Rapatriement de la dépouille d’Étienne Tshisekedi : une trêve décrétée dans l’espace politiqueLundi 23 Avril 2018 - 17:45 Le gouvernement s’est engagé, au terme d’un accord conclu le 21 avril avec les familles biologique et politique de l'ancien Premier ministre, à prendre en charge tous les frais relatifs à ses obsèques. Après moult tergiversations, le gouvernement vient enfin de lâcher du lest en autorisant le rapatriement de la dépouille de feu Étienne Tshisekedi. Cette fois-ci est peut-être la bonne car l’exécutif national s’est finalement décidé à jouer franc jeu après avoir bloqué inutilement un processus qui aura pris plus de temps que prévu. Quinze mois se sont, en effet, écoulés depuis le décès le 1er février 2017 à Bruxelles du « sphinx » de Limete sur fond de polémique, notamment sur le lieu d’inhumation assorti de conditionnalités posées tant par sa famille que par l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Aujourd’hui, toutes les parties concernées semblent avoir retrouvé la voie de la raison et la tendance est de faire table rase de ce passé tumultueux en repartant sur de nouvelles bases. Le 21 avril à Kinshasa, les parties prenantes impliquées dans l'organisation des obsèques d’Étienne Tshisekedi, à savoir le gouvernement, la famille biologique et l’UDPS, s’étaient retrouvées via leurs représentants respectifs pour procéder aux derniers réglages. Il découle de leurs discussions un modus vivendi sur lequel les uns et les autres ont fait le serment de s’y conformer. Cet accord de principe s’articule sur les point essentiels suivants: l'engagement du gouvernement de prendre en charge tous les frais relatifs aux obsèques; des hommages officiels et populaires à rendre au défunt en tant qu’ancien Premier ministre; l'exposition pendant quarante-huit heures de la dépouille au Palais du peuple; l'inhumation dans une concession familiale située dans la commune de la N’sele. Tout compte fait, un avion spécial sera dépêché à Bruxelles pour ramener la dépouille du regretté leader de l'UDPS à Kinshasa. Cependant, aucune date n’a été communiquée quant au rapatriement du corps d’Étienne Tshisekedi. Une tâche confiée à la commission spéciale chargée de l’organisation des funérailles placée sous l’autorité du vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur et sécurité. Une structure qui compte en son sein neuf membres en raison de trois délégués par composante (gouvernement - famille - UDPS). Au-delà, les parties impliquées dans ces obsèques se sont engagées à appliquer de bonne foi l’accord et, surtout, d’observer une trêve politique jusqu’à l'enterrement du vieil opposant. Du côté officiel, l'on se réjouit de ce dénouement, ou mieux de la levée de toutes les entraves qui, jusque-là, annihilaient tout effort de rapatriement de la dépouille d’Étienne Tshisekedi. «Nous allons finalement nous exécuter pour que tout se passe dans la paix, dans l’honneur que nous devons rendre à l’illustre disparu », a déclaré le vice-Premier ministre chargé de l’Intérieur et sécurité, Henri Mova Sakany. Des appréhensions perceptibles dans l'opposition Dans les rangs des opposants, des appréhensions sont perceptibles surtout par rapport au revirement à 90° du gouvernement qui, subitement, fait montre d’un activisme débordant après avoir gelé, des mois durant, un processus de rapatriement qui n’attendait que son quitus. En outre, le fait que cet accord tripartite gouvernement-famille-UDPS intervienne au moment où le pays s’apprête à aborder le dernier virage vers les élections de décembre laisse penser qu’il y a anguille sous roche, se convainc-t-on à l'opposition. Certains leaders ont poussé l’outrecuidance jusqu’à qualifier le geste du gouvernement de « cadeau empoisonné » tout en soupçonnant le pouvoir de vouloir tendre un piège au tout nouveau président de l’UDPS, Félix Tshisekedi. « Le moment choisi par le pouvoir pour décanter enfin le dossier du rapatriement de la dépouille d’Étienne Tshisekedi n’est pas un fait isolé. Il tient d’un calcul politique bien ficelé en haut lieu de la majorité présidentielle », a pour sa part réagi le sénateur Modeste Mutinga, cité par "Le Potentiel". Dans ce qu’il considère comme un marché des dupes, l’opposant note que l’UDPS part perdant avec, à l’opposé, des dividendes politiques évidents qu’entend tirer la majorité au pouvoir de ces obsèques. Une chose est sûre, c’est que la ferveur populaire qui devrait initialement caractériser le rapatriement d’Étienne Tshisekedi a pris un sérieux coup à cause des tergiversations récurrentes des acteurs politiques qui ont inutilement tiré les choses en longueur. À la veille des élections de décembre, le pouvoir voudrait se donner une bonne conscience en posant un geste fort susceptible de le rapprocher du parti-phare de l’opposition dont le leader, Félix Tshisekedi, serait dorénavant courtisé pour accéder à la Primature et, le cas échéant, repousser l’échéance électorale à la faveur d’une transition aux contours encore flous avec, bien entendu, l’actuel chef de l’État. Alain Diasso Notification:Non |