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Samedi 16 Novembre 2013 - 13:45

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Le rapt de Georges Vandenbeusch, curé de la paroisse de Nguetchewe dans lextrême-nord du Cameroun à trente kilomètres de la frontière avec le Nigeria dans la nuit du 13 au 14 novembre, soit quelques mois après l’enlèvement d’une famille de sept Français en février, confirme les dangers encourus par les Occidentaux et autres touristes étrangers dans le nord du pays, notamment dans cette région frontalière

Pourtant, le Nord-Cameroun était jusqu’ici, et depuis de longues années, perçu comme un havre de paix malgré la présence de trafiquants et autres braconniers attirés par sa riche faune. Les choses ont changé d’un coup en février, lorsque les membres de la famille française Moulin-Fournier (un couple et leur quatre enfants, établis au Cameroun, et le frère du mari) ont été kidnappés alors qu’ils s’étaient rendus dans cette région pour visiter le parc de Waza.

Même si la secte islamiste armée nigériane Boko Haram a déjà affirmé détenir le prêtre, ses déclarations n’ont pu être confirmées bien que ce groupe terroriste soit actif dans la région et qu’il avait revendiqué l’enlèvement des Français suscités avant qu’ils soient libérés fin avril. On sait que le mouvement terroriste Aqmi, qui a revendiqué le récent double assassinat au Mali des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, a des liens étroits avec Boko Haram qui a dit avoir mené l’opération du rapt du prêtre conjointement avec le groupe Ansaru. Les déclarations de ceux qui passent pour ses ravisseurs ne convainquent pas encore les experts au motif qu’Ansaru est une faction dissidente de Boko Haram.

La dangerosité de la frontière nigériane s’explique par le fait qu’elle soit troublée depuis plusieurs années par des attentats et des assassinats perpétrés par Boko Haram, violemment réprimés depuis quelque temps par les forces de sécurité nigérianes. Aujourd’hui encore, la situation ne fait qu’empirer puisque l’armée nigériane n’a cessé de lancer des offensives meurtrières contre le groupe. Ce qui s’est déjà soldé par le déplacement d’environ 10 000 Nigérians qui ont traversé la frontière particulièrement poreuse pour chercher refuge dans l’extrême-nord du Cameroun, où le père Georges Vandenbeusch s’occupait de les aider.

Pour tenter de faire face à la menace que constitue Boko Haram, les autorités camerounaises et nigérianes ont annoncé la semaine dernière la création d’un comité mixte chargé de sécuriser leur frontière commune.

À ce jour, la France dit n’avoir aucune précision sur l’identité des ravisseurs du prêtre. « On est en train de préciser les circonstances de son enlèvement, essayer de retrouver qui l’a enlevé, et tous les moyens sont déployés pour essayer de le retrouver et de le libérer. Il a avait été à plusieurs reprises dit au prêtre que cette zone était dangereuse et on lui avait recommandé expressément de ne pas y rester, mais il avait estimé qu’il devait y rester », a déclaré le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

Pour le président français, tout sera fait pour libérer le prêtre : « Tout doit être fait et sera fait pour qu’il puisse être libéré dans les meilleurs délais. Nous mettons tout en oeuvre pour que ce prêtre puisse être retrouvé », a dit François Hollande lors d’une conférence de presse à Monaco. Tout en soulignant que cet homme d’église avait été enlevé « dans une zone considérée comme éminemment dangereuse », le président a demandé aux ressortissants français « de ne rien faire qui puisse mettre en danger leur vie ou les exposer à des enlèvements ».

François Hollande estime que l’enlèvement du prêtre catholique dans le nord du Cameroun est lié à l’opération Serval : « La France paie le prix de son engagement au Mali avec l’enlèvement du père Georges Vandenbeusch dans le nord du Cameroun, une zone dangereuse en raison de menaces terroristes », a-t-il déclaré. Malgré cela, le chef de l’État français a laissé entendre qu’il s’appuierait sur les autorités du Cameroun pour le libérer, parce que c’est grâce à elles, et principalement au président Paul Biya, que les Moulin-Fournier avaient été libérés après de délicates négociations.

Le 11 janvier 2013, la France avait lancé l’opération Serval au Mali et y avait déployé quelque 4 000 soldats pour arrêter la progression vers le sud du pays de mouvements islamistes qui menaçaient Bamako. « Nous en payons le prix, des soldats sont morts au Mali, d’autres ont été blessés. Nous en payons encore le prix lorsque deux journalistes sont lâchement assassinés parce qu’ils sont des journalistes et parce qu’ils sont français. Nous en payons encore le prix quand il y a un prêtre qui se fait enlever au nord du Cameroun et est emmené, on peut l’imaginer, au Nigeria par un groupe », a ajouté François Hollande lors d’un congrès des maires francophone à Paris. « Il faut tout faire pour continuer à assumer l’intégrité du Mali, et ce que je veux vous dire à tous c’est que nous ne céderons rien, c’est que nous n’abandonnerons rien parce que nous considérons que nous devons aller jusqu’au bout », a-t-il poursuivi.

D’après le porte du Quai-d’Orsay, le prêtre se trouvait au moment de son enlèvement près de Koza dans l’extrême-nord du Cameroun, à trente kilomètres de la frontière avec le Nigeria. Cette zone, « classée en zone rouge » par le centre de crise du ministère des Affaires étrangères, était formellement déconseillée du fait du risque terroriste et du risque d’enlèvement, souligne Romain Nadal. En connaissance de cause, le père Georges Vandenbeusch avait fait le choix de demeurer dans sa paroisse pour l’exercice de sa mission, a-t-il ajouté.

Une sœur qui travaillait avec le curé raconte que ce dernier avait été enlevé vers 23 heures (22h00 GMT) par des inconnus armés. « Il se trouvait chez lui dans l’enceinte de la paroisse lorsqu’il a été kidnappé. Les ravisseurs s’exprimaient en anglais. Il nous a semblé qu’ils étaient venus à pied. Nous n’avons pas entendu de bruit de voiture. Ils ne portaient pas de cagoules, mais ils nous ont demandé de l’argent », a-t-elle expliqué.

En attendant d’identifier les ravisseurs, et d’après une source judiciaire, une enquête pour « enlèvement et séquestration en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste » a été ouverte par le parquet de Paris et confiée à la Direction centrale du renseignement intérieur.

Avec l’enlèvement du prêtre, le nombre officiel de Français retenus en otages dans le monde passe désormais à huit. En effet, outre le curé, quatre journalistes sont depuis juin entre les mains de leurs ravisseurs en Syrie : Didier François, Édouard Élias, Nicolas Hénin et Pierre Torres ; un Français au Nigeria depuis décembre 2012, Francis Collomp ; deux Français au Sahel, Serge Lazarevic enlevé en novembre 2011, et Gilberto Rodriguez Leal enlevé en novembre 2012.

Nestor N'Gampoula