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Lundi 26 Mars 2018 - 19:29
A quelques trois mois de la convocation de l’électorat par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), les esprits se surchauffent et les ambitions ne cessent d’être affichées dans les quartiers généraux des partis politiques. En l’absence des grands leaders et dans l’option d’un éventuel retrait du président Joseph Kabila, la question du « dauphinat » domine les débats.
Qui sera khalife à la place du grand khalife ? s’interroge-t-on. Dans ce contexte, du côté de la majorité présidentielle (MP), le silence du chef de l’Etat ne fait qu’alimenter le débat et positionner chacun comme un probable dauphin. Ce silence laisse également à penser que le président de la République n’a pas encore trouvé l’oiseau rare qui doit porter l’étendard de sa famille politique à la prochaine présidentielle, conformément à son discours d’alors où il était en quête de collaborateurs pouvant l’aider à mener le Congo à bon port.
Pour l’heure, les paris sont ouverts et ce ne sont pas les prétendants qui manquent. En tout cas, la population en a tiré quelques-uns de la mêlée à l’issue d’une enquête par sondage réalisée à Kinshasa du 19 au 20 mars. Ce sondage, mené par "Les Points" auprès des personnalités de niveau d’études supérieur qui s’intéressent à la politique, est circonscrit dans la ville de Kinshasa avec un échantillon général de mille personnes et pour comme mode de récolte des données, le face-à-face.
Le grand enseignement à retenir de ce sondage est que parmi les prétendus dauphins de Joseph Kabila, la province de Maniema et le Grand Katanga arrivent en première position, avec huit personnalités qui constituent le bloc est auquel il faudrait ajouter le sud Kivu avec un leader ; le centre de la RDC avec cinq leaders tandis que l’ouest est représenté par un seul leader.
- Raymond Tshibanda: l’ancien chef de la diplomatie congolaise continue à s’occuper des missions diplomatiques. Fin négociateur, il détient un carnet d’adresses bien garni qui lui permet d’être toujours occupé. Il dispose également d’un bilan largement positif suite à son passage à la tête du ministère des Affaires étrangères. Du cinquantenaire à la francophonie, il a réussi à redorer l’image ternie de la République démocratique du Congo au niveau international. Le mieux que l’on puisse dire est que tout lui a réussi durant son méga mandat à la tête de la diplomatie congolaise. Très discret, il est réputé non conflictuel dans sa famille politique et considéré comme le seul à tenir un discours de soutien sans ambages ni faux fouillant à Joseph Kabila dans sa province natale, le Kasaï Oriental (centre du pays), fief de l’UDPS. Ses origines du centre du pays constitueraient pourtant un handicap pour lui. Il arrive en première position avec 12,3%.
- Me Nkulu Kilombo: la fidélité, la loyauté, la patience et la discrétion sont parmi ses atouts. Il est l’homme le plus puissant du régime Joseph Kabila. Cerveau-moteur des négociations Cenco dans la délégation de MP, il a joué un rôle très important dans ces assises pour l’intérêt de sa famille politique. Fin négociateur, il est le seul originaire de la province du Haut Lomami à avoir une grande influence au sein de la MP. Selon certains Kinois, il passe inaperçu dans l’opinion et paraît en déphasage avec les réalités de la jeunesse congolaise, laquelle se montre de plus en plus exigeante avec ses dirigeants. Classé deuxième, il obtient 9,6%.
- Kikaya Bin Karubi: troisième avec 8,1%, le conseiller diplomatique du chef de l’Etat est considéré comme l’homme des missions difficiles. Ses réseaux à l’étranger, notamment aux Etats-Unis et dans certains pays européens, l’ont rendu célèbre. Très fidèle et loyal au chef de l’Etat, il ne se cache pas de lui déclarer son soutien pendant cette période de perturbation politique où certains collaborateurs tiennent des discours opaques dans des ambassades sur son avenir politique. Sa principale faiblesse est d’avoir échoué à éviter des sanctions économiques aux officiels congolais. Il est originaire du Maniema à l’est du pays.
- Floribert Luhonge Kabinda Ngoy: ancien procureur général de la République, l’actuel premier vice-président de l’Assemblé nationale et proche de la famille biologique du chef de l’Etat est un héros dans l’ombre qui tire les ficelles de loin, à en croire certaines sources… Très intello, les enquêtés le jugent aussi distant des milieux kinois. Originaire de la Tanganyika (est de la République), même province que le chef de l’Etat, il obtient 7,8%.
- Ramazani Shadari: s’il y a un cadre de la MP qui mérite d’être appelé « Kabiliste », c’est bien lui. A la base de plusieurs initiatives parlementaires et politiques qui ont permis au régime de Joseph Kabila de résister à la pression d’une frange de la population et de l’opposition, il assume avec fierté ses positions, les défend et ne ménage pas les opposants. Bourré d’expérience politique, il a su maitriser la rue lorsqu’il occupait les fonctions de vice-Premier ministre en charge de l’Intérieur. L'un des acteurs principaux de la nouvelle loi électorale, il ne cache pas son souci de voir Joseph Kabila briguer un troisième mandat. Ce qui n’est pas bien perçu par une certaine opinion qui trouve en lui un extrémiste, surtout pour avoir initié l’opération « Coup sur coup » au sein du PPRD dont il est secrétaire permanent. Originaire du Maniema (est de la République), il se positionne à la cinquième place avec 7%.
