Diplomatie: crise entre le Vatican et la TurquieMardi 14 Avril 2015 - 16:15 Le pape François irrite Ankara pour avoir usé du mot "génocide" à propos du massacre des Arméniens en 1915. Assez délicates, les relations du Vatican avec la Turquie traversent un nouveau coup de froid depuis que le pape a usé de l’expression de « génocide » à propos de la mort de plusieurs centaines d’Arméniens entre 1915 et 1917. Le gouvernement turc a toujours combattu l’usage de cette expression, estimant que la mort de plusieurs milliers d’Arméniens n’était le fait d’aucune politique délibérée d’éradiquer un peuple à l’époque. « Nous étions en guerre et il régnait une famine », estiment les historiens turcs ; « des Arméniens, mais aussi des Turcs sont morts », soutiennent les autorités actuelles. Même les chiffres de cette tragédie que le pape, à la suite d’ailleurs de son prédécesseur Jean-Paul II, a qualifiée de « premier génocide du 20è siècle » ne font l’objet d’aucune unanimité. Les Turcs reconnaissent qu’au cours de cette période, 300 et 500.000 personnes sont mortes, Turcs et Arméniens mêlés. Les Arméniens, eux, parlent d’1,5 million des leurs qui ont été tués de manière systématique à la fin de l'empire ottoman. A ce jour une vingtaine de pays, dont la France, l'Italie et la Russie, ont reconnu un génocide. Pour le gouvernement turc, parler de génocide et uniquement pour les Arméniens, est réducteur. « La déclaration du pape, qui est loin de la réalité légale et historique, ne peut pas être acceptée », a protesté le ministre turc des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu. Pour lui le pape François a un « point de vue sélectif » de l'époque de la Première Guerre mondiale, et l’accuse d' « ignorer les atrocités endurées par les Turcs et les musulmans qui ont perdu la vie » et de ne se consacrer qu'aux chrétiens, et surtout aux Arméniens. Ankara, qui a convoqué le nonce apostolique en Turquie, Mgr Antonino Lucibello, a rappelé son ambassadeur auprès du Saint-Siège. La diplomatie est désormais à pied d’œuvre pour tenter de dépasser cette difficulté, qui s’insère dans le contexte d’une grande préoccupation du pape François pour le sort des chrétiens persécutés en Orient, « dans l’indifférence de tous ». Dimanche dernier, le Souverain pontife a célébré avec les Arméniens (qui constituent une branche particulière du catholicisme) une messe au cours de laquelle il a proclamé "docteur de l'Eglise" Saint Grégoire de Narek, moine mystique arménien du Xè siècle. « Au siècle dernier, notre famille humaine a traversé trois tragédies massives et sans précédent. La première, qui est largement considérée comme "le premier génocide du XXe siècle’"a frappé votre peuple arménien », a dit le pape en s’adressant aux Arméniens. Il a parlé des tragédies perpétrées « par le nazisme et par le stalinisme », puis des « exterminations de masse » au Cambodge, au Rwanda et en Bosnie. Fait notoire, il a ajouté aussi celles perpétrées au Burundi généralement peu évoquées. Dans une autre messe lundi au Vatican , le pape a réaffirmé que proclamer la vérité était du devoir du chrétien. Sans savoir si cela était relié ou non à ses propos sur les Arméniens, le chef de l’Eglise catholique a affirmé que « le chemin de l’Eglise était celui de la franchise, celui de dire les choses en toute liberté. C’est ce courage de l’annonce qui nous distingue du simple prosélytisme. Nous ne faisons aucune publicité pour avoir plus de membres dans notre société spirituelle ». Lucien Mpama |