Claude Le Roy : « Depuis la fin du match de Kigali, nous avons agi comme si nous étions qualifiés »Lundi 18 Août 2014 - 18:26 Quelques heures après l’annonce du repêchage des Diables rouges par la CAF, Claude Le Roy, le sélectionneur national, a livré ses réactions aux Dépêches de Brazzaville. Il évoque aussi le soutien actif et total des instances, tout en réglant quelques comptes avec les clubs français qui ont bloqué leurs joueurs pour la confrontation face au Rwanda. Enfin, il envoie un message clair à Christopher Samba : si le joueur joue la carte du collectif et se met à la disposition du staff, la porte reste ouverte. Les Dépêches de Brazzaville : Monsieur Le Roy, la CAF a annoncé ce dimanche le repêchage du Congo et la disqualification du Rwanda suite à la réserve posée par la Fécofoot dans le dossier Birori-Etekiama. Votre sentiment ? Claude Le Roy : On rentre dans nos droits. Comme je l’avais annoncé à Kigali, lors de la conférence de presse d’après-match, nous nous étions fait éliminé aux tirs au but avec six joueurs majeurs absents (Douniama, Oniangué, Litsingi,…) en raison du peu d’élégance des clubs français à nous libérer certains joueurs. Nous étions embêtés de ne pouvoir aligner notre meilleure équipe et sommes conscients d’avoir fait un match moyen à Kigali, mais je pense sincèrement que nous étions meilleurs sur l’ensemble des deux matchs. C’est une bonne chose pour le football congolais, pour cette équipe qui va pouvoir disputer au moins six matchs de qualité. LDB : Ce repêchage n’occulte pas le match moyen que vous venez d’évoquer. Comment gérer l’euphorie liée de cette qualification sur tapis vert, alors que se profile déjà la première journée, face au Nigeria ? Claude Le Roy : Depuis la fin du match de Kigali, nous avons agi comme si nous étions qualifiés, car nous attendions le verdict avec sérénité. Nous n’avons pas perdu de temps, en envoyant les convocations dès le lendemain, avec une liste de 36 joueurs présélectionnés. Donc nous ne sommes pas pris de court, les joueurs seront à ma disposition le lundi 1er septembre et cette fois, nous serons dans le cadre d’une journée Fifa, donc nous n’aurons pas à nous couper en quatre pour obtenir la libération des joueurs par certains clubs français…Il n’y aura pas de négociation possible, ce qui déclenche chez moi un léger sourire. LDB : Au risque de vous enlever le sourire, vous avez à faire face, en ce début de saison, à l’absence de temps de jeu de plusieurs joueurs importants comme Doré, Malonga, Ondama, Douniama… C.L.R : C’est le casse-tête de tous les sélectionneurs du monde, effectivement. Quant à Douniama, justement, il n’avait pas été aligné par Jocelyn Gourvennec lors des matchs amicaux de présaison, sans pour autant être libéré pour la sélection. N’aurait-il pas été mieux qu’il joue les deux matchs contre le Rwanda plutôt que d’aller en tribunes ? LDB : Surtout que Brazzaville et Kigali sont bien moins éloignés de Guingamp que Pékin, où l’EAG s’est rendu le 2 août pour le Trophée des champions et pour lequel Douniama est resté en tribunes… C.L.R : Oui, il n’était même pas dans la liste pour ce match, donc c’était vraiment pour faire du tourisme. Laisser Douniama jouer en sélection aurait été bénéfique pour tout le monde : sélection, joueur et club. Malgré l’affection que j’ai pour Gourvennec, tout cela m’a mis en colère… comme le comportement de Reims et de Jean-Luc Vasseur, qui n’avaient pas, eux, l’excuse du Trophée des champions pour bloquer Prince Oniangué. Leur souci était la préparation du joueur, comme si en trente ans de carrière, je n’avais pas appris à préparer des joueurs… Je pense que des gens ont manqué d’humilité et qu’une fois de plus le nord a raté une occasion de montrer qu’il peut donner un coup de main au sud. LDB : À Kigali, un joueur convoité depuis plusieurs années a fait ses premiers pas, un peu occultés par la défaite : Thievy Bifouma. Son arrivée en sélection est un message important envoyé aux binationaux qui hésitent encore ? C.L.R : C’est un joueur qui peut apporter ses qualités aux Diables rouges. Il a besoin, dans un premier temps, de retrouver du temps de jeu, de s’inscrire dans un contexte collectif, mais oui, c’est une victoire. LDB : Dans ce dossier « Birori-Etekiama », on a senti une osmose importante entre le ministère, la Fécofoot et le staff technique. Une sorte d’union sacrée… C.L.R : Depuis le début, toutes les parties ont collaboré pour que ce dossier aboutisse. Sur la foi de renseignements sur le joueur en question, nous avons prévenu, avec loyauté, la