divisionnaires. Il est responsable, devant le comité de direction, de l’organisation générale, technique, administrative et financière, et la bonne marche du Centre dont il contrôle et coordonne toutes les activités ». LDB : Comment comptez-vous améliorer les prestations de vos agents surtout au service des urgences, à la maternité, en néonatologie etc… ? GMGAA : J’en conviens avec vous, parce que quand j’entends comment les femmes sont reçues et traitées dans les salles d’accouchement, le rythme insoutenable des accouchements par césarienne, la mortalité effrénée des bébés en Néonatologie, la négligence blâmable des paramédicaux au service des urgences et un peu partout etc…cela me met dans un état de révolte en tant que femme et mère. C’est pourquoi, étant donné que la sanction doit venir après la formation et le contrôle, j’ai résolu de placer, dans les plus brefs délais, des caméras de surveillance un peu partout dans les services indiqués ci-dessus et autres, pour assurer la télésurveillance sur les nouveaux comportements que doivent avoir désormais les agents du CHU, sinon après quoi viendront des sanctions disciplinaires et exemplaires. A l’image des pays des autres, je pense que le temps est plus qu’arrivé pour que nous puissions tous œuvrer à porter notre pays dans une dynamique de développement. La pharmacie du CHU est en train d’être informatisée. J’ose croire que bientôt, avec un peu d’honnêteté et la volonté de tous, nous allons éradiquer les pénuries chroniques de produits pharmaceutiques. Au service de la restauration, nous allons, sous peu, acquérir des équipements de cuisine afin de changer radicalement le régime gastronomique de nos malades pour qui, une alimentation copieuse, saine et variée constitue le tout premier médicament. Au service de la radiologie, un moniteur d’appel sera placé bientôt, afin de discipliner et de réguler les files d’attente et éviter des bousculades inutiles et des services de faveur. Dans tous les cas, nous allons porter le CHU dans l’ère de la modernité informatique, pour accroître ses potentialités et son efficacité dans le goût des services bien rendus. LDB : Madame la directrice générale, vous parlez bien de la vidéo-surveillance au CHU ? GMGAA : Oui, des caméras seront placées au CHU ; cela n’est pas étrange. Nous sommes à l’ère de la modernité. Regardons chez les autres, tous les pays développés aujourd’hui sont sur surveillance vidéo. Pourquoi les gens ont peur de la caméra ? Ce sont des travailleurs mal intentionnés qui ont peur de la caméra. Un bon élève ne peut pas craindre que le maître regarde sa copie pendant qu’il compose. Tout travail mérite d’être surveillé. Et je mettrais tout le CHU sous vidéo-surveillance, afin de sécuriser le personnel et tous les moyens de production. La surveillance ou le contrôle accroît la performance, la performance produit de bons résultats et les bons résultats consolident le progrès et le développement. LDB : Pour finir, un mot au sujet de vos prédécesseurs, MM. Ignace Ngakala et Bernard Ovoulaka. Vous ont-ils balisé la voie ? GMGAA : Ce sont mes aînés envers lesquels j’ai beaucoup d’égards. Je souhaite que leurs expériences à la tête du CHU me servent de tremplin. Je mettrais ma lampe sur leurs dos pour éclairer mon chemin. On ne devient savant que du savoir d’autrui.
Propos recueillis par Parfait Wilfried Légendes et crédits photo :Gisèle Marie Gabrielle Ambiero Alliandzi; une vue extérieur du CHU Notification:Non |