Dominique Foually : « Toutes les administrations dans le monde sont confrontées à un défi de performance »Lundi 12 Octobre 2015 - 17:15 Dans le cadre du renforcement des capacités managériales des hauts dirigeants, des cadres managers et autres agents de l’administration congolaise, le gouvernement congolais a signé le 20 juillet 2013, un contrat de 3 ans dénommé « Libosso » « en avant » avec l'École des Hautes études commerciales de Paris (HEC). Dans une interview accordée à la presse, le directeur pédagogique d’HEC, le professeur affilié Dominique Foually, revient sur quelques aspects de cette formation et le travail déjà abattu.
Dominique Foually (D F) : Le programme « Libosso » a pour objectif de renforcer les capacités managériales des cadres et agents de l’ensemble de la fonction publique. C’est une opération transversale qui concerne tous les ministères et plusieurs catégories d’agents et cadres de l’Etat. Aujourd’hui, vous savez que toutes les administrations dans le monde sont confrontées à un défi de performance. Ces managers doivent être efficaces pour transformer l’organisation et ajouter des missions à l’administration. Les administrations dans le monde aujourd’hui ont un rôle plus important à jouer. En plus des fonctions régaliennes, elles jouent un rôle de levier du développement économique. LDB : Le projet a été lancé en mai 2014. Aujourd’hui plus d’un an après, quel bilan pouvez-vous faire à mi-parcours ? D F : Nous sommes à la deuxième promotion pour 160 personnes formées. Nous allons ouvrir la troisième promotion à la fin du mois, elle concernera 80 personnes, ce qui fera environ 240 personnes. Nous avons eu aussi un groupe de dirigeants composé d’une cinquantaine de personnes : directeurs généraux, directeurs de cabinet, inspecteurs généraux, conseillers…Pour le moment, nous avons eu 400 agents. Nous déployons le programme en respectant l’agenda du gouvernement congolais. Le bilan à mi-parcours, nous aurions aimé en faire un peu plus, nous trouvons que la programmation a été probablement insuffisante pour obtenir un effet plus global. Si nous étions allés un peu vite depuis 2014, nous pourrions déjà atteindre 300 à 400 personnes formées. LDB : Peut-on dire que le Congo tarde à s’imposer dans la mise en œuvre de la Gestion axée sur les résultats ? D F : Il faut être raisonnable dans les comparaisons. Je crois que tous les pays, en premier la France, ont du mal à avoir une gestion par les résultats de leurs politiques publiques. Il y a déjà des conditions complexes à mettre en œuvre tels que des problèmes de financement. Il y a certes des difficultés au Congo, mais il y en a aussi dans d’autres pays africains, surtout là où nous avons développé ce genre de programme. Je ne dirai pas que le Congo tarde à avoir une orientation aux résultats. Car l’orientation aux résultats n’est pas facile. LDB : Quel genre d’outils disposez-vous pour évaluer ce genre de travail ? D F : Nous n’avons pas d’outils, parce que ce n’est pas notre rôle d’être juge et partie. Nous disposons d'enseignements, de méthodes, et c’est à l’administration congolaise de développer un outil d’évaluation. Nous sommes jugés au résultat. Le résultat, c’est d’enclencher une dynamique sur la base d’une prise de conscience et donner les méthodes pour avancer. Nous ne cherchons pas à transposer un modèle d’organisation administrative parce que, comme vous le savez aussi bien que nous, l’administration française n’est pas toujours un modèle. Il s’agit pour nous de développer une prise de conscience locale et d’aider les agents et les cadres, les responsables du pays à trouver leur modèle d’administration. LDB : Et face aux défis de l’émergence que s’est assigné le Congo ? D F : Je crois qu’il n'y aura émergence que s’il y a, en quelque sorte, une responsabilisation de chacun par rapport au développement économique. Car qui dit émergence, dit développement économique et social. Je crois que seule la responsabilisation de chacun permettra d’ancrer, de consolider l’émergence économique et sociale. Pour moi, l’émergence économique et sociale est très liée à la capacité d’un pays, d’un peuple d’avoir des initiatives de construire lui-même. La valeur ajoutée d’un pays, son Produit intérieur brut, c’est la masse des valeurs ajoutées de chaque acteur économique. LDB : Comment entrevoyez-vous l’administration congolaise dans les prochaines années ? D F : Je la vois comme une administration moderne. Nous avons travaillé avec les participants sur une campagne de communication que j’aimerai bien présenter au ministre de la Fonction publique. Il s’agit d’une campagne de communication qui soutenait le projet d’informatisation de l’administration. Les participants ont trouvé des slogans tels que : Informatiser pour communiquer ! Informatiser pour simplifier ! Nous avons beaucoup parlé de modification de l’image. L’administration n’est pas quelque chose de monstrueux, de bureaucratique, elle est représentée par des femmes et des hommes. C’est intéressant de relier cela avec l’informatisation qui rime avec l’émergence. Je pense que l’une des conditions de réussite économique et sociale, c’est l’interconnexion du pays avec le monde extérieur. La mise en réseau de l’administration est certainement l'une des conditions de réussite de l’émergence. J’insiste sur le visage, ne passons pas d’une organisation bureaucratique à une organisation informatique. Ce ne serait pas bon de passer de la bureaucratie à l’informatique, ce n’est pas une bonne chose pour les usagers. LDB : Avez-vous à dire aux cadres de l’administration congolaise et aux autorités publiques ? D F : Il faut maintenir l’effort. Ce qui est indispensable dans ce genre d’opération, c’est d’avoir de la persévérance. Si on s’arrête, cela ne marchera pas parce que nous sommes en train d’opérer un véritable changement de paradigme social et organisationnel. Le Congo a l’ambition de l’émergence économique, il est indispensable de changer les fondamentaux du fonctionnement économique, social de beaucoup de pays. Pour y arriver, il ne faut pas organiser des opérations sporadiques, il faut avoir de la continuité. Parfait Wilfried Douniama Légendes et crédits photo :Dominique Foually, directeur pédagogique d’HEC Paris ; crédit photo Adiac Notification:Non |