Diaspora : placer l’agriculteur au cœur du développementVendredi 21 Juillet 2017 - 18:15 Ben Marc Diendéré, vice-président de la Coop fédérée devenue première coopérative agroalimentaire du Québec évoque un mode de coopération qui a fait ses preuves au Canada. Les Dépêches de Brazzaville (LDB) : À 46 ans, comment un Burkinabè se retrouve-t-il parmi les membres du comité de direction de la Coop fédérée ? Ben Marc Diendéré (BMD) : Après mes études universitaires en France, j’ai mis le cap vers le Canada où j'ai pris la direction des relations institutionnelles, affaires publiques, corporatives de Québecor Média. Depuis novembre 2011, j’exerce la fonction de vice-président communication, affaires publiques de la Coop fédérée qui allie les secteurs des productions animales, productions végétales et des grains. Cette organisation canadienne-québécoise d'agriculteurs fondée en 1922 regroupe 100 000 membres et génère aujourd'hui 9 milliards de chiffre d'affaires. LDB : En quoi consiste votre fonction au sein de cette coopérative ? BMD : Je m’occupe de la communication, de la gestion de crise, des affaires publiques et m’assure de l’exploitation de l’image des marques en veillant au respect des normes à chaque étape de la chaîne agro-alimentaire : « de la terre à la table » en partant des semences via les engrais, de l’œuf à la volaille ou du porcin à la viande livrée aux consommateurs. C’est une chaîne d’exploitation en filière qui appartient aux agriculteurs avec une forte emprise sur le développement de chaque région. LDB : Une chaîne d'exploitation en filière et régionale... Ce modèle est transposable ? BMD : L’Afrique devrait étudier ce mode d’exploitation pour créer des marques « made in Afrique » à destination de ses millions de consommateurs. L’Union africaine, en partenariat avec la FAO, mène conjointement des programmes ambitieux pour l’agriculture en Afrique. Les Africains eux-mêmes s’organisent. Le porte-parole des pays d’Afrique, Caraïbes et du Pacifique (ACP) s’est félicité de l’initiative de l’association AFRUIBANA qui permettra aux producteurs de fruits du continent d’unir leurs efforts afin de mieux faire entendre leur voix dans les échanges internationaux. Je salue ces efforts mais le modèle de la Coop fédérée est aussi à étudier. L’agriculture au Canada est structurée par région. Elle est au cœur de la vie des populations et en adéquation avec la politique agricole commune de proximité. Celle-ci permet une mutualisation tout en maintenant et en renforçant les capacités d’exploitation. C'est une économie de partage basée sur une économie sociale équitable. L’Afrique, avec ses atouts naturels, est à même de transposer ce modèle qui permettra de nourrir chacun de ses habitants à sa faim. LDB : Comment mettre en place cette transposition ? BMD : L’Afrique est multiple. Prenons le cas du Bassin du Congo : des synergies communes peuvent se mettre en place, facilitées par la conjugaison des efforts des Etats, des institutions internationales, des partenaires privés et des populations. La diaspora peut participer à ces efforts de développement au lieu de chercher à régler des problèmes politiques à distance. Cessons de croire que notre diaspora n’est constituée que d’intellectuels, d’artistes ou de sportifs. Il y a aussi des agriculteurs, des porteurs de projets qui croient en la capacité de l’Afrique à consommer ses propres produits agricoles, cultivés, élevés et transformés sur place. LDB : Le "made in Afrique" est la solution ? BMD : L’agriculture en tant qu'économie qui permettra aux populations de manger est un domaine névralgique à prendre au sérieux. Quand on a faim, on est prêt à faire la guerre ou prendre des radeaux de fortune. Que nos grands parents n’aient pas pu bénéficier des avancées technologiques, cela se conçoit. Mais à notre époque, que ceux qui ont envie de se destiner à faire de l’agriculture dans leur contrée ne puissent pas le faire, cela est inadmissible. LDB : Que peut faire la diaspora à distance ? BMD : Cessons d’être une diaspora se prétendant apte à régler les problèmes politiques à distance et changeons nos mentalités. Nous devons occuper l’espace économique et nous présenter en diaspora désireuse de mettre en application les bonnes pratiques et capable d’aider nos décideurs à prendre les décisions qui s’imposent pour réaliser des projets concrets dans le domaine agricole. C’est à ce prix que nos compatriotes restés au pays apprendront à nous aimer. Soyons créatifs pour que, dans les vingt prochaines années, ensemble, nous soyons capables de proposer aux Africains des produits agro-alimentaires « made in Afrique ». Je demeure passionné sur ces questions et me rends disponible pour prolonger mes propos via les réseaux sociaux. Propos recueillis par Marie Alfred Ngoma Légendes et crédits photo :Photo : Ben Marc Diendéré Notification:Non |