CPI : une justice internationale impartiale ou aux relents néocolonialistes ?

Dimanche 30 Mars 2014 - 9:15

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La juriste gambienne, Fatou Bensouda, a succédé officiellement à Luis Moreno Ocampo, en juin 2012, comme procureure générale de la Cour pénale internationale (CPI), après que ce dernier a donné l’image d’une CPI antiafricaine. Les enquêtes que son bureau avait ouvertes concernaient toutes des crimes commis en Afrique

Pour protester, l’Union africaine (UA) avait pris la décision, dès juin 2011, de ne pas exécuter les mandats d’arrêt de la CPI contre les dirigeants africains. L’organisation panafricaine avait entrepris un lobby intense en faveur de Fatou Bensouda, pensant que son arrivée allait modifier le cours de la justice pénale internationale. Ce fut peine perdue.

Lors du sommet de l’UA, en octobre à Addis-Abeba (Éthiopie), suite à la demande de la CPI de livrer respectivement le président et le vice-président kenyans, Uhuru Kenyatta et William Ruto, le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Tedros Adhanom, a critiqué la demande et dénoncé son traitement « inique de l’Afrique et des Africains » depuis le début de ses travaux en 2002.

« Loin de promouvoir la justice et la réconciliation, la CPI s’est transformée en instrument politique visant l’Afrique et les Africains », selon Human Rights Watch. Qualifiant le traitement d’inique, injuste et totalement inacceptable, l’ONG considère que la CPI agit sur la base du principe de deux poids, deux mesures. Mais la question qu’il faut se poser est ailleurs. À savoir si les motifs sont suffisants pour que les personnes accusées soient déférées à La Haye. Car les accords engagent les États qui les signent.

Certains Africains s’interrogent de la réalité du fonctionnement de la CPI. Le fait qu’elle ait porté de manière écrasante son attention sur les cas africains soulève des questions au sujet de l’intérêt que cette justice pénale internationale porte à « certains endroits et à certaines personnes, et pas à d’autres ». Nombre de pays occidentaux ayant également signé le statut de Rome, qui ont commis des exactions, des génocides et des crimes en Irak, ou le lynchage en direct de Moammar Kadhafi, un choc pour les Africains, n’ont jamais été poursuivis, à cause d’une nuance importante que les pays occidentaux ont confectionnée : « la menace sur la sécurité internationale ». Ce terme est sacré dans les relations internationales, qui ne sont faites que de rapports de force et d’intérêts.

Le modèle juridique élaboré par les pays occidentaux a souvent besoin de longues analyses. Ce qui n’a pas toujours été le cas pour les pays africains. Mais dès que l’Afrique a fait travailler son capital humain à l’unisson, sur un projet international, elle a réussi des avancées et à mettre les Occidentaux en difficulté. C’est le cas avec les accords de partenariat économique. La sagesse voudrait que les Africains, s’ils acceptent toujours le statut de Rome, convainquent les États membres pour que les peines des condamnés soient exécutées sur le continent, ou alors pour créer une cour pénale africaine dans le modèle de la CPI.

Noël Ndong