Évocation : de LJ à Nancy pour la vieSamedi 19 Novembre 2016 - 18:41 Tu avais décidé de m’appeler LJ et sans trop de peine je m’y suis faite, sans même vraiment savoir si cela me plaisait. Mais c’était tout toi, ton côté taquin et proche des gens, me rassurant dans mes journées noires, sachant que tu saurais me relever même dans mes gaucheries de débutante aux Dépêches. De cet air de conspiratrice que tu savais prendre pour m’insuffler courage et optimisme, toi, mon « ancienne », tu savais me dire : « Top secret, Luce, ce jour passera pour toi aussi ». Et une franche rigolade finissait par venir à bout du bourdon le plus coriace. À mon arrivée au journal, tu avais tout de suite cerné ma personnalité. N’hésitant pas, tu m’en a demandé plus encore dans la rédaction de mes papiers. « Ton angle d’attaque ! » « Oups, Nancy, je vais le réécrire en suivant ce que tu me précises à l’instant ! ». Et cela a fini par donner des fruits : des papiers éco à la Une (juste après un grand coup d’œil de ta part) et je partageais tous ces « succès » avec toi parce que tu étais là lorsque l’on était perdu. Le temps, tu le prenais pour dire et redire. « C’est un torchon ! Revois ton angle d’attaque ! ». Même si je n’aurais pas forcément attaqué comme tu le suggérais, le résultat final était un miracle. Jamais de fausseté sur ce qui n’était pas au travail. Nous finissions par savourer ensemble ces petits riens qui vous gonflent un cœur lorsqu’on vous fait un compliment sur un papier réussi et travaillé. Revenant de reportage, seule immergée parmi les hommes, tu étais penchée sur ton papier, écrivant et écrivant toujours, avec de temps en temps le directeur des rédactions pour savoir si ta gibecière contenait enfin le papier attendu pour la Une. Et j’ai eu l’impression que tu semblais rusée, car ton papier de Une, on finissait par l’avoir quand tu avais décidé qu’il était au point. Et tu avais tes petites cachotteries, mettant dans un coin un bout d’information en disant que cela te servirait pour un autre jour, pour plus tard, peut-être même pour jamais. Parce que tu étais tout à la fois un véritable bureau du renseignement, un chef, une copine, une collègue. Tu n’hésitais pas à me demander de me rapprocher le plus possible d’un lieu d’évènement. «Pour la qualité du son et de l’image», disais-tu. Alors que toi, de loin, tu avais ce regard englobant qui te permettait de voir tout, au moindre détail. Jusqu’au jour où mon téléphone avait sonné en pleine présentation d’un certain projet sur la potasse. En présence des ministres ! Je n’avais qu’une peur : que cela figure dans ton rapport de la journée. Et puis, au sortir de l’activité, alors que je fuyais ton regard, tu m'avais dit : «Très intelligent ton coup de la sonnerie. Car du coup cela a semé le doute dans l’auditoire, tout le monde se demandait si c’était bien un téléphone qui avait sonné ». Tu ne sauras jamais, combien je t’aurais sautée au cou de reconnaissance ce jour-là ! D’autant que, cerise sur le gâteau, une fois de retour à la rédaction, nous étions en divergence sur les chiffres rapportés : quels étaient les bons ? C’est le lendemain qu’avec ta franchise de camarade tu m’as délivrée : « J’ai suivi tous les journaux, télé et radio, et c’est toi qui as donné les bons chiffres ! ». Un cœur d’ange, une journaliste appliquée, une personne fuyant les injustices ou les dénonçant, toujours une parole pour détendre ou un coup de griffe quand cela n’allait pas. Merci et adieu, Nancy. Je pleure à côté de Maryfloutka, la poubelle où tu nous avais habitués à retrouver nos textes dont tu ne voulais pas : « Les torchons, comme tu disais ».
Luce-Jennyfer Mianzoukouta Notification:Non |