Interview. Alain Ndalla : «Il faut une stratégie d’inclusion numérique pour les échanges des données»

Samedi 29 Novembre 2014 - 14:30

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Beaucoup de dirigeants africains ont engagé leurs pays dans le processus «Initiative pour la transparence dans les industries extractives » (Itie) avec comme objectifs, entre autres, de renforcer la bonne gouvernance et d’améliorer le climat des affaires. La République démocratique du Congo y a adhéré à son tour dès 2005 mais pour atteindre le statut de conformité en 2014. Le faible taux de collecte des données auprès des entreprises représente une menace très sérieuse dans les efforts de préserver cette conformité. Pour contourner ce problème, Alain Ndalla, informaticien et chef d’entreprise de nationalité congolaise (République du Congo), propose un système d’information en ligne. Après avoir contacté plusieurs coordinations nationales Itie en Afrique à cet effet, il s’entretient avec la rédaction.

Les Dépêches de Brazzaville : Comment s’effectuent les déclarations avec la preuve d’audits, et qu’est-ce-qui provoque le retard dans la collecte des données ?

Alain NdallaAlain Ndalla : L'Itie vise des objectifs clairs, mais je retiens surtout le premier qui consiste à rendre publics et rapprocher les versements effectués par les industries extractives et les encaissements réalisés par l’État. Dans les faits, cela consiste à maîtriser la collecte et le traitement des transactions générées par ces acteurs sur tout le territoire concerné. Depuis longtemps, nos administrations souffrent d’un fonctionnement en silos qui cloisonnent les informations nécessaires pour des échanges collaboratifs et dématérialisés grâce au numérique présent dans ces entités. Aucune d’entres elles ne manquent d’ordinateurs, de logiciels et d’Internet pour travailler et échanger en temps réel. Ce qui manque encore, c’est une réelle stratégie d’inclusion numérique pour que tous les secteurs productifs publics et privés automatisent les échanges de données. Une illustration, les sociétés autorisées à exercer dans les industries extractives doivent payer des taxes et impôts, elles effectuent ces paiements dans les banques à partir des preuves papiers (quittance..) remises par les régies financières. Les banques encaissent et remettent à ces sociétés des preuves de paiement, et ces sociétés procèdent aux déclarations de paiements auprès des Itie, de même pour les entités administratives qui confirment ces paiements encaissés. Pendant toutes ces étapes, les procédures sont parfois dématérialisées puis se rematérialisent (le papier revient à chaque fois), ce qui fait perdre beaucoup de temps et d’argent. Les Itie, pour publier leurs rapports, sont obligés de recourir aux moyens papiers et dématérialisés, pour collecter les données des deux parties pour une traçabilité incontestable.

LDB : Vous avez mis au point un système d’information en ligne pour arriver à une meilleure collecte des données. Comment fonctionne-t-il ?

AN : Notre société a déployé, il y a trois ans, un portail web www.bureauflex.net basé sur les technologies informatiques dans le nuage (Cloud computing) avec comme service le logiciel (SaaS). Pour mieux comprendre, c’est comme les portails qui vous proposent des accès à vos courriers électroniques. Dans notre cas, nous y avons inclus des modules applicatifs qui vous permettent de faire les comptabilités générale, analytique et budgétaire. Plusieurs plans comptables sont disponibles dont le plus connu aujourd’hui est l’Ohada, d’autres applications métiers sont orientées : points de vente, hôtellerie, pharmacie, banques et IMF, etc. Fondamentalement, ce portail automatise toutes les opérations transactionnelles et en temps réel.

LDB : Globalement, quelles sont les innovations apportées par cette solution logicielle sur Internet ?

