Tension à l’université : des défis socioéconomiques d’une ampleur insoupçonnée pour les autorités congolaisesSamedi 12 Novembre 2016 - 18:01 La crise économique et politique en RDC ne permet pas une augmentation des frais académiques et autres frais connexes. C’est l’instruction de Théophile Mbemba, le ministre de tutelle, aux responsables des établissements supérieurs et universitaires. Si la décision ramène effectivement la sérénité dans les milieux estudiantins, le ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire (ESU) a invité les acteurs en conflit à un consensus au sein du comité des partenaires. Mais pour nombre d’observateurs avertis, la question universitaire est bien trop grave pour être réglée par une simple instruction de l’autorité compétente. Dans sa réaction, Théophile Mbemba lui-même a ouvert une brèche en rappelant toute la prudence que nécessite la crise dans son secteur. En tenant compte de la taille et de la vision des responsables, a-t-il fait comprendre, certaines décisions doivent absolument être prises dans l’intérêt supérieur de l’établissement. Et pour ce genre de décision, il est préférable de rechercher d’abord le consensus. La position du gouvernement a alimenté le débat sur le secteur de l’éducation supérieure et universitaire en RDC, visiblement abandonné à son triste sort. Certes, il existe une stratégie sectorielle de l’éducation et de la formation 2016 à 2025 qui prévoit de promouvoir un système éducatif plus équitable et de créer les conditions meilleures à une formation de qualité. Les résultats se font toujours attendre. « Il y a des défis à relever dans plusieurs domaines, bien au-delà de la question des frais. Et cette crise universitaire n’est en fait que la conséquence d’une situation désastreuse dans nos universités. Ce serait une erreur de minimiser l’ampleur du problème », a mis en garde un expert. Chaque année, l’on compte environ 137 000 diplômés sortant fraîchement du secondaire. D’où la pression extrême exercée au niveau supérieur qui a malheureusement une capacité limitée. Preuve d’un vrai malaise, le taux d’abandon en classe de recrutement (G1) est de 46 % (9 % en G2). Selon les chiffres officiels, les effectifs des étudiants ont quasiment doublé entre 2006 et 2015, passant de 239 000 à 447 000. L’on estime actuellement le ratio à un professeur pour 171 étudiants, contre la norme internationale d’un professeur pour 20 étudiants. Et cette situation se reflète directement sur la qualité de la formation. Par conséquent, près de 80 % des étudiants formés pour la plupart dans les filières traditionnelles (sciences sociales, commerce, droit, santé, protection sociale, éducation, …) se retrouvent dans le secteur des services, faute d’emploi dans les secteurs primaire et industriel. Du côté des entreprises, l’on fait état d’un réel problème de main d’œuvre qualifiée à cause d’une inadéquation entre les filières de formation et les besoins réels du secteur privé qui crée l’emploi. Urgence d’une politique nationale de l’éducation Partant de ces données, des voix s’élèvent pour exiger une véritable politique de l’éducation supérieure du gouvernement au lieu des mesures ponctuelles. Il y va de la qualité même de l’élite de demain et de la formation d’une main d’œuvre que l’on voudrait plus apte à contribuer au développement économique du pays. Les enjeux de l’enseignement supérieur sont bien plus complexes que le simple débat autour d’une augmentation ou non des frais académiques. Le pays enregistre un faible accès à l’éducation si l’on prend les indicateurs d’autres pays de la région. Or, il est impérieux de doter le pays d’une masse critique de ressources humaines qualifiées pour contribuer à la croissance économique, a rappelé Théophile Mbemba. Et sur ce point précis, la RDC devrait s’inspirer d’autres modèles africains et internationaux pour revigorer son système éducatif. Les Seychelles ont réussi l’éducation pour tous, le Botswana mène une politique axée sur l’éducation et l’accès gratuit à tous, le Singapour assure une formation continue de son corps enseignant, le Rwanda accorde au moins 9 ans de scolarité de base gratuite pour tous et affecte jusqu’à 20 % de son budget à l’éducation. Quelques réformes de l’ESU Dans son plan des réformes à mettre en œuvre en priorité, le ministère de l’ESU a ciblé près d’une dizaine d’actions visant à réhabiliter son secteur. Il y a, par exemple, l’amélioration de la gouvernance des établissements supérieurs et universitaires, la priorité des priorités. L’autorité veut s’assurer d’une nette amélioration de la qualité de la formation pour un enseignement universitaire élitiste et professionnalisant. Il est question également de promouvoir la maîtrise et le contrôle des sciences et de la technologie tout en réorientant le système vers les formations professionnelles. Le gouvernement veut développer le numérique, revitaliser la recherche scientifique, formaliser le partenariat public-privé et garantir un meilleur contrôle de l’enseignement supérieur et universitaire. Enfin, le défi sera aussi de promouvoir le dialogue social et la paix dans l’espace universitaire. À présent, il faut trouver les fonds nécessaires pour mettre la machine en marche. Laurent Essolomwa Notification:Non |