fédération rwandaise avant le match aller de nos doutes. Ils ont fait le choix d’aligner le joueur quand même, donc nous avons lancé la machine, avec confiance, puisque nous étions dans notre droit. LDB : Aussi paradoxal que cela puisse être, puisque l’on évoque une décision administrative et non d’une victoire sur le terrain, mais peut-on parler d’acte fondateur pour ce groupe et son environnement ? C.L.R : Non, pas vraiment, car tout le monde est fédéré autour de cette équipe depuis le début de la campagne. Joueurs et staff tirent dans le même sens, avec le soutien actif du ministre des sports, Léon-Alfred Opimbat. Je l’avais d’ailleurs remercié, après le match de Kigali, d’avoir mis tous les moyens possibles à notre disposition : l’échec sportif était de ma seule et unique responsabilité, car tout avait été fait pour nous mettre dans les meilleures conditions. Et je sais que cela va continuer pour la phase de poule. LDB : Dans ce groupe relevé, à quoi peuvent prétendre ces Diables rouges, repêchés sur tapis vert, et absents de la CAN depuis 2000 ? C.L.R : Clairement, nous arrivons sur la pointe des pieds, loin derrière tout le monde et avec humilité. Le décor est planté avec un super favori, le Nigeria, un deuxième gros favori, l’Afrique du Sud, un pays qui a montré beaucoup de qualité ces dernières années, tant en clubs qu’en sélection, le Soudan, et un petit dernier, nous. Cela ne nous empêchera pas d’être combatifs et de jouer notre chance à fond. Nous partons de nulle part, mais nous pouvons essayer d’arriver quelque part. LDB : Ce format marathon de six matchs en trois mois est-il un handicap ou un avantage ? C.L.R : Je pense que c’est pareil pour tout le monde. Par contre, je pense qu’on ne jouera pas au Nigeria, pour des raisons sanitaires évidentes. Reste à savoir où ? LDB : Même pour une équipe comme le Nigeria, dont plusieurs éléments peuvent être concernés par l’accumulation des matchs, avec les phases de poules de la Ligue des champions et de la Ligue Europa au début de l’automne? C.L.R : Avant l’automne, il y aura d’autres matchs à jouer et on verra où nous en sommes à ce moment-là. Avec le staff technique, nous avons visionné de nombreux matchs de nos adversaires, j’étais moi-même au Brésil où j’ai pu suivre de près le Nigeria. On connait leur potentiel offensif, avec Musa, Emeinike et Odemwingie, on connait Obi Mikel et Eneyama…On verra en temps voulu leur état de forme, et le nôtre, pour les matchs de novembre… J’ai très souvent joué le Nigeria dans ma carrière. LDB : Au niveau de votre groupe, continuez-vous à surveiller des joueurs que vous n’avez pas encore appelés ? Etes-vous susceptible d’élargir le groupe pour les prochaines échéances ? C.L.R : Oui. J’essaie de convaincre Christopher Maboulou et Brice Samba de nous rejoindre et on va suivre la situation de Bernard Itoua en Grèce, au FC Platanias. Je suis allé voir Mafoumbi, qui jouait avec Le Pontet contre Hyères, pour voir son évolution. Vendredi, j’ai vu Bouka Moutou, samedi après-midi, j’ai suivi Maboulou au Parc contre le PSG. LDB : Depuis plusieurs années, un cas divise le football congolais : Christopher Samba, qui brille en club, mais vient à la carte en sélection… C.L.R : Qui vient à la carte ? Avec moi on ne vient pas à la carte… LDB : Donc pour vous le dossier est clos ? C.L.R : Pour ma part, je ne l’ai pas sélectionné. Mais s’il fait la démarche de m’appeler pour m’assurer de son implication totale en sélection nationale, je ne ferme bien entendu pas la porte. Mais pour moi, ne peuvent jouer en équipe nationale que les joueurs qui sont fous amoureux de ce maillot. Et quand on est amoureux de son équipe nationale, on vient pour les matchs « galères », les matchs de gala… Je n’ai jamais connu de joueurs qui venaient à la carte, dans aucune équipe. Je ne vais pas commencer à mon âge. Un joueur ne décide pas s’il vient ou pas, c’est le sélectionneur et le staff qui l’appellent ou non. Personne n’est au-dessus du groupe, que cela concerne les horaires ou les règles de vie et le groupe l’a vite compris. LDB : Si Christopher Samba, qui réalise un bon début de saison au Dinamo Moscou, se met à disposition de son sélectionneur et de sa sélection nationale, on peut imaginer qu’il soit présent pour les prochaines échéances ? C.L.R : S’il a vraiment envie de rejoindre la sélection nationale, il sait ce qu’il a à faire. Il ne faut pas inverser les rôles, ce n’est pas au sélectionneur d’implorer un joueur, quelle que soit sa qualité. Les cimetières sont pleins de gens indispensables.
Camille Delourme |