Agriculture : Le village agricole expérimental de Nkouo bientôt cinq ans

Samedi 14 Mars 2015 - 16:45

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En octobre de cette année, le village agricole de Nkouo, situé dans le département du Pool à 80 kilomètres au nord de Brazzaville, soufflera ses cinq bougies. Une célébration qui étalera sans doute le succès de cette expérience. Bien que le résultat est jugé satisfaisant, le circuit d’approvisionnement en aliment de bétail demeure un véritable frein à la production des œufs. 

C’est pour parvenir à l'autosuffisance par le développement de la production agricole que l’État a prévu 13 milliards de FCFCA dans le cadre de son programme de lutte contre la crise alimentaire pour créer trois villages agricoles expérimentaux. Le village de Nkouo, le premier mis en place avant celui d’Imvouba, est destiné à la production des œufs de table. 40 familles de fermiers sélectionnés dans tout le pays vivent sur le site dans de logements modernes alignés le long du village électrifié, doté d’un hôpital, une école primaire et des aires de jeux.

Au début de leur activité, ils ont reçu chacun du projet un poulailler et 792 (poules) pondeuses plus de deux hectares de terre où sont cultivés des légumes et fruits de première nécessité comme concombre, aubergines, épinards, tomates. En cinq ans d’expérience, souligne Moshe Chvika, un expert israélien responsable du site, l’activité a porté des fruits.

« Nous sommes aujourd’hui à 8 millions d’œufs l’année. Sur la partie maraîchage, c’est difficile de donner des chiffres mais par exemple pour le choux un exploitant peut aller jusqu’à 90 voire 100 tonnes par saison », explique-t-il, reconnaissant que l’objectif n’est pas totalement atteint.

8 millions d’œufs par année pour 4 millions d’habitants, c’est quasiment 2 œufs par habitants par année !

Pourtant, le village de Nkouo ne peut pas offrir tous les besoins en consommation d’œufs au Congo et à Brazzaville principalement. D’ailleurs, explique Simon Dieudonné Savou, directeur général de l’agriculture, l’objectif au départ était de 6 millions d’œufs par année. « De 6 millions ils sont passés à environ 10 millions. Avec l’apport des fermiers privés, l’objectif est de  baisser l’importation. C’est aussi pour augmenter l’offre agro-alimentaire des villes. Raison pour laquelle ces villages sont placés proches des centres urbains », précise-t-il.

Le projet aurait dépassé le cap prévu, s’accordent à dire les fermiers.  La production des œufs aurait triplé voire quadruplé si l’aliment de bétail avait été  disponible, en quantité suffisante et à moindre coût. La Congolaise de développement et de distribution des produits agro-alimentaire (Coddipa) ne satisfait pas la demande des fermiers. L’entreprise ferait face aux difficultés d’approvisionnement en matière première.

Le directeur général de l’Agriculture explique : « L’œuf va toujours coûter cher parce que l’unique usine qui fait l’aliment de bétail, c’est la Coddipa qui n’a pas une forte capacité financière. Il faut importer l'aliment de bétail. Il s’agit du Sofa qui est autour de 20% dans la fabrication d’un aliment de bétail et le maïs qui contribue à 60%. Mais nous n’avons, par exemple, pas d’unité d’extraction de l’huile de Soja pour qu’il y ait le marché ». « Nous allons aujourd’hui au Cameroun pour chercher le produit. Ça coûte cher avec le transport. Nous sommes obligés car un arrêt d’une semaine suffit pour tuer tous les poulets », se plaint pour sa part Moshe Chvika.

La cherté de l’aliment de bétail expliquerait finalement le prix de l’œuf en détail

À Nkouo, une palette de 30 œufs est vendue à 3500 FCFA soit environ 125 FCFA l’œuf. Un montant qui reflète la réalité économique du secteur, selon Armel Ampha, président de la communauté des exploitants agricoles de Nkouo. « En réalité, l’œuf en lui-même ne coûte pas cher, c’est plutôt ces ingrédients qui  coûtent cher », souligne-t-il.

