Thierry Lézin-Moungalla : « La constitution n’est pas une bible »

Mardi 13 Mai 2014 - 14:15

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En sa qualité du président du comité de suivi de la municipalisation accélérée de la Lekoumou, le ministre Thierry Lézin-Moungalla a échangé avec la presse, après le lancement, par le chef de l’État, des travaux de cette vaste opération de modernisation du Congo. Il a mis également à profit cet entretien pour donner son point de vue sur le débat du changement de la constitution

Les Dépêches de Brazzaville : Quels sont vos sentiments après le lancement des travaux de  la municipalisation de la Lékoumou par le chef de l’État ?
Thierry Lézin-Moungalla : C’est une satisfaction immense que les choses se soient bien passées. Ce n’est jamais facile de recevoir le premier magistrat dans son département d’origine, donc il y avait une appréhension  de l’ensemble des cadres de la contrée sur la réussite de cet accueil. Les populations étaient mobilisées. Elles ont accueilli le président de la République avec toute la chaleur nécessaire, selon les rites et les traditions de la Lékoumou. Nous avons noté l’harmonie entre la partie officielle consacrée à la présentation des projets de la municipalisation par le ministre Jean-Jacques Bouya et la partie d’accueil traditionnel marquée par les rites de bienvenue organisées par les notables et dignitaires de la Lékoumou.

Pouvez-vous nous assurer que les projets liés à la fête de l’indépendance seront prêts dans les délais ?
Je crois qu’après plus d’une dizaine d’années d’expertise, les Grands Travaux nous ont montré leur capacité à faire que les ouvrages nécessaires à la bonne tenue de la fête soient prêts dans les délais. À titre d’exemple, les travaux de la municipalisation de Djambala étaient également lancés le 5 mai 2013, et tous les ouvrages liés à la fête étaient terminés avant le 15 août. Je crois que plusieurs chantiers sont avancés à Sibiti, à savoir le stade, le boulevard sur lequel va dérouler le défilé, la centrale thermique…

Avez-vous pris  des dispositions particulières pour régler avant le 15 août le problème du logement qui se pose avec acuité à Sibiti ?
Ce volet est  préoccupant. Il me semble que les autorités locales, à travers le comité des fêtes locales, se sont  penchées  sur le sujet en concertation avec le comité de suivi de la municipalisation. Aujourd’hui, la capacité d’accueil tourne autour de 117 lits. Pour une ville comme Sibiti, c’est très insuffisant. Nous risquons de connaître les mésaventures constatées dans les autres départements qui ont accueilli la fête de l’indépendance avant nous. La priorité absolue pour nous est l’hébergement de tous ceux qui ne sont pas originaires du département et qui n’y résident pas. Tous ceux qui peuvent avoir un logement disponible ou un logement à réhabiliter peuvent se confier au comité national des fêtes dirigé par le ministre d’État Firmin Ayessa de manière à régler une partie de ce problème. Deuxièmement, pour ce  qui concerne les cadres politiques et administratifs originaires de la Lékoumou qui viendront pour la fête, ils ne devraient pas occuper les hôtels de la place.

Avez-vous un commentaire sur l’appel lancé par les sages et autres forces vives de la Lekoumou au président de la République pour qu’il change la constitution ?
Dans les pays de vieille démocratie, vous savez comme moi que les structures susceptibles de vérifier l’état de l’opinion sont les instituts de sondage. Chez nous, il n’en existe pas. Le meilleur sondage pour nous, c’est de demander à tous ceux qui habitent  sur l’ensemble du territoire leur opinion sur un sujet donné. En homme d’État  prudent, le président de la République ne veut pas brusquer son peuple. À travers les rencontres citoyennes, il tâte le pouls de l’opinion en vue d’obtenir sa réponse claire sur l’éventualité de la révision ou du changement de la constitution. Petit à petit, l’opinion se dégage favorablement dans le sens du changement de la loi fondamentale.

