Urbanisme : le gouvernement va exproprier les habitants des zones insalubres de Brazzaville

Mardi 1 Avril 2014 - 19:00

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Inondations régulières durant les périodes de pluies, glissements de terrains, boues sur la surface des parcelles, eaux stagnantes dans les rues, poubelles à ciel ouvert et latrines en mauvais état entraînant des odeurs nauséabondes : tels sont les éléments caractéristiques des conditions dans lesquelles vivent certains habitants des quartiers de Brazzaville

Pour faire face à ces phénomènes qui influent négativement sur la vie des populations, le gouvernement a initié un projet de rénovation de ces zones insalubres. La mise en œuvre de ce projet s’effectuera à travers deux procédures : l’expropriation et la compensation. Il a été présenté, le 28 mars, par le ministre des Affaires foncières et du Domaine public, Pierre Mabiala, aux habitants des secteurs concernés, notamment ceux des quartiers Ouenzé-ya-Liboulou et Kanga-Mbanzi, dans le 6e arrondissement (Talangai), 31 et 34 dans le 3e (Poto-poto) et Mianzukouta, dans le 1er arrondissement (Makélékélé).

« Le chef de l’État a décidé de localiser à Brazzaville, tous les quartiers insalubres afin de les lotir et les réhabiliter en construisant des logements sociaux. C’est dans cette optique que nous sommes en train de faire une ronde explicative afin que les populations comprennent la nécessité de ce projet. Ainsi, une commission d’enquête parcellaire sera mise en place pour aboutir à l’expropriation des occupants. Cette commission aura pour mission principale d’évaluer les maisons, arbres implantés et l’ensemble des biens se trouvant au sein de la parcelle », a expliqué le ministre Pierre Mabiala.

La descente du ministre, en compagnie du maire de la ville, Hugues Ngouélondélé, marque le début d’une opération d’identification des différents quartiers insalubres de la ville capitale. Cette première phase a permis de recenser plusieurs sites, notamment ceux du quartier Dragage, dans le 6e arrondissement (Talangaï) ; les quartiers 31 et 34 dans le 3e arrondissement (Poto-poto) et le quartier Miandzukuta dans le 1er arrondissement (Makélékélé).  

Étayant l’esprit du projet, l’exposant a souligné que les familles ayant des parcelles sur les sites identifiés seront expropriées pour cause d'utilité publique et indemnisées. « Nous allons évaluer vos terrains et vous indemniser pour un relogement. Ensuite, l’Etat va raser toutes les maisons qui sont dans l’insalubrité afin de bien les aménager. Et, reconstruire les nouvelles maisons pour que Brazzaville soit rénovée. Le combat que nous menons est de lutter contre les quartiers et les maisons insalubres », a ajouté Pierre Mabiala, tout en indiquant qu’outre l’observance des conditions d’expropriation selon les termes de la loi, il y aura également la procédure de compensation des biens. « L’aménagement foncier préalable à l’occupation est l’idéal d'une ville sans habitat insalubre. Il représente par ailleurs, à travers la rénovation urbaine, un important moyen d’intervention de la puissance publique dans le périmètre urbain, consacré par la loi n°24-2008 du 22 septembre 2008 portant régime foncier en milieu urbain », a conclu Pierre Mabiala.

En effet, ce projet épouse la nouvelle politique du gouvernement relative à la construction d’environ 10.000 logements sociaux à Brazzaville et Pointe–Noire. Elle est destinée à rénover et changer l’image des deux villes et d’apporter tant soit peu des solutions aux problèmes de logement qui se posent actuellement. Le projet sera réalisé par la société marocaine Addoha Douja.

Par ailleurs, à ce travail de recensement des zones insalubres, s’ajoutera aussi celui de délimitation des espaces terriens qui s’effectuera en collaboration avec les maires d’arrondissements, responsables de quartiers ainsi que les chefs de familles. « Une fois les familles dédommagées, elles peuvent revenir pour occuper les nouvelles habitations si elles obéissent aux conditions édictées par l’État. Par exemple, on peut estimer la valeur d’une parcelle et on ne l’exproprie pas, on construit la maison et l’État procède par la contre-valeur afin que la famille accède à la nouvelle habitation. Personne ne peut enfreindre à ce projet, parce que c’est un projet d’utilité publique », a expliqué Hugues Ngouélondélé, maire de Brazzaville.

Une initiative controversée par certains habitants des quartiers concernés

Malgré l’importance et l’envergure du projet qui, selon les exposants, est d’intérêt public, son annonce a semblé tomber sur un terrain aride et sans fertilité. D’autant plus que les occupants des ces zones ainsi que les chefs de familles ont unanimement désapprouvé le projet. Car, pour eux, l’argent proposé pour l’expropriation est source de problèmes et n’aidera pas les familles à se reloger ailleurs et surtout, dans les quartiers déjà lotis où les conditions de vie sont appréciables, l’achat d’une parcelle coûte cher. Pour manifester leur refus, ces habitants ont évoqué plusieurs raisons qui, selon eux, peuvent susciter des problèmes et conflits au sein des familles. Par exemple, la recrudescence des conflits liés à l’argent, la désunion des foyers et familles habitués à vivre sous un même toit, la situation géographique actuelle de leurs parcelles qui, pour certains, sont proches du centre-ville et bénéficieraient déjà des avantages de cet emplacement géographique. « Nous sommes sceptiques quant à la réalisation de ce projet. Un pareil sujet qui concerne l’expropriation ou la compensation des communautés, nécessite une meilleure communication ou un dialogue au préalable et ne devrait pas être annoncé au terme d’une brève séance d’explication », a déclaré un chef de famille au quartier Ouenzé Liboulou, François Iloki, âgé de 80 ans.

« Nous sommes des Africains et la majorité sont issus d’une famille nombreuse. La vente d’un bien commun suscite des réactions et des conflits et surtout, si le montant proposé ne satisfait pas tous les membres de la famille. Nos parents ont souffert pour acquérir ces terrains et leurs titres fonciers. C’est risquer sa vie que d'accepter une telle proposition. Je dis non et l’État ne doit pas nous imposer », a déclaré une responsable de famille au quartier 31 situé à Poto-poto, Madeleine Geneviève Akendzé.    

Rock Gassakys et Fortuné Ibara

Fortuné Ibara