Armel est autodidacte et a fait des études littéraires à l’université Marien-Ngouabi de Brazzaville avant de postuler en 2010 au test pour le projet du village agricole de Nkouo. Comme les autres exploitants, il ne regrette pas l’expérience car ses revenus mensuels lui permettent de nourrir sa famille et de projeter l’avenir. Chaque mois, un exploitant peut gagner entre 450 à 700.000 FCFA de revenu mensuel hors recettes maraîchères. Une somme de 264.000 FCFA leur est prélevée le mois pour renouveler la bonde.

Malgré la cherté et la crise en aliment de bétail, les exploitants veulent atteindre le résultat. Bien qu’elle ne soit pas stable, la production des œufs par jour et par exploitant est estimée pour l’heure à 25 palettes. « Mais tantôt la production baisse considérablement jusqu’à parfois 22 palettes d’œufs par jour, par exploitant et parfois jusqu’à la réforme de bondes poulailler », précise Armel Ampha.

D’ailleurs pour augmenter leur production, la coordination du projet a décidé d’élargir les poulaillers à 250 nouvelles pondeuses. L’idéal est d’allonger la production des œufs et d'alimenter le marché, principalement celui de Brazzaville où l’œuf est vendu parfois jusqu’à 200 FCFA. « Sur le prix, ce sont les aliments qui font défaut. Mais retenez que les œufs de Nkouo sont les meilleurs. Ils sont congolais, frais et sains », se défend Moshe Chvika.

Outre l’aliment de bétail, l’Israélien de plus de 60 ans, qui a participé dans son pays à l’érection de plus de 400 nouveaux villages agricoles, fustige également l’absence de l’électricité pérenne au village de Nkouo pendant ces dernières années. « Cela fait à peine 4 mois que nous avons le courant normal. Nous utilisons un générateur qui engloutit des millions qu’on aurait investis pour améliorer la production », regrette-t-il, mais confiant pour l’avenir du projet.

« J’étais directeur des écoles agricoles en Israël pendant 32 ans. L’agriculture y est très développée et nous sommes arrivés à 471 nouveaux villages.  Au Congo, nous avons une bonne terre fertile et l’eau, ce qui manque en Israël. Je suis sûr que l’État va continuer à développer les nouveaux villages, pour qu’à l’avenir le pays baisse ses importations », souligne-t-il.

Les importations du Congo en denrées alimentaires ces dernières années sont estimées à plus de 100 milliards de FCFA. Un budget qui a légèrement baissé depuis que des initiatives privées dans le secteur de l’agriculture ont vu le jour, défend Simon Dieudonné Savou.  « N’oubliez pas que les initiatives privées autour de l’agriculture viennent de commencer. Ailleurs ce sont les privées qui font ce secteur », témoigne-t-il.

Cap sur le village agricole d'Odziba

Après le village de Nkouo et d’Imvouba, spécialisé dans le poulet de chair et séparé d’environ 50 kilomètres, le 3ème village d’Odziba verra le jour bientôt. Environ 700 dossiers de candidatures ont été déjà reçus par la coordination du projet, affirme Moshe Chvika. Le projet s’étendra ensuite à Pointe-Noire et dans d’autres départements.

Mais avant tout, fait remarquer Armel Ampha, l’expérience de Nkouo est à analyser pour corriger le tir. Si dans la production des œufs, l’aliment de bétail est cité comme frein au développement de la filière, dans le maraîchage, les fermiers attendent la mécanisation de l’agriculture. « Nous travaillons à la main et faisons beaucoup d’efforts. Mais on ne peut pas prétendre à la production souhaitée sans engins », rappelle-t-il.

Quentin Loubou et Firmin Oyé

Légendes et crédits photo : 

un angle de vue intérieure d'un poulailler avec des œufs a première vue/adiac opération de mise du fumier sur une plantation de choux/adiac