La Sape selon le Clan PiccadillyMercredi 16 Janvier 2013 - 11:00 Le Clan Piccadilly est un groupe de dix jeunes gens qui ont en partage la passion de la Sape. Depuis la création du clan en 2002, ces princes de la Sape affirment à leur manière leur appartenance à une nouvelle génération de sapeurs qui tournent le dos aux stéréotypes du mouvement « Je suis un sapeur-mannequin », lance Kevin Samba, l’un des membres du Clan Piccadilly. Amoureux des beaux vêtements, électricien et designer de formation, il se lance dans le mouvement de la Sape à la fin des années 1990. Le prince Charles et le roi du Maroc, Mohamed VI, sont ses modèles : « Ils ont des qualités propres à eux », dit-il. Dans le clan, Hassan Salvador est l’un des chefs de file. Dans la vie, ce dernier est gestionnaire de stock dans une société de téléphonie mobile locale. Son aventure dans la Sape démarre en 2000 avec le désir de montrer que « l’on peut être sapeur et ouvrier qualifié ». À titre d’exemple, il cite les ministres congolais Alain Akoualat et Bruno Itoua. Demandez-lui quel type de sapeur il est, il vous répondra sans ambages : « Je suis un sapeur ordonné, poli et plein de bonnes manières. » Sa conception de la Sape est à l’opposé des stéréotypes. Le séducteur qu’il est se fait le défenseur d’une Sape moderne, où le sur-mesure est le maître mot. Fini donc l’époque où le sapeur, pour participer à une parade, allait « miner » chez un frère ou un cousin. À chacun son costume ! Lorsqu’on évoque le regard qu’ils portent sur les sapeurs de l’autre rive du fleuve Congo, chacun y va de son avis. Des avis qui se ressemblent d’ailleurs. Isis Takizawa lance avec malice : « À Kinshasa, la Sape ressemble à du théâtre. » Patience Mousala renchérit : « Le Kinois ne peut se considérer comme un sapeur. Certains ne connaissent même pas leur taille. Un sapeur doit s’exprimer intellectuellement. N’est pas sapeur qui veut ! » Hassan Salvador ironise sur le sujet : « Le sapeur kinois n’a pas d’inspiration vestimentaire. C’est le musicien qui crée la mode. Contrairement au Kinois, le sapeur brazzavillois s’habille à l’image d’un dignitaire. » La polémique étant lancée, les diables rouges de la Sape poursuivent cette fois en évoquant les sapeurs de la diaspora : « C’est l’excès de zèle qui les anime. Ils se croient assis sur un nuage. Il est facile pour eux de lécher les vitrines et de s’en inspirer pendant qu’ici nous créons. » Pourtant, ajoute Hassan Salvador, « la Sape est universelle. Ceux de la diaspora ont tort de penser qu’ils sont systématiquement de grands sapeurs. » Le Clan Piccadilly, du nom d’une artère de Londres réputée pour ses magasins luxueux, ses hôtels de prestige et ses résidences opulentes, est de toute évidence composé de dandys des temps modernes. Ils vivent au rythme d’internet, parlent réseaux sociaux et partagent avec enthousiasme leurs expériences et les photographies parues dans Gentelman of Bacongo, un livre réalisé par le photographe italien Daniel Tamagni, préfacé par Paul Smith, qui explore ce monde de couleur, d’élégance, de provocation qui ne cesse de nous étonner. Meryll Mezath |