Zones économiques spéciales : « Nous devons réussir un nouvel aménagement de notre territoire », déclare le ministre Alain Akouala AtipaultJeudi 9 Janvier 2014 - 16:34 La République du Congo a conclu des partenariats, à formaliser, avec l’Île Maurice dans la perspective de l’industrialisation du pays. Le ministre à la présidence chargé des Zones économiques spéciales (ZES), Alain Akouala Atipault, qui explique les enjeux de ces accords aux Dépêches de Brazzaville, rebondit aussi sur les ZES dont le démarrage est d’actualité. Interview exclusive.
Les Dépêches de Brazzaville : Quelles sont les garanties de ce partenariat ? Alain Akouala Atipault : Les partenaires ont estimé, pour la sécurisation psychologique et concrète de leurs investissements de part et d’autre, signer un accord qui les protège de manière réciproque. En même temps, ils évitent la double taxation. Le président de la République pense que les conditions sont réunies pour que le Premier ministre de l’Île Maurice puisse venir en visite d’État au Congo. Cette invitation est l’aboutissement de trois années de travail. Il est prévu, si tout va bien, l’arrivée du ministre de l’Économie et des Finances de l’Île Maurice, en février, avec une délégation pour que nous travaillions sur ces différents accords qui attendent d’être signés. Au-delà de la formation, les Mauriciens sont intéressés par la pêche, les hydrocarbures, le tourisme et d’autres secteurs. LDB : Comment le Congo se prépare-t-il à recevoir les 15 bourses octroyées par les Mauriciens, étant donné que l’idée émane de la création des ZES ? A.A.A. : Le président est revenu dans son message de fin d’année sur l’enseignement. Cela veut dire que le besoin de formation est là. Et il est criant. Je n’assure pas la coordination mais nous avons fait la suggestion au directeur de cabinet du chef de l’État de préparer une sorte de comité interministériel avec un certain nombre de ministères concernés par les accords. En effet, nous allons embrasser tout ce que le processus d’industrialisation de notre pays peut procurer à travers les ZES. Il s’agit de transformer nos ressources naturelles, de créer de la richesse sur place pour pouvoir créer des emplois pour les jeunes Congolais. Par conséquent, ceux-ci doivent absolument être formés afin que, demain, les entreprises qui s’installeront puissent avoir en face d’elles une ressource humaine qui réponde à leurs attentes. LDB : Ne pensez-vous pas que vous mettez la charrue avant les bœufs en pensant à la formation maintenant, alors qu’on ne parle des ZES que depuis 2009 ? A.A.A. : Nous ne mettons pas la charrue avant les bœufs même si, il est vrai, on ne parle des ZES que depuis 2009. Les études de faisabilité ont démarré en 2012, je crois. Aujourd’hui elles sont terminées. Et elles nous révèlent les filières industrielles que nous pouvons développer, les investissements que nous pouvons réaliser en termes d’infrastructures au niveau des ZES, le nombre d’emplois à créer. Dès lors que vous connaissez le nombre et le type d’emplois, il faut penser à la formation. Les études nous révèlent aussi l’impact sur notre croissance économique. Quand l’Île Maurice arrive à faire une diversification de son économie sur 40 ans, c’est parce qu’elle a bénéficié d’une stabilité politique. Il y a une possibilité de faire de la prospective. Lorsque l’on décide de passer de la canne à sucre au textile dans 10-15 ans, on a le temps de se préparer. Dans notre cas, et d’une certaine manière, nous sommes obligés de travailler dans l’urgence, de mener tout de front. Au-delà d’une formation spécifique, il y a aussi une formation générale. Une étape durant laquelle nous devons octroyer aux jeunes Congolais des formations de conquérants. LDB : Les zones économiques spéciales démarrent cette année. Qu’est-ce qui va être fait concrètement pour que ça ne soit pas une chimère ? A.A.A. : Nous comprenons l’impatience des Congolais. Mais il faut comprendre qu’il est impossible de changer la structuration d’un pays en deux, trois ou quatre ans. Les pays comme la Chine, l’Île Maurice, Singapour et autres qui connaissent une évolution économique indéniable aujourd’hui, ont travaillé pendant 30, 40 et 45 ans. Ce travail était accompagné d’une stabilité