Portraits de la diaspora : Dias Maloumbi, le courage d’entreprendre

Samedi 4 Octobre 2014 - 5:45

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Congolais de la diaspora, Dias Maloumbi est rentré au Congo pour entreprendre il y a deux ans. Aujourd’hui patron de la société Azerty-Ibs basée à Pointe-Noire, il revient pour Les Dépêches de Brazzaville sur son parcours d’entrepreneur et sur les réalités qu’il a dû surmonter sur place

Les Dépêches de Brazzaville : Comment avez-vous eu l’idée de créer Azerty-Ibs ?
Dias Maloumbi : C’est venu d’une sorte de pari avec des amis et des cousins. Nous avions tous le désir de rentrer au pays, et la question était de savoir qui d’entre nous sauterait le pas le premier. Nous voulions faire quelque chose qui soit utile à nos compatriotes, qui puisse être mis en place relativement rapidement et dans laquelle nous avions une expertise. Après un mois de réflexion, nous avons décidé de nous lancer dans ce qui fait aujourd’hui notre cœur de métier : la formation aux nouvelles technologies. Au départ, nous voulions simplement ouvrir une petite salle de formation pour éduquer les élèves en bureautique sur les réseaux sociaux et la responsabilité par rapport à ceux-ci. Mais rapidement, nous avons constaté que l’accès aux nouvelles technologies restait difficile, entre les problèmes d’électricité et les coûts extrêmement élevés du matériel dus aux droits de douane. C’est ainsi que nous avons fait évoluer notre projet pour combiner la formation, un espace cyber et un point de vente d’accessoires informatiques. Nous avions l’ambition de créer quelque chose qui soit le plus proche possible de ce que l’on peut trouver en France.

Quand et comment avez-vous eu le déclic pour entreprendre au Congo ?
J’ai toujours eu envie de rentrer au pays. Je fais partie de la génération qui est arrivée en France au milieu des années 1980. J’avais alors neuf ans. J’ai quitté le Congo suffisamment tôt pour ne pas avoir cette nostalgie perpétuelle que peuvent avoir ceux qui sont partis adultes, mais tout de même avec des souvenirs du pays. Lors de mes séjours, j’ai constaté que certains de mes camarades de promotion évoluaient sur des projets que je n’aurais jamais pu réaliser aussi vite en France. Je m’étais initialement fixé comme année de retour 2013, mais je n’ai pas pu attendre jusque-là !

Comment s’est passé ce retour ? A-t-il été facile de vous réadapter aux réalités du pays ? Quel accueil avez-vous reçu des entrepreneurs, des éventuels partenaires  ?
Quand on a passé autant de temps à l’extérieur, dans un pays avec une autre culture, c’est plus qu’une réadaptation, c’est une véritable redécouverte de son pays natal que l’on vit. La réalité vous frappe en tant qu’adulte, vous venez pour travailler, et il faut affronter les réalités quotidiennes. Vous découvrez que votre pays a changé, par certains côtés en bien et par d’autres en mal. Je me suis trouvé confronté aux réalités administratives : tout est très long dans notre pays. Faire immatriculer la société et trouver les bons interlocuteurs ont été de durs combats. Quand on vient pour créer quelque chose, on court toujours après le temps. Or, la personne qui vous reçoit a l’habitude de travailler autrement. Il ne faut pas la bousculer, mais si vous entrez dans son rythme les choses n’avancent pas. Nous sommes un pays très administratif, et cela se ressent dans la manière de faire des affaires. On va fixer trois ou quatre rendez-vous alors que les choses pourraient se faire en un seul. Il a fallu accepter d’entrer dans ce rythme, car on se rend compte que finalement dans cet environnement, vous qui venez de l’extérieur vous n’êtes pas dans la norme. La manière de travailler est différente. Il faut changer certaines habitudes pour être plus performants. Au niveau des entrepreneurs, j’ai constaté que nous manquions de synergie. La tendance est de faire les choses individuellement.

Au-delà des statistiques, comment dans votre expérience d’entrepreneur percevez-vous le climat des affaires au Congo ?
Pour avoir voyagé un peu en Asie et en Europe, il faut tout de même reconnaître que nous ne sommes pas bons. C’est n’est pas la faute d’un seul acteur, mais la responsabilité partagée de la société civile congolaise, des entrepreneurs congolais, des gouvernants. Chacun essaye de se rejeter la faute : les Congolais disent que le gouvernement ne donne pas les moyens ; le gouvernement dit qu’il n’y a pas assez de Congolais qui font des efforts ; les Congolais disent que c’est normal puisque les banques ne prêtent pas assez d’argent ; et les banques disent que c’est parce qu’il n’y a pas assez de garanties. Par exemple, quand on regarde le code fiscal congolais, il est l’équivalent du code français. Or, nous sommes un pays émergent et nous n’avons pas les mêmes ressources que la France. Si vous créez une SARL au Congo, vous serez fiscalisés comme en France, à hauteur de 33% du chiffre d’affaires, dès la première année. Cela n’incite pas à créer quelque chose. Au Congo, le dicton « On ne prête qu’aux riches » n’a jamais été aussi vrai, les intermédiaires financiers ne suivent pas les créateurs d’entreprise. Or, il est difficile de développer un pays sans les entrepreneurs, et pour que ceux-ci puissent se lancer il faut le soutien des intermédiaires financiers. À leur décharge, il est vrai que de nombreux entrepreneurs ne sont pas rigoureux dans leurs études de faisabilité. Cependant, nous sommes dans un pays où avoir des chiffres précis n’est pas aisé puisque nous n’avons pas de statistiques fiables. Personnellement, il m’a fallu quatre mois pour faire immatriculer ma société alors que dans un pays comme le Rwanda, cela se fait en trois jours par internet.

Quels conseils et encouragements pourriez-vous donner à d’autres Congolais de la diaspora qui envisagent de rentrer investir au pays ?
Il serait présomptueux de ma part de donner des conseils, car nous sommes nous-mêmes en phase de lancement, mais je dirai aux Congolais qui souhaitent rentrer de venir sans a priori, positif ou négatif. Nous sommes une communauté qui aime beaucoup parler, et entre ceux qui disent que le Congo est un Eldorado et ceux qui disent qu’il n’y a rien à y faire il y a sans doute un juste milieu. Je dirai à mes compatriotes d’aller sur place voir par eux-mêmes, de monter leur projet selon les normes européennes, de bien faire leur étude de marché puis de se rapprocher d’entrepreneurs locaux qui ont déjà monté des structures viables. Ils ont la possibilité de les aider en finançant leur projet ou en leur servant de caution auprès d’intermédiaires financiers. Et bien sûr, le plus important : bien s’entourer et recruter des personnes compétentes. Pour le reste, si l’idée est bonne il n’y a pas de raison que le projet échoue, notre pays affiche des taux de croissance de 5 à 6% par an. Il y a une demande très forte, nous manquons de capitaines d’industrie dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, dans les NTIC… Aucun pays n’est parfait, le Congo ne fait pas exception et c’est pour cela qu’il a besoin de toutes ses forces vives.

Quels sont vos projets ?
Nous sommes en train de mettre en place une structure pour aider les jeunes entrepreneurs congolais à lever des fonds plus facilement, recruter de manière moins hasardeuse le personnel et surtout développer la formation dans les ressources humaines. Il y a des gens compétents au Congo, mais il faut leur fixer des méthodes de travail rigoureuses.

Propos recueillis par Geneviève Nabatelamio