Dépréciation du franc congolais et inflation : le secteur bancaire et financier pas hors de danger

Dimanche 6 Août 2017 - 16:43

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L’une des grandes banques du pays, en l’occurrence la Trust Merchant Bank (TMB), vient de démentir la rumeur faisant état de sa faillite. Au contraire, a soutenu son directeur financier, Daniel Kasongo, « l’analyse des ratios prudentiels montre une stabilité en termes de maîtrise des risques et de saine gestion actif-passif ». Des chiffres publics et vérifiables éloignent, certes, le spectre d’une nouvelle catastrophe dans le secteur financier, après le crash de la Biac, de la Fibank et de la Mercreco, une institution de micro-finance. Pour autant, plusieurs études avisées attestent que la RDC a connu en 2016 et au premier semestre 2017 sa pire situation économique depuis vingt ans. Et les effets sont bien réels sur le secteur financier au point où chaque rumeur malveillante doit être immédiatement neutralisée.

Une nouvelle alerte dans le secteur bancaire a replongé les épargnants dans une certaine psychose. En effet, comme pour la Biac sous gestion de la Banque centrale du Congo (BCC), la TMB est l’une des premières banques du pays. Bien cotée, elle a enregistré une croissance ininterrompue au fil des années. S’appuyant sur les chiffres réalisés en 2016, la Direction générale de la TMB a balayé cette rumeur de faillite du revers de la main : 11 % de hausse des transferts à travers toute la République, 5 % d’augmentation du volume de crédit, 1 % de hausse des dépôts à terme, etc. À la TMB, rappelle la direction générale, « le volume de dépôts à terme connaît une croissance régulière et atteint près de 30 % du total des ressources collectées auprès de la clientèle ». La banque se félicite de son bilan sur fond d’une certaine inquiétude « sur le contexte économique complexe».

Pas de profit

Au cours de l’année 2016, il y a eu une dépréciation du franc congolais de l’ordre de 24 %. Dans le secteur bancaire congolais, cela a entraîné une contraction d’environ 6 % au niveau systémique (en termes de dépôts collectés et de volume d’activités). Cela a contraint nombre de banques commerciales à prendre davantage de risques. Beaucoup parmi elles sont restées à l’écoute des milieux des affaires en difficulté (faible croissance économique, dépréciation du franc congolais, remontée de l’inflation, etc.) en leur apportant tout l’appui nécessaire dans l’accompagnement de leurs préoccupations opérationnelles. Selon les statistiques officielles disponibles, beaucoup d’institutions financières n’ont réussi hélas à faire du profit. Entre 2015 et 2016, le profit net a connu une baisse de plus de 50 %, voire 70 % pour certaines institutions de micro-finance. 

Facteurs destabilisateurs

Deux principaux facteurs ont influencé considérablement la situation économique. L’on convient à classer la crise politique et la conjoncture internationale. Il faut rappeler que le cuivre, principal minerai exporté par le pays, a connu une baisse de plus de 20 % en 2016. Faute d’entrée suffisante de devises étrangères, les réserves de change de la BCC ont pris un sacré coup. L’autorité monétaire a dû intervenir à plusieurs reprises pour stopper l’emballement du marché de change mais faute de réserves suffisantes, ses interventions sont plus de plus en plus difficiles. L’inflation a recommencé à grimper. Entre le début de 2016 et aujourd’hui, le taux de change est passé de 930 FC le dollar américain à plus de 1 700 FC le dollar (situation en juillet 2017). Une telle situation a entraîné bien entendu des effets néfastes sur les marchés financiers. On signale par exemple des retraits massifs des clients qui ont conduit certaines institutions financières de l’intérieur du pays au bord de la faillite. Dans l’est du pays où prolifèrent les coopératives, il faut ajouter aussi la recrudescence de l’insécurité.

De l'économique au financier

L’une des conséquences de la situation économique désastreuse sur le secteur financier est le ralentissement du rythme de remboursement des crédits. D’où l'on observe une remontée préoccupante du taux de risque tant au niveau des banques que des coopératives. Beaucoup d’institutions financières du pays ont pris des risques en cherchant à approvisionner les comptes en faillite. Cela s’est répercuté sur leurs fonds propres. Par conséquent, beaucoup d’institutions financières ont approché la faillite, même si d’autres facteurs ont pu contribuer de manière déterminante comme la mauvaise gouvernance et la conjoncture politique.

Perspectives d'avenir

2017 est une année très difficile pour le secteur financier car le cadre macro-économique demeure instable. La plus grande préoccupation tourne autour de l’enjeu politique qui ne crée pas les conditions requises à une véritable accalmie. Face à l’incertitude du lendemain, il est impossible d’espérer toute reprise du secteur financier. Des fausses alertes comme celle de la TMB devraient sans aucun doute se multiplier au cours des prochains mois et mettre à dure épreuve les nerfs déjà tendus des épargnants. L’on comprend mieux pourquoi la Direction générale de la TMB a qualifié cette rumeur de « canular de mauvais goût » pour l’incidence qu’elle peut avoir sur un secteur financier déjà sous pression.

Laurent Essolomwa

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