Canonisations : les à-côtés dans les rues de Rome

Samedi 26 Avril 2014 - 17:45

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Deux papes vivants pour canoniser deux papes morts : singulier !

Cela ne constitue que l’un parmi les petits et grands détails étonnants de l’événement qui a vu converger vers Rome l’essentiel des forces vives de la catholicité ce week end: à savoir la présence, aux côtés du pape régnant, de l’ancien pape Benoît XVI. L’événement était historique en soi ; il a conquis une dimension encore plus grande (au moins médiatiquement) avec la présence de l’ancien pape allemand, volontairement retiré des affaires depuis février dernier et vivant reclus volontaire au Vatican. Canoniser, à deux, deux prédécesseurs morts, voilà qui ne manquait pas de piquant !

La canonisation pourtant est aussi, pour la ville de Rome en tout cas, une affaire de chiffres. Alors combien de pèlerins présents ? Un million ou cinq ? Dès samedi, quelques tenanciers d’hôtels faisaient la moue : l’affluence annoncée aurait dissuadé des milliers de touristes de venir à Rome. Résultat : des hôtels à moitié vides ou pas du tout remplis à la capacité pleine espérée. Et le monde de l’hôtelerie fait la grogne, presque comme si la présence de millions de fidèles à Rome avait plus gêné qu’autre chose. Les hôteliers ne sont pas allés jusqu’à demander des excuses à l’Église, mais peu s’en est fallu !

D’autres travailleurs des grands événements me confiaient aussi leur désarroi : les chauffeurs de taxi. Je fais remarquer à l’un d’eux qu’ils doivent tous se frotter les mains avec ces canonisations. Il me répond, amer : « Vous vous trompez, mon bon monsieur. Rome, oui, a reçu de l’affluence, mais ce sont avant tout des groupes de pèlerins qui ont organisé leur venue depuis des mois, et qui débarquent des lieux d’hébergement en groupe et sandwiches en sac. Où allez-vous trouver un courageux parmi eux pour sortir des rangs et prendre un taxi, et d’abord pour aller où tout seul ? Par contre nous autres, nous sommes obligés de patienter devant la foule des piétons, à griller du carburant et tourner à vide ». Donc, pas une trop bonne affaire pour les taximen.

Alors, l’heure est-elle à la grogne ?

Pas du tout. La double canonisation est avant tout un événement religieux, ne l’oublions pas. Toute cette affluence présente à Rome vient communier à la foi catholique, assister à « naissance » de deux nouveaux saints dans l’Église catholique. Une affaire de foi, vraiment ? Ou bien la grandeur de l’événement fait-elle de Rome la ville au monde où il fait bon se montrer, se faire voir ? Je pose la question au vieux cardinal Francis Arinze, Nigérian, et un de ceux que les bookmakers voyaient en pape en février dernier. Avec son sarcasme reconnu, il me lance : « selon vous, pour quoi cette multitude se serait déplacée, sinon pour la foi ! Personne n’a décrété qu’ils devaient venir » !

Alors je tourne dans les rues de Rome et je tends mon oreille. Ce que j’en retire est un consensus plus ou moins concerté : beaucoup de ceux qui ont fait le déplacement pour ces canonisations sont venus pour deux figures illustres : le pape Jean-Paul II et le pape François, l’actuel souverain pontife argentin. Ça manque un peu de charité pour le reste, mais le fait est que j’ai entendu plus d’un pèlerin me dire qu’il venait « voir le pape ». Peut-être est-ce cela qui a relégué au fond de l’actualité, un fait insolite et grave survenu durant ce vaste pèlerinage. Trois jours avant le dimanche des canonisations, un jeune paralytique de 20 ans est mort écrasé par une croix haute supportant un Jésus de 600 Kg est tombé sur un groupe de jeunes pèlerins à Brescia, dans le nord-italien.

Les commentateurs ont été unanimes à reconnaître que l’incident était dû à de la négligence des constructeurs. Donc, pas question de tirer des conclusions tressées sur le fonds d’un quelconque symbolisme mystique autour du fait que la croix géante était dédiée à Jean-Paul II ;  que le jeune mort vivait rue Jean XXIII ; qu’il était originaire d’un petit village de Bergame, la ville de Jean XXIII.

Lucien Mpama