CPI : l’Afrique menace de nouveau de se retirer de la juridictionSamedi 16 Novembre 2013 - 13:41 Après le rejet par le Conseil de sécurité de l’ONU le 14 novembre de la demande des pays africains de reporter d’un an au Kenya ou de suspendre le procès de la Cour pénale internationale (CPI) contre le président Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto, certains dirigeants du continent maintiennent leur menace de quitter définitivement cette juridiction Une réunion est d’ailleurs prévue fin novembre au siège de l’Union africaine à Addis-Abeba, en Éthiopie, pour trancher cette épineuse question qui divise les membres du Conseil de sécurité, mais aussi les dirigeants d’autres pays. Cette prochaine rencontre dans la capitale éthiopienne sera certainement l’occasion de définir une position commune qui permettra de réserver une réponse à la dimension du rejet de son projet de résolution sur cette affaire par le Conseil de sécurité. Le conclave d’Addis-Abeba est pour l’heure appelé de tous les vœux lorsqu’on sait que le texte proposé par l’Afrique qui appelait à la suspension des procès contre les dirigeants kényans à n’a pu recueillir que sept voix pour huit abstentions. Les Africains entendent donc donner une réponse radicale à cette question parce qu’ils estiment que les procès de la CPI ne sont qu’une « distraction » qui empêche le président kényan Uhuru Kenyatta de s’occuper des vrais problèmes de son pays, comme c’est le cas de la lutte contre le terrorisme après l’attaque par les shebabs somaliens du centre commercial de Nairobi. « Le Kenya n’oubliera pas. Les Africains n’oublieront pas. Cette affaire n’est pas terminée. Ce Conseil s’est retiré d’une solution amicale et a causé des dégâts irréparables aux statuts de Rome », a déclaré l’ambassadeur kényan, Macharia Kamau. Mécontent de la décision du Conseil de sécurité, il y voit une humiliation pour l’Afrique en général et pour son pays en particulier. Lors du vote du projet de résolution suscité, trois pays, en l’occurrence la Chine, la Russie et le Pakistan, s’étaient prononcés en faveur de la position de l’Afrique, mais les autres membres du conseil s’étaient abstenus. Pour l’ambassadeur de France auprès des Nations unies, Gérard Araud, l’Afrique n’a pas mûri la réflexion en voulant une confrontation à l’ONU sur cette question. « Le choix qui a été fait est celui de la précipitation, a-t-il déclaré. Une précipitation inutile et porteuse d’un risque que nous voulons éviter, celui de la confrontation artificielle entre l’Union africaine et le Conseil de sécurité. » Poursuivi pour les violences postélectorales de 2007-2008 dans son pays, qui avaient fait plus de 1 000 morts et entraîné plus de 600 000 déplacés, l’actuel président kényan n’a nullement l’intention de se présenter devant la CPI, comme l’a fait son vice-président. Tous les deux plaident non coupables et ont déjà coopéré avec la CPI. Leur pays a déjà déposé deux requêtes au Conseil de sécurité demandant de suspendre ou de mettre fin aux poursuites contre eux. La comparution d’Uhuru Kenyatta, premier chef d’État en exercice à être jugé par la CPI, ainsi que celle de son vice-président, est fortement critiquée par les pays africains et de nombreux Kényans. Tous disent la cour de juridiction « au service du néocolonialisme ». C’est fort de cela que les députés kényans avaient adopté une motion réclamant le retrait du Kenya du Statut de Rome fondateur de la CPI. Notons qu’outre le Kenya, la CPI a ouvert des enquêtes dans huit pays africains depuis son entrée en fonction en 2003. Il s’agit notamment de la Côte d’Ivoire, de la Libye, du Soudan, de la RD-Congo, de la Centrafrique, de l’Ouganda et du Mali. Ce qui vaut des critiques à la cour, notamment de la part de l’Union africaine, qui l’accuse de mener « une sorte de chasse raciale ». Les poursuites engagées contre certains dirigeants africains font couler beaucoup d’encre. Citons celles visant l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo, soupçonné de crimes contre l’humanité commis lors des violences postélectorales dans son pays entre décembre 2010 et avril 2011 ainsi que son épouse Simone ; celles concernant Seif al-Islam, fils de l’ex-dirigeant Mouammar Kadhafi ; l’ancien chef des renseignements libyens, Abdallah al-Senoussi ; l’ex-vice-président de la RDC ; et les poursuites contre Jean-Pierre Bemba pour des crimes commis par sa milice en Centrafrique (octobre 2002-mars 2003) où elle était venue soutenir les troupes du président Ange-Félix Patassé, pour ce citer que ces exemples. Nestor N'Gampoula |