Claude Le Roy : « C’est un bon premier jet, mais il faut recommencer l’expérience »

Samedi 8 Août 2015 - 9:30

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Sourire aux lèvres, le sélectionneur national a dressé le bilan du match et du stage de détection des U23. Satisfait de la semaine, il appelle à reconduire l’expérience tant en Europe qu’au pays pour qu’aucun talent n’échappe au football congolais

LDB : Monsieur Le Roy, on vient d’assister à une rencontre plutôt plaisante entre vos jeunes et l’équipe de Viry-Châtillon (2-1).

C.L.R : Oui, c’est incroyable. On a eu quatre séances d’entraînements avec ce groupe que l’on a réduit de vingt-trois à seize joueurs à l’issue de la journée d’hier. On a essayé d’optimiser le groupe en gardant les meilleurs et face à une équipe de Viry-Châtillon mixte, qui débute sa saison de CFA dans une semaine, nous avons été crédibles. Cela prouve que lorsque l’on travaille sérieusement, avec le bon état d’esprit, avec application, on arrive à faire de bonnes choses. J’ai demandé aux jeunes s’ils ont pris du plaisir et ils m’ont répondu que c’était génial.

LDB : Le bilan est donc positif pour vous ?

C.L.R : C’est un bon premier jet, mais il faut recommencer l’expérience, avec encore plus d’exigence sur le recrutement. Si on pérennise ce genre de stage, à un rythme de deux fois par an, on peut estimer que d’ici trois ou quatre ans, plus aucun jeune Congolais n’échappera aux mailles du filet. Bien entendu, tous ne deviendront pas professionnels et internationaux, mais c’est une étape importante et incontournable dans le développement du football congolais. Et je pense que c’est plus efficace et économique de faire des stages ici, dans ce cadre, plutôt que de faire venir des joueurs au Congo. Et ici, à Lisses, le cadre est idéal, puisque les terrains sont collés à l’hôtel : on limite les pertes de temps et d’énergie en déplacements.

LDB : Dans le football, l’exigence de résultats est toujours immédiate. Mais ce travail de détection ne portera ses fruits que sur la durée. C’est important de le rappeler aux supporteurs ?

C.L.R : Oui, c’est en répétant les stages qu’on sera réellement efficaces. Cette semaine, on a vu deux ou trois joueurs qui devraient être intégrés à la pré-liste de quarante joueurs pour les Jeux africains. C’est encourageant, cela prouve bien que l’on n’a pas brassé de l’air pour rien.

LDB : Ce stage concernait les U23 et vous avez reçu des candidatures de joueurs encore plus jeunes. Dans l’absolu, ne faudrait-il pas procéder de la même manière pour les sélections U17 et U20 ?

C.L.R : Bien entendu, c’est ce que je ne cesse de répéter. Il faudrait d’ailleurs commencer le repérage dès les U12, que ce soit au Congo ou en Europe. Cela permettrait de répertorier les enfants à 12 ans et on enlèverait toute possibilité de triche sur l’âge. Ça serait aussi un grand pas en avant, car nous sommes des éducateurs et on ne doit pas apprendre aux mômes à tricher. C’est insupportable de voir des joueurs se rajeunir, voire parfois se vieillir avec la règle des départs à 18 ans. Sur le plan sportif, il faut absolument relancer les championnats de jeunes dans chaque catégorie, c’est la base de tout. Regardez le cas de Merveille Ndockyt que j’ai repéré presque par hasard. Il était presque en dehors des écrans radar, alors qu’il a le potentiel pour jouer en A, ce qu’il a d’ailleurs fait contre le Kenya. Ce n’est pas normal. Et pour y remédier, il n’y a pas trente-six solutions : il faut organiser les championnats de jeunes dans tout le Congo. Des compétitions d’abord locales, puis régionales et enfin des finales nationales. Il faut des tournois interprovinciaux pour ne laisser aucun talent au bord de la route.

LDB : Pour ce stage, un bémol avec l’absence des joueurs des clubs pros, au plus fort potentiel. Pourquoi les clubs ne jouent pas le jeu, à l’image d’un Badila bloqué par Nancy alors qu’il n’était pas dans le groupe lundi contre Tours ?

C.L.R : Les clubs pros ont toujours eu de l’urticaire lorsqu’il s’agit du football africain. Et malheureusement, je crois que l’exemple vient d’en haut avec l’affaire des quotas, qui avait montré l’image que la DTN française avec des joueurs africains. C’est sûr que cette attitude des clubs ne nous aide pas. Mais je pense qu’ils y perdent aussi beaucoup. Regardez le nombre d’Africains qui ont brillé dans leur club en rentrant de la CAN, à l’image de Max-Alain Gradel qui cartonne en deuxième partie de saison (ndlr : 12 de ses 17 buts après le sacre des Éléphants à Bata). On entend des idées reçues qui me rappellent Guy Roux qui, à l’époque, donnait l’impression que les gens pouvaient attraper le sida en serrant la main des gens. C’est la méconnaissance et l’absence de maîtrise d’un autre environnement qui crée la peur. Et la peur crée le FN.

LDB : Quelle est la parade ? Organiser ces stages sur des dates Fifa ?

C.L.R : Le problème, c’est qu’on est déjà très pris sur les dates Fifa avec les matchs officiels CAF et Fifa ou alors les matchs amicaux. Donc la seule solution pour pouvoir le faire, c’est que les clubs nous donnent un coup de main en libérant leurs joueurs trois jours en milieu de semaine. Cela nous a permis de voir des très bons jeunes et je suis persuadé que les clubs vont récupérer, demain matin, des jeunes encore plus motivés.

LDB : Vous parlez de très bons jeunes : lesquels ?

C.L.R : Par exemple, le petit Nioby de Saint-Quentin (voir par ailleurs) a vraiment été très bon, avec une certaine maturité tactique pour un si jeune élément. Pierre-Ange Omombé a aussi montré de bonne chose. Le petit Bongui, né 1999, a aussi beaucoup de qualités. Ce sont des vrais joueurs de football et c’est ce qui m’intéresse, c’est ce que j’aime.

LDB : Pour conclure, un petit mot sur Christoffer Mafoumbi, dont la situation suscite une légitime inquiétude chez les supporteurs…

C.L.R : Oui, c’est une situation incroyable. On parle de la solitude du coureur de fond, chez les grands écrivains, en athlétisme. Mais chez le gardien aussi, ça existe. Il y a un poste à prendre par club et les places sont rares. Surtout en France où la formation de gardien de but est de qualité, avec des gardiens qui durent. La porte est fermée pour Christoffer, j’espère que ça évoluera pour lui dans la semaine. Il y a une réflexion à mener : peut-être devrait-il partir dans un bon club au Congo pour retrouver du temps de jeu et briller afin de revenir en Europe en position de force ? Il a besoin de jouer et c’est pour cela qu’il est venu au stage avec nous. 

Propos reccueillis à Lisses

Camille Delourme

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