AN : Elles se résument dans le développement des affaires électroniques (e-Business) pour le secteur privé, et la gouvernance électronique (e-Gouvernement) pour accompagner le secteur public dans un partenariat public-privé. Notre écosystème a permis de palier l’insuffisance des solutions numériques éprouvées capables de développer des contenus dématérialisés de qualité en Afrique. Ainsi, nous avons complété un système d’information orienté Itie pour automatiser la collecte et le traitement des données indispensables à la publication des rapports « publier ce que vous payez et vous gagnez ».

LDB : Cette solution logicielle sur Internet fonctionne-t-elle en temps réel ?  

AN : Ce système d’information fonctionne en temps réel, cela veut dire que les deux parties (Entreprises et États) sont en mesure d’introduire chacune les données dans des formulaires dématérialisés et dynamiques pour faciliter la reddition des comptes. Chaque Itie est en mesure de publier des rapports de l’année en cours d’exercice, donc un système capable de rattraper les retards accumulés dans les publications.

LDB : Y a-t-il des pays qui appliquent une telle solution, et quels sont les résultats recueillis sur le terrain ?

AN: Ce système d’information Itie a été créé cette année et éprouvé par des tests industriels pour éliminer d’éventuels bugs. Je vous confirme que ce système fonctionne correctement. Aujourd’hui, nous sommes engagés à faire du lobbying auprès des acteurs politiques, économiques et civils pour que notre solution soit retenue partout où le besoin est palpable.

LDB.: Cette solution logicielle peut-elle se montrer autant efficace pour un pays aussi vaste que la RDC où les opérateurs miniers évoluent à des milliers de km de la capitale ?

AN : Bien sûr, notre système est en mesure de relever ce grand défi, grâce à nos technologies innovantes accessibles à partir d’un Internet 2G+ et 3G mobiles qui couvrent une très grande partie de la RDC. Chaque utilisateur autorisé et doté d’un pc, d’une tablette ou d’un smartphone connecté peut introduire des données autant de fois qu’il le souhaite. La hiérarchie de l’entreprise ou de l’administration à Kinshasa ou à Lumbubashi est en mesure de contrôler instantanément ces données provenant des contrées lointaines de ce grand territoire de la RDC.

LDB : Prenant toujours le cas de la RDC, il y a un volume important de flux financiers payés pour les régies financières (DGDA, DGI, DGRAD et DRKAT) et les entreprises publiques. Est-ce que ce logiciel se prête également au traitement d’une masse des données ?

AN : Je vais vous surprendre en vous apprenant que notre système a été calibré pour gérer plus de 15 millions d’entités morales et des millions d’utilisateurs. Il n’y a pas de limites pour les données, notre système est hébergé dans des datacenters dont le volume de stockage est illimité grâce à la virtualisation des ressources matérielles.

LDB : Avez-vous pu établir des contacts avec les services compétents de la RDC pour ce projet, et quelles ont été les réactions ?

AN: Ce système d’information a déjà été présenté à quelques Itie en Afrique, et les pourparlers continuent. Aujourd’hui nous apprenons à travers les médias, que l’Itie RDC risque d’être exclue à cause du retard dans la collecte et le traitement des données détenues par les entreprises. Je conclus en rappelant qu’à l’ère de l’Internet et du Cloud, on ne devrait plus vivre de tels désagréments préjudiciables à l’attractivité et au développement économique et social de la RDC. Vive le numérique.

Qui est Alain Ndalla ?

Alain Didier Ndalla est informaticien et chef d’entreprise depuis plus de 20 ans. Il est le directeur marketing et technico-commercial du portail www.bureauflex.net dont le siège se trouve en République du Congo et sa succursale en Afrique du Sud. Depuis une année, il a réussi à marquer sa présence en République démocratique du Congo grâce à des partenaires comme Tel-impact et Sintel, des sociétés congolaises spécialisées dans les communications électroniques et le numérique. Ensemble, ils apportent un appui non négligeable au développement des contenus numériques en RDC, encouragés par la confiance affichée par quelques entreprises congolaises.

Laurent Essolomwa

Légendes et crédits photo : 

Alain Ndalla