Nord-Kivu : les circonstances du décès du chef rebelle « Morgan » font jaserMercredi 16 Avril 2014 - 17:44 Les ONG de défense des droits humains s'interrogent sur les conditions et les circonstances de la mort de ce chef rebelle alors qu’il était censé être placé sous escorte des Fardc après sa reddition et celle de ses hommes. La chronique politique de ces dernières heures reste encore marquée par le décès, le 14 avril, du chef milicien des Maï-Maï Simba Paul Sadala, alias Morgan. Son décès est intervenu quarante-huit heures après sa reddition avec une quarantaine de ses hommes au village de Badengaido dans le district de l'Ituri (Province Orientale). Son transfert à Bunia avec tous ses hommes n’a hélas pu se réaliser comme l’avaient espéré les autorités congolaises. Plusieurs scenarii sont aujourd’hui mis au devant pour décrire les conditions dans lesquelles ce chef rebelle a trouvé la mort. La version officielle atteste que l’intéressé aurait succombé de ses blessures suite à une hémorragie fatale dans la foulée des affrontements survenus entre ses hommes et les éléments des Fardc chargés de le conduire à Bunia, chef-lieu du district de l’Ituri. Il ressort que le chef milicien s’est curieusement rétracté en dernière minute, posant des préalables dont son élévation au grade de général. Une version soutenue également par le commandant des opérations des Fardc en Ituri, le général Fal Sikabwe, qui note que le refus de Morgan d’obtempérer à l’ordre de son transfert a donné lieu à une vive altercation entre les forces loyalistes venues l’escorter et ses miliciens qui, les premiers, ont ouvert le feu. Il s’en est suivi un échange de tirs entre les deux parties au terme duquel le chef milicien a été blessé aux deux jambes. De cette version gouvernementale, il en résulte plusieurs interrogations pour lesquelles la société civile du Nord-Kivu attend des réponses claires notamment sur les conditions de reddition du chef rebelle. « Quand il s’est rendu, ça signifie qu’il l’a fait volontairement et qu’il a été accueilli par les Fardc. Ça nous inquiète dans la mesure où quelqu’un qui a déposé les armes et qui se serait rendu se retrouve encore être attaqué, cela s’apparente à un crime de guerre qui est condamné par les Conventions de Genève », a laissé entendre Dismas Kitenge, président de l'ONG Lotus et vice-président de la FIDH. Là-dessus, le lieutenant-colonel Jean-Claude Kifwa, porte-parole provincial de l'armée, a fait observer que les hommes de Morgan avaient pu conserver leurs armes après leur reddition. « C'était une question de les rassurer parce qu'ils posaient des préalables. En fait, c'était un piège, une simulation », a-t-il commenté. Des explications qui sont loin de convaincre les associations civiles du Nord-Kivu qui craignent que cet épisode macabre ne puisse « porter un coup dur au processus de désarmement, de mobilisation et de reddition des autres groupes armés qui risquent d’avoir peur de se rendre, en disant qu’en se rendant ils peuvent être tués ». D’où leur demande pour l'ouverture d’une enquête indépendante qui pourrait élucider toutes les circonstances, à la fois de la reddition et du décès du chef rebelle. Assassinat prémédité ? D’autres personnes à l’instar de l’élu de Mambassa, Joseph Ndiya restent convaincues de la thèse d’assassinat. Ce député estime qu’à travers ses accointances avec certains membres du haut commandement de la région militaire des Fardc à Kisangani de qui il recevait un appui en armes et munitions en échange d’or, Morgan devenait gênant. « Il avait aussi le soutien de beaucoup de réseaux mafieux qui étaient impliqués dans l’exploitation de matières premières, qui ont accès aux ressources et entretiennent les seigneurs de la guerre », rapporte Dismas Kitenge. Au niveau du gouvernement, l’on regrette amèrement cette fin tragique de Morgan mort avant d’être entendu par la justice pour ses forfaits. Le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, déclare faire confiance en la justice de son pays et demande à quiconque détiendrait des éléments susceptibles d’orienter les enquêtes en cours de les mettre à la disposition de la justice. « S’il y a des soupçons qui pèsent sur tel ou tel officier, il faut donner de la consistance à ces soupçons. Il faut les articuler devant la justice militaire qui enquête depuis hier sur les circonstances de la mort de Morgan », a-t-il déclaré. Pour rappel, la milice de Paul Sadala est accusée de plusieurs exactions contre la population civile dans le territoire de Mambasa (Province Orientale) où elle aurait tué soixante-deux personnes et violé vingt-quatre femmes à Mambasa entre 2010 et 2013.
Alain Diasso |