Victoire contre l'impunité : des violeurs d'enfants condamnés à perpétuité

Jeudi 14 Décembre 2017 - 16:15

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Parties civiles et ONG ont revendiqué, le 13 décembre, une victoire historique contre l'impunité des crimes sexuels en zone de conflit avec la condamnation à perpétuité de onze miliciens jugés pour des viols massifs sur des enfants en République démocratique du Congo (RDC), des faits qualifiés de "crime contre l'humanité".

Sur place, des applaudissements et des cris de soulagement ont salué l'annonce du verdict dans une salle d'audience pleine à craquer devant une juridiction militaire près de Bukavu, dans le Sud-Kivu (est de la RDC), région en proie à la violence des groupes armés depuis plus de vingt ans. Parmi les condamnés figure un notable, Frédéric Batumike, 62 ans, ancien député provincial et chef présumé de la milice Djeshi ya Yesu (Armée de Jésus).

M. Batumike et ses coaccusés ont été "condamnés à la prison à perpétuité pour crime contre l'humanité par viol et par meurtre" pour des viols de fillettes âgées de 18 mois à 12 ans à Kavumu, entre 2013 et 2016. "Au moins deux enfants sont morts", selon la Mission des Nations unies au Congo (Monusco). Pour le tribunal, les viols des fillettes ont été commis dans le cadre de "pratiques fétichistes" visant à assurer l'invulnérabilité des miliciens contre les balles en prévision de leurs attaques menées contre les positions de l'armée congolaise. Le procès a suscité des réactions bien au-delà des frontières du Kivu où les violences entre 1997 et 2003 ont tué plusieurs centaines de milliers de personnes, et où les femmes ont été victimes de viols massifs.

"La décision d'aujourd'hui marque une étape importante pour la justice, la reddition des comptes et le respect de l'État de droit en RDC", a commenté l'ambassade des États-Unis à Kinshasa sur son compte Twitter. Le verdict a fait le bonheur des parties civiles et des ONG qui luttent contre l'impunité des crimes sexuels en RDC. "Il y a quelques années, un tel procès aurait été inimaginable", s'était félicité l'ONG Physicians for Human Rights. "Pendant trop longtemps, les auteurs de viols au Congo ont cru qu'ils étaient invincibles. Lentement des signaux commencent à montrer que l'impunité n'est pas inévitable", selon l'ONG.

La décision est "historique", se réjouit pour sa part l'ONG Trial international, basée à Genève, qui a soutenu l'organisation de ce procès. "C’est la première fois en RDC qu’un politicien en poste est reconnu coupable, en tant que supérieur hiérarchique, des crimes commis par lui-même et la milice qu’il contrôlait et finançait", a déclaré à l'AFP son responsable pour la RDC, Elsa Taquet.

Purger sa peine ailleurs

Ce procès hors normes a tout de même eu lieu dans des conditions particulières. Une douzaine de parents ont témoigné en se cachant de la tête au pied, en restant derrière un rideau et en déguisant leur voix par peur des représailles. Batumike devrait "purger sa peine ailleurs" en RDC par crainte des évasions courantes dans les prisons du Kivu, a estimé un responsable de la société civile locale. Le travail de la justice a été salutaire, a dit à l'AFP Augustin Bakamarhe, un habitant de Kavumu qui ne voulait pas manquer de vivre ce moment. "Depuis l'emprisonnement de Batumike, nous avons recouvré la stabilité et 2017 se termine sans qu'un cas de viol ne soit signalé ici", s'est-il réjoui.

La défense de M. Batumike a estimé que le procès avait été émaillé "d'irrégularités". "Nous allons faire appel devant la Haute cour militaire", a déclaré à l'AFP son porte-parole, Me Aimé Ngandu. M. Batumike avait demandé la récusation des juges et obtenu une suspension de ce procès commencé début novembre. Deux autres accusés ont été condamnés à une année de prison tandis que les cinq autres prévenus ont été acquittés. Outre les crimes de viols, les miliciens ont été condamnés pour leur "participation à un mouvement insurrectionnel" et le "meurtre" d’individus qui avaient dénoncé leurs exactions, a précisé le tribunal militaire.

Le tribunal a, par ailleurs, ordonné un paiement d'une importante somme en guise de dommages et intérêts pour les victimes de viols et de meurtres. Des dizaines des groupes armés locaux et étrangers s'affrontent dans l'est de la RDC sur la base des différends ethniques ou pour le contrôle des ressources naturelles dont regorge la région. En décembre 2014, la condamnation du colonel Bedi Mobuli Engangela, un officier supérieur de l'armée congolaise pour crime contre l'humanité par viol, notamment dans le Sud-Kivu, avait également été saluée par les défenseurs des droits de l'homme.

AFP

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