Interview : Christian Mwando : "Il faut lever les entraves à la liberté pour qu’on aille vers des élections apaisées"

Mardi 30 Mai 2017 - 17:16

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Député national de l‘Union nationale des démocrates fédéralistes (UNADEF) et vice-président de G7,  cet acteur politique de l’opposition livre le fond de sa pensée en rapport avec la restriction de l‘espace démocratique au regard de sa conférence -débat avortée de la semaine dernière à Lubumbashi. Le fait qu’il ait été empêché de s’exprimer pour lui est un motif suffisant pour attester la volonté de l‘autorité politique d’étouffer l’exercice des libertés publiques dans le pays à la veille des scrutins de fin d’année….  

Le Courrier de Kinshasa (L.C.K): La semaine dernière, les forces de sécurité ont empêché une conférence-débat que vous devriez tenir à Lubumbashi. Qu’en était-il au juste ?

Christian Mwando(C.M) : Nous constatons que les autorités en place ne veulent plus laisser la liberté aux citoyens. Nous savons tous que la liberté est le fondement de toute démocratie. Notre Constitution garantit la liberté de pensée, de réunion et de manifestation. Dans tous les pays du monde, lorsqu’un pouvoir veut mettre fin à la démocratie, il commence d’abord par étouffer la liberté de ses concitoyens. Vous savez, les citoyens congolais ont le droit d’échanger. Il n’appartient pas à un groupe politique, au pouvoir soit-il, d’interdire le droit de réunion, le droit de manifestation…      

L.C.K : Mais l’on vous incrimine de l‘opposition. Car, à chaque fois que vous organisez une manifestation, elle se termine toujours par des casses…

C.M : Lorsque je veux organiser une manifestation dans une salle, je dois assumer la responsabilité de tout ce qui pourrait se passer dans ce cadre.  Si l’on a interdit ma conférence-débat sur l’accord de la Saint-Sylvestre à Lubumbashi, c’est parce que les tenants du pouvoir ne voulaient pas que je communique à la population une opinion contraire à leur point de vue. Il faut rappeler que quelques jours auparavant, le ministre de l‘Enseignement supérieur avait interdit une manifestation prévue par la Monusco pour la vulgarisation de la Résolution 2348. Vont-ils dire aussi que la Monusco voulait troubler l’ordre public ? Je rappele aussi que jusqu’à ce jour, les députés provinciaux de la Tshopo sont interdits d’accès à l’Assemblée provinciale parce qu’ils veulent discuter de la gestion de leur province. Est-ce que ces députés cherchent-ils à troubler l’ordre public ? Je pense qu’il s’agit tout simplement d’une tentative d’étouffer la liberté d’expression au profit d’un autoritarisme pérenne.

L.C.K : Les autorités n‘ont-elles pas raison d’interdire une manifestation lorsqu’elles se rendent compte qu’elles ne seront pas en mesure d’assurer la sécurité des manifestants?

C.M : Comment expliquer que lorsque la majorité organise ses manifestations, l’Etat assure sans problème la sécurité et que, lorsqu’il s’agit de l‘opposition, la sécurité n’est pas toujours assurée ? Est-ce que la rencontre entre la Monusco et les professeurs d’universités posait un problème de sécurité ? Il s’agit là tout simplement de l’étouffement de la démocratie auquel s’emploient les autorités en place. Je précise que c’est depuis 2015 que les autorités m’empêchent de m’adresser à ma base de Lubumbashi. Et pourtant, comme tout congolais, j’ai le droit de m’exprimer. 

L.C.K : Lorsque vous étiez à la majorité, vous aviez aussi, en tant que cadre de ce regroupement politique, contribué à l‘étouffement de la démocratie en cautionnant ses égarements. Pourquoi alors se plaindre puisque ce n‘est qu’un juste retour de la manivelle ?

C.M : Je rappelle que si je suis aujourd’hui dans l‘opposition, c’est parce que je me bats pour le respect de notre Constitution et de la démocratie. Et cela n’a pas commencé aujourd’hui. Si Christian Mwando, Moise Katumbi, Pierre Lumbi et les autres sont considérés comme des pestiférés, c’est parce qu’ils ont démissionné de leurs postes étant donné qu’ils n’étaient pas d’accord avec l’instauration d’une dictature à vie. Si Christian Mwando avait voulu rester pour continuer à faire n’importe quoi, il serait toujours là. Mais ce n’est pas ça l’objectif. L’objectif pour nous, c’est la démocratie que nous cherchons à installer dans notre pays et que nous devons aujourd’hui respecter. La question ne se pose pas seulement en termes d’étouffement des libertés de réunion, de manifestation et d’expression qui ne s’arrêtent pas seulement  dans les salles. Tenez : depuis qu’on a pris les mesures de décrispation du climat politique en rouvrant les chaînes de télévision, combien des médias ont-ils déjà bénéficié de cet élargissement ?  En définitive, le système mis en place tend à étouffer et à écraser la démocratie…  

L.C.K : La majorité vous a toujours accusé, vous de l‘opposition, de profiter de ces genres de tribunes pour inciter la population à la violence et à la haine…

C.M : Je pense que la loi existe tant pour l‘opposition que pour la majorité. Lorsqu’un opposant incite à la violence ou à la haine, la justice doit le sanctionner. Mais l‘on ne comprend pas qu’avant même qu’un opposant n’ait parlé, l’on puisse déjà préjuger sur ce qu’il va dire jusqu’à l’interdire de parler. Revenons sur l’introduction de ma conférence-débat à Lubumbashi. Pourquoi les services de sécurité ont-ils menacé les prêtres propriétaires de la salle censée abriter la rencontre ?  Pourquoi molester mes partisans au lieu de parlementer avec moi, laisser la rencontre se tenir et me tenir responsable de ce qui allait se passer ou de ce que j’allais dire ?

L.C.K : Votre conclusion ?

C.M  : Il faut qu’on lève les entraves à la liberté pour qu’on aille vers la tenue d’élections libres et apaisées. Nous nous rendons compte que la stratégie de ceux qui étouffent la démocratie, c’est de maintenir la population dans l’ignorance. Et notre devoir, et le sens même de la démocratie, c’est que chacun s’exprime librement. C’est ainsi qu‘on parle de la liberté de l‘information et de la liberté d’expression, de sorte que le peuple se fasse son propre jugement par rapport à ceux qui le dirigent. 

 

 

      

 

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

               

 

 

 

 

 

 

 

                        

 

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Christian Mwando

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