Changements climatiques : planter les arbres ne suffit pas !

Vendredi 26 Mai 2017 - 20:41

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Ce geste salutaire n'est pourtant pas une solution viable pour compenser nos émissions de CO2, selon une récente étude qui insiste de nouveau sur l’urgence de prendre les problèmes à la source et non à la marge.

Au lieu de diminuer à la source leurs émissions de CO2 pour limiter l'effet de serre et donc le réchauffement climatique, la plupart des acteurs se contentent de les compenser en constituant des stocks de carbone via la plantation d'arbres. C'est la fameuse « compensation carbone », populaire mais très insuffisante selon cette étude.

Les projets de plantation d'arbres, peu coûteux et faciles à mettre en œuvre, sont devenus très courants au point que tous les acteurs (sociétés, associations, collectivités territoriales, institutions...) en abusent pour justifier leurs activités polluantes, s'affranchir de réductions à la source de leurs émissions ou pour séduire le grand public, emprunt d'un renouveau de la « nature ».

Ainsi, de nombreuses associations, pétitions, applications « vertes » sur smartphone surfent sur ces programmes de plantation pour se faire connaître ou en tirer des revenus, trop souvent de manière contre-productive en octroyant aux entreprises polluantes de véritables « permis de polluer ». C'est en partie la critique formulée par une étude publiée dans le journal de: « cultiver des plants puis stocker le CO2 qu'ils ont pris à l'atmosphère n'est pas une option viable pour contrecarrer les émissions non réduites provenant de la combustion des énergies fossiles », critique une étude publiée dans le journal de l'American Geophysical Union, Earth's Future.

« Si nous continuons de brûler du charbon et du pétrole comme nous le faisons actuellement en regrettant ensuite notre inaction, les quantités de gaz à effet de serre que nous devrons extraire de l'atmosphère afin de stabiliser le climat seront bien trop importantes à gérer », a déclaré Lena Boysen, auteur principal de l'étude et chercheuse au Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK) en Allemagne.

En s'appuyant sur des simulations informatiques dynamiques à l'échelle de la planète, les scientifiques expliquent que la compensation carbone via la plantation d'arbres est impossible au niveau planétaire : même en exploitant des arbres productifs comme les peupliers ou certains arbustes capables de stocker 50 % du carbone contenu dans leur biomasse, dans le scénario business as usual que nous suivons, de telles plantations remplaceraient la totalité des écosystèmes naturels dans le monde entier, ce qui n'est évidemment pas une solution.

Si l'Accord de Paris sur le climat était respecté (ce qui est loin d'être le cas), les plantations nécessaires pour compenser nos émissions de gaz à effet de serre devraient être énormes : elles remplaceraient de larges superficies d'écosystèmes naturels et plus d'un quart des terres agricoles utilisées. Là encore, les conséquences dépasseraient largement les bénéfices.

Au final, « seules des réductions ambitieuses de nos émissions et des progrès techniques dans l'aménagement du sol pourraient éventuellement éviter une concurrence féroce pour la terre », indique l'étude. Et pourtant, limiter le réchauffement à 2°C d'ici 2100, nécessiterait beaucoup d'eau, des engrais chimiques et des technologies de stockage du carbone qui atteignent plus de 75 % du CO2 extrait de l'atmosphère. Il faudrait donc développer les technologies qui minimisent les émissions de carbone provenant de la culture, de la récolte, du transport et de la conversion de la biomasse et, en particulier, la capture et le stockage à long terme du carbone.

Les auteurs de l'étude sont catégoriques : « les plantes pourraient-elles encore nous aider à stabiliser le climat dans le pire des cas ? La réponse est non. Il n'y a pas d'alternative pour une atténuation réussie », affirme Wolfgang Lucht du PIK. Si les plantations peuvent jouer un rôle dans la réduction des concentrations en CO2, celui-ci reste limité et contraint par une gestion rigoureuse des terres. Si le bilan carbone pourrait être positif, l'écosystème s'en trouverait certainement appauvri, sans parler de la vulnérabilité de la plantation aux risques naturels (tempêtes, inondations...)

Or, jusqu'à présent, les plantations de biomasse comme moyen d'élimination du CO2 ont souvent été considérées comme une approche comparativement sûre, abordable et efficace. Mais l'étude est formelle : cette option n'est pas une solution pour épurer notre atmosphère. Au lieu de cela, « la réduction de l'utilisation des combustibles fossiles est une condition préalable à la stabilisation du climat, mais nous devons également utiliser diverses options allant du reboisement sur les terres dégradées à une agriculture à bas coût et des systèmes d'irrigation efficaces pour limiter les déchets alimentaires », précise Tim Lenton de l'Université d'Exeter en Grande-Bretagne.

Hans Joachim Schellnhuber, directeur du Potsdam Institute for Climate Impact Research se veut optimiste : « c'est un message positif : nous savons ce qu'il faut faire - mettre rapidement fin à l'utilisation de combustibles fossiles en plus d'une grande variété de techniques d'élimination du CO2. Nous savons quand le faire - maintenant. Et si nous le faisons, nous découvrirons qu'il est encore possible d'éviter la plus grande partie des risques climatiques en limitant l'augmentation de température à moins de 2 degrés Celsius. »

Cette étude pourrait bien freiner le greenwashing ambiant qui fait croire qu'il suffit de planter des arbres à l'autre bout du monde pour compenser nos activités polluantes. Les mesures urgentes à prendre sont connues depuis des décennies, seule la volonté politique et l'engagement citoyen restent insuffisants. La nature ne manquera pas de nous le rappeler, sans aucun retour en arrière possible.

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo: les plantations d'arbres (DR)

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