Enjeux sécuritaires : les prisons se vident de leurs pensionnaires!

Mardi 13 Juin 2017 - 15:30

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L’évasion du 17 mai à l’ex prison centrale de Makala de plusieurs détenus à la suite d’une attaque dont les contours demeurent encore flous n’a pas encore été totalement digérée qu’une autre fuite massive des prisonniers vient de se signaler, cette fois-ci, au Nord-Kivu.  

Près de neuf-cent détenus ont, en effet, pris les larges ce 11 juin à la prison de Kangwayi de la ville de Beni. Des sources locales, il appert qu’il s’est agi d’une attaque en règle menée par des assaillants non identifiés. Le bilan, encore provisoire établi à l’issue des échanges de tirs entre les forces de l'ordre et les assaillants, fait état de onze personnes tuées dont huit éléments de l a police, sans parler des dégâts matériels importants enregistrés. Pour l’heure, la prison de Kangwayi s’est vidée de la totalité de ses pensionnaires. Sur un effectif de 966 reconnus des prisonniers, il n’en resterait aujourd’hui que trente détenus.

Encore sous le choc de cette évasion massive des prisonniers, les habitants de Beni ont du mal à retrouver le rythme d’un quotidien devenu morose. Le couvre-feu décrété par l’autorité provinciale a rajouté à la psychose générale dans cette partie du pays déchirée par des violences de groupes armés depuis plus de vingt ans. La même atmosphère de hantise est également observée dans la ville avoisinante de Butembo. Le drame dans cette affaire, c’est que ce sont des grands criminels, des assassins, des violeurs et plusieurs dizaines des présumés ADF qui se sont volatilisés dans la nature à la faveur de cette évasion.

Au-delà, il y a lieu de s’interroger sur le caractère successif de ces évasions dont celle de l’ex prison de Makala, le 17 mai, peut être considérée comme l’élément détonateur. Plutôt que de renforcer la surveillance des centres pénitentiaires à travers le pays en guise de prévention, force est de remarquer que plusieurs pénitenciers sont restés en état, sans un dispositif sécuritaire conséquent. La société civile de Beni rappelle avoir demandé aux autorités de renforcer la sécurité de la prison de Kangbai, sans que cela n’émeuve les consciences. Le fait que l’évasion du 17 mai au Centre pénitentiaire et de rééducation de Kinshasa (CPRK) ait entrainé d’autres notamment celle du 19 mai à la prison de Kasangulu à 40 km au sud-ouest de Kinshasa, laisse entrevoir un certain laxisme dans le chef de ceux à qui incombe la gestion des sites pénitentiaires.

Cette dynamique d’escapades à la pelle observée dans les prisons du pays concerne également les commissariats de police ainsi que les cachots des parquets devenus également la cible des assaillants à l’instar du Parquet de la commune de Matete à Kinshasa. Des hommes armés non autrement identifiés ont, en effet, attaqué dans la nuit de vendredi 9 au samedi 10 juin ce parquet et libéré près de onze détenus majoritairement de droit commun. La résistance opérée par les policiers commis à la garde du site a entrainé la mort de l’un d’eux, une policière, et une blessure grave pour l’autre. Que cachent finalement ces évasions massives des prisonniers ? Y’a-t-il une main noire qui opère dans l’ombre ? Des interrogations qui taraudent bien des esprits au regard notamment du mode opératoire quasi similaire des assaillants, et surtout, du caractère répétitif desdites évasions qui interviennent dans un contexte de crise politique résultant de la non tenue des élections en 2016. Des conséquences sont à craindre au plan social et sécuritaire, tant à Kinshasa que dans l’arrière-pays.   

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

La prison de Kangwayi

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