Diplomatie : un président turc au Vatican

Mercredi 7 Février 2018 - 18:45

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Recep Tayyip Erdogan et son épouse ont été reçus par le pape François, le 5 février, ce qui n’était pas arrivé depuis 1959.

 

Rien de substantiel n’est ressorti du long entretien secret entre les deux personnalités pour une visite pourtant historique, soixante ans après. Le communiqué du Vatican s’est évertué à présenter les généralités habituelles sur « les problèmes d’intérêt commun », sur la paix, la coexistence pacifique, la stabilité et le dialogue.

Pourtant le Vatican et la Turquie ont autant intérêt à discuter sur les problèmes majeurs du moment qu’ils ont des raisons de se savoir en postures opposées sur nombre d’entre ces problèmes. Le pays connaît un regain de religiosité islamique dont même le peu de chrétiens qu'il  compte font les frais. La vague de répressions qui s’est abattue sur un pan important de la société turque, après un coup d’Etat manqué, a suscité des réserves que ne peut que partager le Vatican. Mais les rapports entre le pape François et le président Erdogan sont assez courtois. Leur dernière rencontre, en Turquie, date de 2014. 

Ce sont les développements de la dernière actualité internationale qui ont démontré ce qu’ils avaient à gagner par l’entente cordiale et à perdre en continuant à se tourner le dos. La décision du président américain, en décembre, de reconnaître la ville de Jérusalem comme capitale d’Israël, les voit sur la même longueur d’onde de rejet. Ville considérée sainte par les trois traditions monothéistes que sont l’islam, le christianisme et le judaïsme, Jérusalem bénéficiait jusqu’ici d’un statut particulier. La décision de Donald Trump introduit un climat déstabilisateur aux yeux des chrétiens et d’un musulman pieux comme Recep Tayyip Erdogan.

S’y ajoutent deux autres questions sur lesquelles le Vatican et la Turquie ont des points de vue assez voisins : la crise des réfugiés et les négociations de paix au Moyen-Orient sur la Palestine. « Je vous remercie beaucoup de votre intérêt », a dit le président turc en saluant le pape à son arrivée au Vatican. « Merci de votre visite », a répondu le pape. Le président turc a ensuite rencontré le cardinal Pietro Parolin, le secrétaire d’Etat du Vatican qu’accompagnait Mgr Paul Richard Gallagher, le ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège.

Il a aussi été fait mention, pudiquement, de « la situation en Turquie », de « la situation de la communauté catholique », de « l’engagement à accueillir les nombreux réfugiés » et des « défis qui y sont liés ». La Turquie et le Vatican sont opposés à la décision des Etats-Unis d’installer leur ambassade à Jérusalem au lieu de Tel-Aviv. Le président turc avait alors parlé au téléphone avec le pape François. Le Vatican a souligné «la nécessité de promouvoir la paix et la stabilité dans la région par le dialogue et la négociation, en respectant les droits de l’homme et la légalité internationale ».

Au moment de l’échange traditionnel de cadeaux, le pape François a offert au président turc un médaillon de bronze représentant l’Ange de la paix embrassant les deux hémisphères du globe terrestre, et repoussant le dragon de la division. Le pape a commenté, avec l’aide d’un interprète : « C’est l’Ange de la paix qui étrangle le démon de la guerre : le symbole d’un monde fondé sur la paix et la justice ». La Turquie est actuellement en guerre contre des éléments kurdes dans Afrine, la partie proche de sa voisine, la Syrie, elle-même en guerre contre des insurgés islamistes.

A Rome, à l’occasion de la visite du président Erdogan, des heurts ont éclaté entre la police et quelque cent cinquante manifestants, dont des Kurdes et des associations italiennes, dans les environs du Château Saint-Ange, au bord du Tibre. C’est en 1959 que le dernier président turc, Celal Bayar, s’était rendu au Vatican pour rencontrer le pape Jean XXIII, un des rares papes à avoir été capable de parler la langue turque.

Célestin Loubeto

Légendes et crédits photo : 

Le pape François et le président turc, Recep Tayyip Erdogan / photo AFP

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