Electrification du Maroc : une expérience riche à partager avec l’Afrique au sud du Sahara

Lundi 15 Septembre 2014 - 16:55

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L’Office national de l’électricité et de l’eau potable a été l’un des acteurs centraux du programme d’électrification rurale qui, de 1996 à 2012, a porté le taux d’électrification au Maroc de 18 à 98,5%. Selon le directeur général adjoint, branche électricité, de l’office c’est une expérience qu’il faut désormais partager aux autres pays du continent.

Les Dépêches de Brazzaville : Pourquoi votre office se montre aussi engagé pour l’opération d’affaires vers le Burkina Faso, le Gabon et le Congo ?

Mohammedi Allach : L’expérience menée par le Maroc est une expérience assez riche, car même les techniques d’accès à l’électricité ont été revues : les dimensions des poteaux, des câbles et leurs résistances, etc… tout a été fait pour avoir un réseau résistant à des coûts réduits. C’est une expérience que nous voulons bien partager avec nos frères africains, parce qu’évidemment il y a des leçons à tirer. En effet, l’électrification rurale est un chapitre à part de l’électrification, il faut pratiquer beaucoup de sociologie, d’économie, connaître la culture des gens et savoir les approcher, instituer un contact avec les acteurs locaux, chercher les bailleurs de fonds à moindre coût… On est tenté d’emprunter des schémas étriqués, mais nous avons appris à travers cette expérience développée par les Africains pour des Africains qu’il faut tout une révolution pour réussir.

LDB : Cela a été une réussite en fin de compte, comment avez-vous rassemblé les financements ?

MA : Les coûts ont été estimés à 2 milliards d’euros (plus de 1300  milliards FCFA) dont l’office a pris en charge 50%, les collectivités locales 20% et 25% supportés par les foyers en 17 ans. En tenant au fait qu’un citoyen ne peut payer plus de 10 euros par mois, si un ménage paye par exemple ces 10 euros, 6 euros comptent pour sa consommation et les 4 euros vont au programme.

LDB : L’office tire-t-il un grand bénéfice dans ces conditions ?

MA : Nous en tenons à notre mission de service public. Même si à première vue on ne tire pas un bénéfice immédiat, les études socioéconomiques ont démontré que sur les plans macroéconomique et social, l’électrification des zones rurales a permis d’augmenter le taux de scolarisation, d’améliorer la santé des mères, de créer des activités artisanales et des coopératives…, l’impact est très important. D’ailleurs, lorsque les premiers résultats étaient perceptibles, les bailleurs de fonds ont commencé à venir d’eux-mêmes soutenir le programme. La France, le Japon, l’Allemagne, la Banque européenne d’investissement, la Banque africaine de développement, la Banque islamique de développement, le Fonds de l’OPEP ont apporté leurs financements au projet. Il s’agit bien sûr de financements adaptés, sur 20 à 30 ans avec des taux faibles. L’opération nous a par ailleurs permis de disposer d’une importante base de données sur les villages marocains et qui sert désormais plusieurs départements du gouvernement.

LDB : Qu’est-ce qu’il en est du secteur périurbain que vous avez évoqué tout à l’heure.

MA : Justement, depuis quelques 5 années nous avons découvert qu’il y a une partie de la population qui est quelque peu oubliée par le développement de l’électricité. Il s’agit des zones périurbaines, car il faut une approche toute particulière pour elles. Cela nous a obligé de développer un autre concept pour les bidonvilles : l’électrification des périurbains. Mais, d’autres défis existent aussi, car le Maroc dépend à 97% des approvisionnements extérieurs, parce que ne disposant pas de ressources propres d’énergie. Il n’y a pas de pétrole, pas de charbon, pas de gaz. Le peu de ressources hydrauliques sont prioritairement affectées à l’irrigation et à l’eau potable. Avec les changements climatiques, notre production d’énergie hydroélectrique ne dépasse pas annuellement les 5% des besoins. Voilà pourquoi, nous venons vers nos frères africains, à l’instar du Congo qui disposent de ressources énergétiques, proposer de les aider à les gérer durablement, promouvoir l’économie d’énergie et également partager avec eux l’expérience que nous développons dans les domaines des énergies solaire et éolienne.

Propos recueillis par Thierry Noungou

Légendes et crédits photo : 

Mohammedi Allach (à gauche) et un autre responsable de l'ONEE