Interview Gabriel Mokia : « Il faut que tous les Congolais trouvent leur compte dans la gestion du pays »

Lundi 11 Novembre 2013 - 16:17

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Dans un entretien avec Les Dépêches de Brazzaville, le président du Mouvement des démocrates congolais (M.D.Co) n’a pas eu sa langue en poche. Il plaide pour la libération de tous les détenus politiques et d’opinion qui croupissent encore en prison et se déclare partant pour les prochains scrutins qu’il souhaite libres, démocratiques et transparents.  

 

-Les Dépêches de Brazzaville : Qu’est-ce qui, d’après vous, peut justifier le changement de la donne militaire au front avec la débâcle du M23 alors qu’il y a peu, cette perspective était à peine envisageable ?    

-Gabriel Mokia : Soit, c’est de la mascarade, soit il y a eu des instructions venues de quelque part pour arrêter les hostilités. Et pourtant, il y a dix neuf mois, nous n’avons pas pu venir à bout des agresseurs. Je ne m’explique pas qu’en trois jours seulement d’offensive lancée par les FARDC, le M23 puisse abdiquer ! Qu’à cela ne tienne. Je dis bravo à nos hommes de troupe quoique ce revirement inattendu me laisse quelque peu perplexe.

-L.D.B : Pensez-vous qu’il soit encore nécessaire de rentrer à Kampala afin de signer l’Accord final devant sanctionner la fin de la guerre?  

-G.M : Nous ne pouvons pas retourner à Kampala après avoir vaincu les rebelles. Il n’est pas normal de continuer à négocier avec quelqu’un qu’on a vaincu. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est de consolider la victoire acquise en surveillant la frontière afin d’étouffer toute nouvelle menace de balkanisation. Il faudra aussi que les FARDC se retournent maintenant vers les autres groupes armés, nationaux et étrangers, et éventuellement les poursuivre jusque dans leurs derniers retranchements. Plutôt que d’aller à Kampala, le gouvernement ferait œuvre utile en écrivant au Conseil de sécurité de l’Onu qui prendra acte de la liquidation du M23. Il appartiendra alors à l’Onu de mettre en garde le Rwanda et l’Ouganda contre toute nouvelle incursion armée en RDC via des pseudos rebellions sous peine des sanctions.     

-L.D.B : Quelle est d’après vous la solution idoine pour mettre fin à l’instabilité chronique qui gangrène l’Est du pays ?

-G.M : Je pense que premièrement, les gestionnaires de l’appareil de l’État doivent apprendre à dire la vérité à l’ensemble de la population et à la classe politique congolaise. Secundo, nous ne devons plus permettre que des personnes indexées à nationalité douteuse puissent avoir des postes de responsabilité dans notre armée et dans nos institutions. Il faudra recenser toutes ces personnes et leur appliquer la procédure légale d’obtention de la nationalité congolaise en canalisant leur requête auprès du ministère de la Justice qui en a la compétence. Il nous faut assainir l’espace politico-militaire du pays en se débarrassant de tous les traîtres qui tentent de déstabiliser notre pays, de connivence avec le voisin rwandais. Il faut laisser le Congo aux Congolais qui, nonobstant les vicissitudes qui émaillent leurs relations avec les Rwandais au plan diplomatique, n’ont jamais nourri des desseins hégémoniques vis-à-vis du Rwanda.

-L.D.B : Vous ne craignez pas de verser dans la xénophobie ?

-G.M : Quand on massacre des millions des Congolais, c’est normal. Mais quand je dis que chacun puisse s’occuper des affaires de son pays, vous parlez de xénophobie ! Et ce que font les Rwandais en RDC, pensez-vous que les Congolais pourront le faire dans leur pays ?

-L.D.B : Quelle lecture faites-vous de la dernière ordonnance du chef de l’État portant mesure de grâce vis-à-vis de certains prisonniers ?

-G.M : Le président de la République a retiré de la main gauche ce qu’il avait donné par la main droite. Pourquoi commuer les peines de prison alors qu’au nom de la cohésion nationale et de la réconciliation, notre souhait était que les prisonniers politiques et d’opinion soient effectivement libérés, sans autre forme de procès ? Le caractère sélectif qui sous-tend ladite ordonnance lui enlève toute la portée salutaire et conciliante censée la caractériser. J’exhorte le chef de l’État à libérer, comme promis, tous les détenus politiques qui croupissent encore en prison.   

-L.D.B : Comment percevez-vous la mise en place imminente d’un gouvernement de cohésion nationale ?

-G.M : Je crains que cela ne constitue une astuce de la Majorité pour piéger l’opposition en prolongeant de facto le mandat du président de la République qui, en ce moment là, aura des solides arguments pour réclamer un troisième mandat après la gestion consensuelle que va lui concéder ce fameux gouvernement.  

-L.D.B : Que vaut aujourd’hui l’opposition politique en RDC ?

-G.M : Je ne partage pas l’avis de ceux qui disent que l’opposition est divisée. Bien entendu, il y a parmi nous des pseudo-opposants dont les appétits gloutons ont largement desservi notre plateforme en termes de crédibilité. Pour des besoins de survie, ils sont prêts à nouer des alliances contre-nature. Quant à moi, vous pouvez vous rassurer que je ne suis pas corruptible et que je resterai jusqu’au bout constant dans mes convictions.       

-L.D.B : Votre mot de la fin…

-G.M : Je plaide pour des élections libres, démocratiques et transparentes en RDC à l’horizon 2016, sans tricherie. Il faut que tous les Congolais trouvent leur compte dans la gestion du pays.    

Propos recueillis par Alain Diasso

Alain Diasso

Légendes et crédits photo : 

Gabriel Mokia, président du MDCO