Sergio Mattarella en tournée africaine pour poser les fondements de l’Eurafrique

Mercredi 16 Mars 2016 - 16:04

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Le président de la République italienne a entamé lundi une visite africaine qui le conduit en une semaine d’Ethiopie au Cameroun.

Les dirigeants italiens croient en l’Afrique et entendent le montrer. Rome, en effet, multiplie les « premières » face à un continent qu’elle reconnaît volontiers avoir négligé jusqu’ici: première visite d’un président du Conseil (premier ministre) en Afrique (Matteo Renzi au Mozambique, au Congo et en Angola) en juillet 2014, deuxième visite l’an dernier et même une troisième au début de cette année au Nigéria, au Ghana et en Côte d’Ivoire. C’est maintenant au tour du  président de la République, Sergio Mattarella, de prendre le relais.

Démocratie parlementaire où le premier ministre détient les pouvoirs de l’exécutif, l’Italie repose aussi sur la sagesse souvent salutaire de ses présidents de la République, tout réduits qu’ils soient à un rôle protocolaire. En cas de crise politique, il est arrivé plus d’une fois que le président de la République ramène la majorité et l’opposition à plus de retenue, ou sonne carrément la fin de la récréation en chargeant une personnalité capable de former un nouveau gouvernement. C’est pourquoi M. Mattarella, arrivé au palais le 3 février de l’an dernier, est tout sauf un figurant dans la politique italienne.

Sa décision de venir pour la première fois en Afrique souligne assez que, lui aussi, veut épouser la ligne de conduite emboitée par son très volontariste de premier ministre qui ne manque aucune occasion pour proclamer que l’Afrique, c’est l’avenir, pas le passé. Ne dédaignant aucune occasion pour se présenter en moins arrogant que d’autres dirigeants européens, Matteo Renzi fait mener une diplomatie de partenariat à son gouvernement dans lequel l’Afrique n’est pas acculée à une simple position de « posture », de réceptacle passif…

Arrivé lundi à Addis-Abeba, le président Mattarella y a eu mardi son premier contact avec son homologue Mulatu Teshome, au palais présidentiel. L’Ethiopie, pays où l’Italie joua un rôle de brève colonisation sous le despote Mussolini dans les années 1930, a maintenu des liens de grande proximité avec l’Italie. La République fédérale démocratique d’Ethiopie est aussi, d’ailleurs, un régime parlementaire. Après ce premier contact dans la matinée, M. Mattarella a rencontré le Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn.

Mais ce voyage est surtout placé sous le signe de la coopération. Le président de la République italienne est accompagné d’une forte délégation comprenant des hommes d’affaires mais aussi des ministres : le sous-secrétaire à la Coopération Mario Giro et, surtout, la ministre de l’Université et de la Recherche, Stefania Giannini. Ce mardi, le chef de l’Etat italien a inauguré à Addis-Abeba un établissement public italien. Une occasion pour rappeler aux élèves italiens, expatriés et éthiopiens, que la culture est la clé de l’avenir, l’antidote contre certains des maux qui minent la planète telles la haine et la violence. M. Renzi l’avait dit aussi aux étudiants de Nairobi, au Kenya.

Chrétien de gauche marqué par le tragique épisode de l’assassinat de son frère, Piersanti Mattarella, par la mafia sicilienne en janvier 1989, le président de la République italienne actuel garde intactes ses convictions religieuses. Cela peut expliquer que l’une de ses visites les plus commentées à Addis-Abeba soit celle qu’il a rendue au patriarche Abuna Mattias, patriarche de l’influente Eglise orthodoxe éthiopienne. Le séjour de M. Mattarella prévoit aussi sa visite du camp de réfugiés de Teirkidi Kula (53.000 personnes).

On le sait peu mais l’Ethiopie, pays de provenance de milliers de migrants tentant de gagner l’Europe par l’Italie, accueille aussi sur son sol des milliers d’Erythréens et de Sud-Soudanais fuyant leur pays. Les entretiens avec les officiels d’Addis-Abeba ont également prévu de placer au centre la question du terrorisme. M. Mattarella est connu pour pousser vers une solution politique en Libye, devenue aujourd’hui en Afrique la principale terre d’expansion du djihadisme. D’ailleurs, la semaine dernière, Rome a enterré deux Italiens assassinés en Libye où ils étaient retenus otages du mouvement de l’Etat islamique (EI) depuis juillet.

Le président italien quitte l’Ethiopie pour le Cameroun le 18, vendredi. Au cœur de l’Afrique, on s’apprête à célébrer avec faste la première venue d’un chef d’Etat italien en 70 ans. Ici aussi sont prévus des contacts au plus haut niveau et des marques de consolidation de la coopération économique italo-camerounaise. Une des plus grandes entreprises camerounaises du secteur chocolatier est une société italienne de renommée internationale : la Ferrero-Cameroun qui emploie 200 personnes. Ensuite, le président italien rencontrera des volontaires du mouvement humanitaire catholique romain de Sant’Egidio œuvrant au Cameroun.

La primature italienne indique très régulièrement sa volonté de (re)nouer des rapports mutuellement bénéfiques avec les pays qui avaient été négligés par les gouvernances précédentes. L’Afrique, estime-t-elle, respire un dynamisme qui se traduira en opportunités de développement réelles. Le savoir-faire italien, porté par les milliers de ses PME trouve en Afrique une région d’expression qui apportera, à terme, des solutions aux problèmes d’aujourd’hui en énergie, infrastructures et agriculture notamment.

Lucien Mpama

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