Football : « Trop de Noirs dans les équipes d’Italie », déclare Arrigo SacchiMercredi 18 Février 2015 - 15:04 Le monde de la politique et le monde du sport sont ébranlés par les propos déconcertants de l’ancien coach de la nazionale italienne de foot. Indignation. C’est peu de dire que l’ancien entraîneur de l’équipe nationale italienne de foot et ancien entraîneur du Milan-AC, Arrigo Sacchi, a déchaîné une vraie tempête dans la classe dirigeante en Italie. Lundi soir, dans la petite localité de Montecatini Terme, le Mister a estimé que l’Italie n’avait plus « aucune dignité ou fierté » parce que le pays avait « de trop nombreux étrangers jouant dans les championnats des moins de 20 ans ». Et même, carrément: « chez nos jeunes, il y a beaucoup trop de Noirs ». Rien que ça ! Comme toujours, il en a remis une couche en ne s’estimant pas raciste. « Je ne suis certainement pas raciste comme l'a montré mon passé d'entraîneur avec Rijkaard. Mais regardez le tournoi de Viareggio, je dirais qu'il y a beaucoup trop de joueurs de couleur, tout comme dans les équipes des moins de 20 ans en Italie ». Pour rappel, Viareggio, toujours en Toscane, rassemble chaque année des jeunes de beaucoup de pays européens et issus des centres de formation en une compétition très courue. "L'Italie d'il y a 30 ans n'a plus rien à voir avec l'Italie d'aujourd'hui" Naturellement, la marée des protestations suscitées par ces propos a été à la hauteur de l’étonnement qu’ils ont suscités chez beaucoup de personnes pour qui Arrigo Sacchi, un des meilleurs entraîneurs dans le monde, est une personne estimable, au-dessus de considérations aussi basses. Premier interpellé, le secrétaire d’État italien au Sport, Graziano Delrio, a condamné ces propos, les qualifiant de « grave erreur ». « L'Italie d'il y a 30 ans n'a plus rien à voir avec l'Italie d'aujourd'hui. Aujourd'hui, il y a des jeunes joueurs qui sont citoyens italiens de fait et par le droit du sol parce qu'ils sont nés et ont grandi en Italie même si leurs parents ont des racines étrangères. Ils font partie des jeunes générations qui fréquentent nos écoles, qui jouent au football et sur nos pelouses », a-t-il estimé. Arrigo Sacchi a eu beau se justifier, expliquant que ses propos ont été sortis de leur contexte, qu’il parlait du futur de l’identité italienne en général, l’indignation n’en finit pas de secouer les pelouses en Italie et en Europe. "J'ai honte d'être Italien" Presque directement interpelé, l’attaquant italien d’origine ghanéenne, Mario Balotelli, s’est lui aussi épanché dans les réseaux sociaux : « ce sont des paroles qui me font honte d’être Italien », a-t-il confié. L’attaquant anglais Gary Lyneker n’y va pas avec le dos de la cuillère, lui non plus : « ce ne sont pas les Noirs qui sont en surnombre, ce sont les racistes qui sont trop nombreux dans le championnat italien ». Quelle que soit la prise de position et quel que soit le milieu, les paroles de Sacchi ravivent une plaie jamais vraiment refermée dans l’Italie qui se réveille à peine à la diversité. Renzo Ulivieri, président de l’AIAC, l’association italienne des entraîneurs et membre du parti SEL (Gauche, écologie et liberté) commente : « il y a quelques jours, un sénateur membre de la commission des naturalisations, expliquait que dire de Cécile Kyenge (ex-ministre de l’Intégration, originaire de RDC) était un orang-outan, c’est juste une manière de parler, pas du racisme. Je vous jure que s’il avait été de mon parti, je lui aurais bien botté les fesses », a-t-il dit. Racisme ou pas ? « Il est évident que Sacchi se trompe, mais il ne reproduit ici que ce que soutenait ce sénateur », a-t-il ajouté. Les jugements négatifs sur les joueurs « de couleur », les gestes les assimilant à des singes sont légion dans la société italienne et en Europe. Mardi à Paris, en France, des supporteurs de l’équipe de Chelsea ont empêché un Noir de monter dans le métro. La police française a ouvert une enquête. «Tant qu’un individu répète dans sa salle de bain qu’il n’aime ni les Juifs ni les Noirs, ses propos lui appartiennent. Mais dès lors qu’il décide de les tenir en public, il doit s’assumer raciste ou antisémite », rappelle l’écrivain Marek Halter. La multiplication de tels dérapages dans la société italienne est peut-être le signe d’un malaise réel. Sinon la normale manifestation d’une société en mutation. Lucien Mpama |