Centrafrique : les massacres de Bangui témoignent des limites des services de renseignements françaisMercredi 18 Décembre 2013 - 20:15 Un responsable français, qui a requis l’anonymat, a déclaré que les violences qui avaient eu lieu dans la capitale centrafricaine dans la nuit du 4 au 5 décembre, et qui s’étaient soldées par la mort de six cents personnes en deux jours, montraient les limites des services de renseignements français Pour l’intéressé, ces limites viennent surtout de la difficulté à s’y reconnaître parmi les différentes milices et groupes armés qui opèrent dans la ville, auxquels s’ajoute la complexité du milieu, notamment à Bangui, ville de plus d’un million d’habitants. À en croire les propos de cette personnalité française, plusieurs centaines d’hommes armés ont attaqué les lieux de cantonnement des ex-rebelles de la Séléka. « Il s’agissait d’une attaque organisée des groupes armés anti-balaka (anti-machettes en sango), constitués de chrétiens, contre les positions de la Séléka, les miliciens musulmans qui ont pris le pouvoir en mars », a affirmé ce responsable français. Les anti-balaka sont apparus au mois de septembre, plus particulièrement dans le nord-ouest du pays. Il s’agit des milices villageoises d’autodéfense, principalement composées de paysans chrétiens et de partisans de l’ancien président Bozizé, avec quelques anciens membres des forces de sécurité. Leurs attaques ont conduit les ex-rebelles à réagir violemment. « Les hommes de la Séléka se sont ressaisis et ont déclenché les massacres, qui ont fait plusieurs centaines de morts les jours suivants », a expliqué cette source française. Pour arrêter ces massacres, le président français François Hollande a lancé le soir du 5 décembre l’opération militaire Sangaris, visant notamment à stabiliser la Centrafrique, à désarmer ou à cantonner les groupes armés et milices sévissant dans le pays. Cette opération concerne pour l’heure les éléments de la Séléka, une coalition à dominante musulmane de groupes rebelles dans laquelle des mercenaires tchadiens et soudanais se trouvent. L’armée française a mené mardi une nouvelle opération de désarmement à Bangui, qui visait cette fois les milices anti-balaka. Lors d’une conférence de presse, le général Francisco Soriano, qui commande le dispositif français en RCA, a indiqué que l’opération effectuée à Boy-Rabe, quartier situé dans la partie nord de la capitale et bastion des milices anti-balaka, s’était bien déroulée : « C’était une opération de sécurisation de quartier. Nous avons des indices de possible présence d’anti-balaka. Le quartier a fait l’objet de nombreuses exactions [...]. Il faut vérifier ces indices », a-t-il expliqué, ajoutant que des armes avaient été récupérées et les munitions neutralisées. Le général Soriano estime que l’opération Sangaris vient d’entamer une nouvelle étape du désarmement des milices et groupes armés centrafricains, lancée le 9 décembre à Bangui. Une source militaire souligne qu’il est probable que d’autres opérations du même genre soient menées dans les prochains jours. Tout le monde, dans la capitale centrafricaine, convient que les combattants de la Séléka ont été surpris par le désarmement forcé opéré par les forces françaises. Ils sont furieux d’être incapables de défendre la communauté musulmane, alors que la population de Bangui, très majoritairement chrétienne, a soif de vengeance. Le désarmement des milices est intervenu au moment où le Premier ministre Nicolas Tiangaye, réfugié à l’aéroport après le pillage de sa maison, lançait un appel au retour à la paix et à l’unité. « Il faut préserver l’unité nationale et la concorde. C’est le socle du pays. Un seul pays, un seul peuple […]. L’unité est notre seule richesse. Les conflits intercommunautaires ou interreligieux remettent en cause cette unité. J’en appelle au patriotisme pour qu’on fasse preuve de pardon et de tolérance », déclarait-il. Le limogeage, dimanche, de trois ministres par le président Michel Djotodia - le pasteur Josué Binoua (Sécurité publique), Christophe Bremaïdo (Finances et budget) et Joseph Bendounga (Élevage) - et la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale dominée par les pro-Séléka ont fait naître un désaccord. Sur le plan humanitaire, de nombreux déplacés ont été comptabilisés dans la ville de Bangui depuis que des violences interreligieuses ont éclaté en Centrafrique. « Rien qu’à Bangui, nous estimons qu’il y a près de 210 000 personnes déplacées ces deux dernières semaines », a déclaré un porte-parole du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés, Adrian Edwards, lors d’un point presse. Près de 2 000 réfugiés sont arrivés lundi dans le nord de la République démocratique du Congo, après avoir traversé le fleuve Oubangui. La République du Congo enregistre quelque 10 500 ressortissants centrafricains. La Centrafrique est en proie au chaos depuis le renversement en mars du président François Bozizé par une rébellion hétéroclite, la Séléka, alors dirigée par l’actuel président centrafricain. Nestor N'Gampoula |