Affaires foncières : la préservation des emprises des routes sur la Nationale 2 fait grincer les dents

Mercredi 9 Octobre 2013 - 13:30

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Depuis le lancement de l’opération « Protection et préservation des emprises et des réserves foncières de l'État attenantes à la route nationale n°2 » sur le tronçon Brazzaville-Ollombo, les actions de sensibilisation vont bon train à Ignié, dans le Pool. Malgré leur bonne humeur, les populations n’entendent pas céder les espaces ciblés par l’opération si aucune indemnisation n’est versée

À 45 Kilomètres de Brazzaville, dans le département du Pool, Ignié, une bourgade en mutation, affiche une atmosphère plutôt tranquille. Au centre de la ville, le climat est le même, à part le bourdonnement et les va-et-vient d’un engin de travaux publics qui s’attaque à un tas de sable en face du grand marché. C’est justement de ce côté-là, en longeant de bas en haut la nationale n°2, qu’on aperçoit sur les murs des maisons proches de la route l’inscription « AD », suivie d’une croix.

« AD veut dire à démolir », nous explique Ahmed Dzanga, sous-préfet d’Ingié. Il s’agit des maisons qui ont déjà été recensées par l’enquête parcellaire menée par le cadastre, la sous-préfecture et la société chinoise qui réalisera ultérieurement les travaux d’élargissement de la route nationale n°2, nous explique-t-on.

Entre sensibilisation et enquête parcellaire, les populations espèrent une indemnisation

À Ignié, certains murs de maisons proches de la route sont encore vierges. Des travaux de construction sont même en cours d’achèvement. Ahmed Dzanga souligne que l’opération se poursuit, mais les difficultés parfois liées à l’absence des propriétaires lors du passage des équipes peuvent ralentir l’enquête parcellaire.

Du PK 0 au PK 7, les enquêtes parcellaires sont en cours. Depuis la semaine dernière, les équipes sont reparties pour poursuivre le travail sur la zone s’étendant du PK 7 au PK 12. L’enquête vise à déterminer les parcelles situées sur le tracé prévu de la route, à identifier les propriétaires et à prendre contact avec chacun d’eux. « Dès qu’on aura fini cette étape, l’entreprise chinoise pourra commencer son travail de décapage de la route, c'est-à-dire le nettoyage de la piste. La prochaine étape sera la construction de la route. D’après l’entreprise, les travaux devraient commencer en janvier 2014 », explique un proche collaborateur du sous-préfet.

Pour informer les populations, des communiqués ont été diffusés à la radio. Les habitants participent à l’opération, mais parlent déjà d’indemnisation. « J’ai vu des gens venir chez nous. On nous a expliqué que notre maison serait démolie. Vous voyez ce qu’ils sont écrit ! Mais nous attendons la suite », explique une habitante.

Un espoir et une certitude que caressent d’ailleurs tous ceux dont les maisons jouxtent la route. Mais l’information selon laquelle une catégorie seulement de propriétaires pourrait être indemnisée alimente les commérages. Sur la place du PK rouge, les habitants questionnés sont perplexes. Ils accusent l’État et se demandent comment déterminer l’espace public lorsque des maisons ont été érigées depuis des années sur des terrains acquis auprès de propriétaires fonciers. « La mesure gouvernementale est arrivée après que les gens aient déjà construit. Est-ce qu’on va laisser les gens comme ça ? », se demande un habitant.

À la sous-préfecture, on parle d’un arrêté ministériel qui serait explicite sur la catégorie des occupants à indemniser. Et, précise le sous-préfet, il faudra attendre que la direction départementale du Logement, basée à Kinkala, détermine les prix des maisons qui sont sur l’emprise de la route et à démolir. « Ceux qui ont occupé le domaine public ne seront pas indemnisés », complète un collaborateur du sous-préfet.

Une phrase que ne souhaite pas entendre la plupart des habitants. « Domaine public ou pas, les gens doivent être indemnisé », disent-ils. « L’État a trop attendu », lancent-ils par ailleurs. Certains rappellent que, vers le stade d’Ingié, les propriétaires des terrains et maisons ciblés par l’opération ont été indemnisés il y a bien longtemps. « Pourquoi pas ici ? », s’interrogent-ils. Un fait qu’admet la sous-préfecture, qui pense que pour des besoins sécuritaires, l’opération devrait être menée en prenant en compte tous les aspects.

Cette année, l’État va protéger les emprises des routes

Le 5 septembre, le ministre des Affaires foncières lançait l’opération « Protection et préservation des emprises et des réserves foncières de l’État attenantes à la route nationale n°2 » sur le tronçon Brazzaville-Ollombo. Mission a été donnée aux préfets des départements du Pool et des Plateaux d’exécuter les décrets relatifs à l’opération. Il s’agit de garantir pour l’État l’accessibilité et l’utilisation durable des terres qui jouxtent les autoroutes, les routes nationales et départementales.

Sachant qu’une telle opération peut mener les populations à la falsification et à la grogne, le ministre Pierre Mabiala avait expliqué que tout avait été « vérifié », et que certains habitants n’occupaient pas les terrains avant 2004, date la mise en œuvre de la réforme foncière. « Nous savons que des documents ont été falsifiés et antidatés. Mais dans les archives de nos services de cadastre, les choses sont clairement établies et nous savons si un document a été antidaté ou pas », soulignait-il, rappelant que la sensibilisation sur l’opération a démarré en 2010.

« L’emprise d’une route se définit comme l’espace foncier qui jouxte la chaussée et qui est destiné à accueillir des installations susceptibles d'améliorer la fluidité du trafic tout en formant un périmètre de sécurité pour les usagers », avait expliqué le ministre lors du lancement de l’opération. Pour rappel, une distance de dix mètres de chaque côté doit être libérée lorsque la route traverse des agglomérations de plus de trente mille habitants. D’autre part, explique le sous-préfet, ces espaces concernent cent à deux cents mètres dans les zones éloignées des villes.

Le ministère des Affaires foncières expliquait par ailleurs que les espaces de terre incorporés dans le domaine de l’État constituent des réserves foncières qui s’étendent sur une profondeur de deux cents mètres, de part et d’autre de la route et parallèlement à celle-ci, au-delà des emprises. Il faut donc retenir qu’à distance réglementaire et viabilisée par le passage des routes, les terres rurales non utilisées ou non exploitées sont la propriété de l’État.

« Le gouvernement m’a donné la mission de protéger et de préserver les emprises cette année. Après ce tronçon, nous allons continuer jusqu'à Ouesso. Nous l’avons déjà fait à Pointe-Noire et Dolisie », avait souligné le ministre des Affaires foncières.

Quentin Loubou