Couleurs de chez nous: « Tiya mutu ! »Mercredi 19 Octobre 2016 - 16:17 Cette expression lingala est populaire à Brazzaville. Surtout chez les automobilistes. Traduite en français, elle signifie : « Mets-y ta tête ! ». Plus sainement on dira : « Engage-toi ! » Dans tous les cas, elle restitue la réalité de la conduite dans cette ville qui, comme bien d’autres, vit des embouteillages déconcertants. Mais, pour la capitale congolaise, le hic réside dans l’absence de véritable régulation du trafic routier urbain ou de voiries qui répondent aux défis des métropoles du 21è siècle. À Brazzaville, une voiture qui sort d’une rue a toutes les peines du monde pour s’engager sur la chaussée principale. Il faut une dose de « sauvagerie » pour espérer se sortir d’affaire. Donc, quitter la rue et intégrer la grande route. Faute de régulation ici ou de voiries aménagées, les automobilistes jouent aux truands et à se faire peur. C’est en se plaçant dans une posture d’embuscade, un pied à cheval sur l’accélérateur et le frein, un autre sur l’embrayage, dans un incessant mouvement de va-et-vient, que les conducteurs de Brazzaville négocient leur entrée sur la chaussée. « Tiya mutu masta ! », lancent des collègues, un tantinet solidaires et compatissants. Comprenez : « Engage-toi mon ami ! », Au fil des jours, des mois et…désormais des années, ces usagers de la route jouent sur le corporatisme. En effet, un taximan cèdera facilement le passage à son pair, un conducteur d’autobus le fera pour son égal tandis que les conducteurs de voitures privées se passent le témoin entre eux. On assiste à une espèce d’accord tacite et socialement admis. Celui qui cède le passage devient un régulateur de circonstance au point de menacer tout trouble-fête. À Brazzaville, les taxis et autobus ont un nom : « vert-blanc. » On les désigne ainsi en raison de la couleur de leurs bus et taxis. Et pour aller plus loin, cet esprit de corps se développe si bien chez eux qu’ils se partagent tout : restaurants (généralement à bons prix), la monnaie (pièces) ; les pneus en cas de crevaison chez un collègue ; le carburant ; les clés de dépannage, etc. À l’heure de la pénurie de carburant, comme dernièrement, malheur au « particulier » qui voudrait se faufiler entre les taximen ou conducteurs d’autobus. Faute de recevoir des coups de poings, il sera agoni d’insultes par l’armée des « vert-blanc » qui représente le secteur du transport en commun à Brazzaville. Pour votre gouverne, les autres villes du Congo ont leurs couleurs à elles.
Van Francis Ntaloubi Notification:Non |