- Aubin Minaku: le président de l’Assemblée nationale s’est taillé, au cours des dernières années, la réputation d’un homme politique loyal et aguerri. Son bilan à la tête de la chambre basse du parlement est jugé largement positif car, bon nombre des sympathisants de la MP estiment qu’il a défendu valablement les intérêts de sa famille politique. Sa gestion de cette plate-forme dont il est secrétaire général est aussi jugée positive même si, il lui a été souvent reproché d’imposer son point de vue. Originaire du Kwilu, à l’ouest de la République, il est très distant, malgré sa position à l’Assemblée nationale, de la population et aphone vis-à-vis de sa base électorale. Il souffre également de manque d’une véritable base politique. Il obtient 5% et se classe sixième.
- Augustin Matata: originaire du Maniema ( est de la République), le Premier ministre honoraire est réputé loyal et fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat. Son bilan à la tête du gouvernement qu’il a dirigé durant quatre ans et demi est - comparé à ses prédécesseurs et successeurs - largement au-dessus de la moyenne. Les réformes économiques qu’il a initiées lui ont attiré une animosité extrême dans l’entourage du président de la République. Mais, ce dernier semble avoir gardé de bons souvenirs de lui. Le nom de Matata Ponyo évoque au sein de l’opinion la rigueur et la discipline même s’il lui a souvent été reproché d’ignorer les réalités quotidiennes du commun des Congolais. Son image de technocrate est brandie par ses détracteurs comme une faiblesse dans un entourage très politique du chef de l’Etat. Avec 4,6%, il est classé septième dans le top 15.
- Joseph Kokonyangi: ressortissant de la province du Maniema, est du pays, le secrétaire général adjoint de la MP assume publiquement ses choix. Il ne cache pas son combat pour le maintien de Joseph Kabila à la tête du pays et réplique coup sur coup dans les médias à ceux qui défendent le point de vue opposé à la vision du chef de l’Etat. Ses prises de position pour le soutien et la loyauté au chef de l’Etat lui attirent plusieurs ennuis dans sa propre famille politique. Cadre de l’AFDC, il est réputé plus proche du PPRD. Il est classé sixième avec 4%.
- Henri Mova Sakanyi: son élévation à la vice-primature de l’Intérieur et sécurité fut commentée comme le triomphe de la loyauté et de la persévérance. Persévérant, Henri Mova l’est. Car son passage à vide à une certaine époque ne l’a jamais empêché de soutenir Joseph Kabila. C’est au nom de cette fidélité qu’il avait, du haut de ses 53 ans d’âge, accepté de ramper au sol lorsqu’il dirigeait le PPRD. Lui aussi soutient le maintien du chef de l’Etat à son poste et défend cette position de manière scientifique. Certaines langues lui reprocheraient d’être trop scientifique, créant de facto un écart avec la base. Il arrive en neuvième position avec 3,7%.
- Lambert Mende Omalanga: originaire de la province du Sankuru (centre de la République), l’indétrônable ministre de la Communication est, de tous les cadres de la MP, celui qui a pris plus de risques pour défendre Joseph Kabila. Usant de sa verve oratoire facile, le leader de la CCU ne rate pas une seule occasion de s’en prendre à ceux qui menacent la souveraineté de l’Etat congolais, la stabilité de ses institutions et ses dirigeants. Néanmoins, les relations conflictuelles entre son parti et le PPRD, dans sa base du Sankuru, ternissent son image de « fidèle » et font dire à une certaine opinion qu’il préparerait son propre chemin. Classé dixième, il fait 3,2%.
- Néhémie Mwilanya: onzième avec 3%, originaire de la province du Sud Kivu à l’est de la République, il est connu du grand public que de nom. Son implication dans la quasi-totalité des grands dossiers d’intérêt national et ses fonctions de directeur de cabinet du président de la République font de lui un homme de confiance. Ses principales faiblesses sont le manque d’une assise politique, l’écart avec la population et l’omniprésence dans certains dossiers qui ne relèvent pas de sa compétence. A la onzième place, il obtient 2,8%.
- Kalev : personnalité très discrète et fidèle au régime en place, il a fait ses preuves dans le renseignement où il a largement contribué à étouffer plusieurs complots contre la République. Très attentif, ses fonctions le font passer pour un bourreau du régime, une opinion soutenue dans l’opposition, alors que dans la majorité, il passe pour un homme qui résout les problèmes pacifiquement plutôt qu’avec la gâchette d’un gendarme. Originaire de l’est, dans la province du Lualaba, il fait 2,5% et s’arrête à la douzième place.
- Adolphe Lumanu: originaire de la province de la Lomami dans le centre de la République, il est classé treizième avec 2%. Réputé discret et fin négociateur, il a été présent à toutes les négociations politiques avec l’opposition, lesquelles ont permis le passage en douceur de la date fatidique du 31 décembre 2016.
- Evariste Boshab: ressortissant de la province du Kasaï (centre de la République), c’est l’extrémiste des extrémistes qui s’assume. Il incarne la ligne dure du PPRD et a été le premier cadre de la MP à théoriser dans un ouvrage scientifique, le statu quo à la tête de la RDC. Jugé trop conflictuel, son passage au ministère de l’Intérieur et sécurité lui a permis d’appliquer ses méthodes musclées, ce qui a poussé l’Union européenne à prendre des sanctions à son encontre. Classé quatorzième, il obtient 1,3%.
- She Okitundu: Il a fait preuve de loyauté en acceptant de rester à l’ombre de ceux qu’il a recommandés au chef de l’Etat. Jugé bon négociateur, son bilan à la tête de la vice-primature des Affaires étrangères aura confirmé ses talents de diplomate. Il voit sa cote chuter dans l’opinion suite à une vidéo compromettante lui attribuée à tort ou à raison. Originaire de la province de Sankuru, il clôture la liste des quinze éventuels dauphins de Joseph Kabila avec 1,% d’opinions favorables.
Légendes et crédits photo : Graphique - les quinze virtuels dauphins
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