politique et institutionnelle. On ne peut pas structurer les trente prochaines années de notre pays sans passer par des études de faisabilité. C’est pour la première fois que nous avons une vision du développement industriel de notre pays. Avant, nous n’avions pas créé un environnement pour permettre l’éclosion du secteur privé. Nous avons une trame de l’industrialisation de notre pays que l’on peut retoucher. Il nous reste une chose essentielle qu’est la loi. Nous allons démarrer les travaux d’une commission transversale qui sera composée de tous les ministères concernés par ce processus et des représentants de la Cour suprême, des commissions Économie et Finances du Parlement. C’est une loi qui va révolutionner notre pays sur le plan économique car elle a fait l’objet d’une étude par le consortium. Une loi qui est le résultat de 15.000 observations des ZES du monde. Ces commissions, qui sont au nombre de 37, démarreront dans deux semaines. Cette loi sera débattue en Conseil des ministres avant d’arriver au Parlement. Il est possible qu’elle soit adoptée au cours de la session de mars. À partir de là, nous serons armés pour faire face à ceux qui, dans le monde entier, s’intéressent au processus de création des ZES au Congo. Je remercie, en passant, les collègues qui ont désigné les experts pour prendre part à cette commission. LDB : Donnez-nous des détails sur cette loi et cette architecture juridique. A.A.A. : La loi met en place, non seulement le statut des ZES au Congo, mais elle précise aussi les avantages au plan fiscalo-douanier, en indiquant les conditions que devront remplir les entreprises désireuses de s’installer dans les ZES, pour pouvoir faire intervenir une expertise étrangère. Elle précise aussi la place réservée à la ressource humaine locale, et aux sous-traitants congolais. Le même arsenal juridique prévoit aussi les organes qui vont assurer la gouvernance économique et juridique de ces ZES. En l’occurrence, nous aurons trois organes essentiels : une agence de planification qui va définir les termes de référence de chaque ZES ; un développeur, c’est l’organe qui sera chargé de développer la ZES en fonction des termes de référence indiqués par l’agence de planification et, enfin, un organe de régulation pour les litiges pouvant éventuellement surgir dans le fonctionnement de ces ZES. Fort des manifestations d’intérêt aujourd’hui, avec la fin des études de faisabilité et la loi qui sera bientôt adoptée, il n'y a pas de raison que d’ici à la fin de 2014, l'on ne puisse pas démarrer une ZES. LDB : Pourquoi avoir choisi en premier lieu la zone économique d’Oyo-Ollombo ? A.A.A. : C’est l’une des zones où des études de faisabilité ont été terminées avant. Les études de Pointe-Noire viennent de nous parvenir alors qu’Oyo-Ollombo a l’avantage d’avoir son étude complète. On a défini les infrastructures à construire. Des propositions venant de Singapour sont à nos portes. C’est la zone dont les infrastructures ont été évaluées et le chemin directeur prêt. La préparation du budget 2014 a intégré les éléments concernant cette ZES. LDB : N’y a-t-il pas doublon lorsqu’on parle de ZES et de zone industrielle ? A.A.A. : Non ! Parce que la zone industrielle fait partie de la ZES. En revanche, la ZES est une ville qui se construit en s’appuyant sur des activités industrielles qui vont générer des activités immobilières, bancaires, de service, etc. Nous devons réussir un nouvel aménagement de notre territoire national. Le Congo a une superficie de 342.000 kilomètres carrés avec quatre millions d’habitants et 80% de la population vivant entre Brazzaville et Pointe-Noire. On ne peut pas préparer le 21e siècle de cette façon. Donc, à travers les ZES, nous réussirons à recréer de nouvelles villes. Une ZES comporte ce qu’on appelle le pôle industriel et ce qu’on peut considérer comme des pôles commercial, économique, financier, immobilier et touristique. Ce sont de nouvelles villes modernes qui vont être créées autour de ces activités. C’est un processus long qui nous servira tous. Le travail doit se faire sur une durée de 15 ans, voire 20 ans. Nancy France Loutoumba et Yvette Reine Nzaba Légendes et crédits photo :Le ministre Alain Akouala Atipault lors de son séjour mauricien. |