En tant qu’homme politique, quelle est votre opinion sur le débat concernant le changement de la constitution ?
Mon opinion se situe à deux niveaux. Je voudrais préciser, dans un premier temps, qu’il ne  faut pas qu’on cède à cette espèce de terrorisme intellectuel que certains voudraient mettre en place qui consisterait à interdire le débat sur le changement de la constitution. Le président de la République est favorable au débat. À l’issue de ces échanges, il y aura un texte que l’on soumettra à l’approbation du souverain primaire. Je voudrais, en deuxième lieu, relever que les sages ne sont pas moins légitimes que les personnes qui animent ce débat sur internet. Devant sa machine, tout seule, une personne forme un pseudocollectif des Congolais contre le changement de la constitution. En quoi une personne pareille est-elle plus légitime que les sages ou les notables d’un département ? J’aimerai que l’on m’explique la notion de légitimité dans ce cadre. J’ai toujours dit que la constitution n’est pas une bible. Mon pasteur, lorsqu’on lui demande la nature de son ministère, répond simplement que nous appliquons la Bible sans rien ajouter sans rien retirer. Il est le livre de la révélation qui doit être conservé intact. La constitution, par contre, a été conçue  par des hommes dans un contexte politique, social et économique précis. Ce qui a été fait par les hommes à cette époque, commandé par une circonstance politique majeure, peut être changé par les mêmes hommes.

Voulez-vous dire que la Constitution de 2002 n’est plus contextuelle ? 
En 2002, le pays sortait de conflits fratricides et sanglants. Il fallait donner à ceux qui géraient l’État le temps nécessaire et la stabilité pour la reconstruction du tissu économique, social et politique de la nation. C’était cela l’objet de la Constitution de 2002. Le rôle historique de cette loi fondamentale a pris fin. Nous sommes entrés dans une période différente qui est  celle de l’atteinte de l’émergence dans les dix prochaines années. L’émergence ne doit pas être conçue que dans le domaine économique. Elle est également politique. La constitution actuelle n’est pas adaptée à l’émergence de nouvelles pratiques politiques qui permettent d’accompagner l’émergence économique. Dans le texte fondamental actuel, à supposer que l’opposition arriverait à gagner tous les sièges à l’Assemblée nationale, par exemple, rien n’oblige le président de la République à former un gouvernement en tenant compte de la majorité parlementaire. Les conditions de l’alternance ne seraient pas totalement remplies à l’avenir avec une telle constitution qui aboutirait à un certain nombre de blocages. Si nous arrivons à élaborer une nouvelle constitution, l’opposition qui, aujourd’hui défend l’actuel texte fondamental comme les textes de la loi de Moïse, gagnerait dans la mesure où ce nouveau texte garantirait les valeurs positives africaines fondées sur le dialogue et le consensus. Ces vertus seraient désormais institutionnalisées.

Comment expliquez-vous qu’en tant que président du comité de suivi vous n’ayez pas été visible à Sibiti lors du lancement de la municipalisation ?
Je crois que j’étais tout à fait visible. J’ai participé à l’événement. Je me permets de vous rappeler mes doubles fonctions de ministre et de président du comité de suivi pour vous faire comprendre que j’étais à la tribune réservé aux membres du gouvernement. Je pense que, dans ce pays,  chacun doit apprendre à  rester dans son couloir. L’État, que nous assistons par le biais du comité de suivi, exécute la municipalisation à travers le ministère de l’Aménagement du territoire et des Grands Travaux. Le ministre Jean-Jacques  Bouya, à qui revenait cette charge, avait  présenté les projets inscrits au titre de la municipalisation de Sibiti. Je ne voyais pas ce que le comité de suivi aller encore ajouter. Pour ce qui est du rituel, je tiens à vous dire que je ne suis pas un initié. Cela devait être un peu ridicule, aussi bien pour l’opinion locale que le  président de la République, de voir son ministre non initié en raphia devant lui exécutant le rituel de bénédiction et les vœux de bienvenue.

Roger Ngombé

Légendes et crédits photo : 

Photo : Thierry Lézin-Moungalla répondant aux questions de la presse. (© DR)