Les Dépêches de Brazzaville : En quoi consiste votre projet ?
Jean-Christian Diakanou-Matongo : Le projet qu'Apis Congo, notre SARL, va exécuter grâce au prix le passage de l’informel au formel. L’édition 2013 du Challenge entrepreneurial du Bassin du Congo va nous permettre de développer une production durable du miel. Durable parce depuis plus d’une décennie, les observations que nous avons faites auprès des communautés rurales relatives à la récolte du miel se résument soit à couper l’arbre qui abrite la colonie ou à la brûler totalement pour récolter quelques litres de miel ensuite dilués à l’eau et in fine, le produit proposé aux consommateurs est de très mauvaise qualité. À la suite de toutes ces observations, Apis Congo propose une autre approche plus écologique basée sur l’utilisation des ruches Langstroph, qui, au-delà de leurs avantages écologiques, permettent d’obtenir un rendement moyen d’environ 12 litres par récolte et par ruche.
Comment avez-vous eu l’idée de vous inscrire au Challenge entrepreneurial du Bassin du Congo ?
Je suis apiculteur depuis 1997 et je dispose actuellement de 25 ruches à Loutété qui produisent en moyenne 800 litres par année. Malheureusement pendant toutes ces années, les initiatives que j’avais prises n’avaient pas donné de résultats satisfaisants, car les financiers me disaient toujours « votre projet n’est pas bancable du fait des risques élevés. Le cycle production et les délais de récupération sont trop élevés, etc. » Et je ne disposais pas des ressources financières suffisantes pour m’autofinancer, c’était donc le cercle vicieux jusqu’en juin 2013 ou un collège de travail connaissant le blocage de mon projet me proposa de participer au Challenge en m’offrant un formulaire d’inscription rapporté de la chambre de commerce de Pointe-Noire. La suite, vous la connaissez.
À quelles difficultés vous êtes heurtés avec votre candidature ? Qu’est-ce qu’elle vous a apportée ?
Je pourrais résumer toutes les difficultés en une seule, relative au délai relativement court pour la rédaction du business plan qui exigeait une disponibilité mais aussi une fiabilité des données techniques et socioéconomiques pour faire par la suite une bonne analyse financière. Cela n’a pas été le cas de notre pays, car en dehors des données techniques et socioéconomiques dont nous disposions, nous n’avons pas pu trouver dans les délais des statistiques sur la production nationale (informelle et formelle) et sur les importations de miel par les supermarchés pour faire avec l’appui des business mentors une extrapolation de la demande nationale et déduire par la suite dans quelle proportion la production d'Apis Congo pouvait contribuer à la satisfaction de cette demande. C’était stressant et frustrant de n’avoir pu aller jusqu’à ce niveau d’analyse. En résumé, cette candidature m’a permis d’optimiser l’opportunité que le Challenge entrepreneurial m’a offerte dans des délais courts. On peut toujours généraliser en disant qu’une opportunité aussi petite soit elle lorsqu’elle est exploitée à fond en dépit des contraintes et obstacles peut parfois changer le cour des choses.
Comment se sont déroulées les épreuves à Brazzaville ?
Les épreuves de soutenance orale du business plan se sont déroulées conformément au règlement intérieur du Challenge qui nous avait été transmis quelques semaines plus tôt. Celui-ci prévoyait un exposé devant un jury composé d’une dizaine d’institutionnels et de professionnels de très haut niveau, suivi d’un jeu de questions-réponses et enfin de la délibération. Il y a avait donc de la courtoisie, de l’objectivité et surtout de la rigueur, et pour illustrer cette rigueur, le 23 novembre, jour de la proclamation des résultats, le président du jury répondant à une question d’un journaliste cherchant à savoir pourquoi il n’y avait que quatre lauréats au lieu de cinq sur quinze finalistes comme il était prévu dans le règlement, celui-ci avait dit : « Un des critères d’admission était qu’il fallait que les candidats totalisent au moins 80% des points pour être déclarés vainqueurs », et lorsque je vois les autres projets primés, je ne vous cache pas mon respect et mon admiration pour l’ingéniosité de ces résultats.
Qu’est-ce cette victoire au Challenge va apporter à votre projet ?
Je vous rappelle que nous avons gagné le prix passage de l’informel au formel. L’obtention de ce prix va donc permettre à Apis Congo de se formaliser. Aussi, ce prix va nous permettre d’augmenter nos capacités de production durable de manière à offrir aux consommateurs un écomiel de très bonne qualité et au prix de 8 F/g. Par ailleurs, notre projet qui est écologiquement durable permettra de créer une dizaine d’emplois en 2014. Enfin, Apis Congo compte répondre aux attentes du gouvernement traduites par cette volonté politique de diversifier l’économie hors pétrole et de redynamiser le tissu entrepreneurial en vue de l’émergence du Congo à l’horizon 2025. Je profite de l’occasion pour remercier le gouvernement de cette volonté politique et le Challenge de cette initiative.
Au final, quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Le bilan de notre participation au Challenge 2013 est globalement positif en termes de capital relationnel avec la rencontre des compatriotes qui ont réussi à créer leurs entreprises à l’étranger, en termes aussi de participation au colloque avec toutes les recommandations formulées au gouvernement, surtout celle relative à l’amélioration du climat des affaires, comme vous le savez notre pays est 185/189 du classement Doing Business. Enfin positif, en termes du prix remporté qui permettra à Apis Congo d’avoir une visibilité mais aussi et surtout d’augmenter ses capacités de production dans une filière apicole en situation d’oligopole, c’est-à-dire que le marché congolais du miel se caractérise par une offre significativement inférieure à la demande alors qu’il dispose d’un potentiel naturel suffisant. Le défi est donc énorme mais intéressant.