![]() Interview. Me Arnaud Houet : « La Biac est une entreprise en restructuration qui doit bénéficier de l’arsenal juridique de l’Ohada»Lundi 30 Mai 2016 - 18:06 Me Arnaud Houest est coresponsable de l’Africa Desk du cabinet d’avocats Praetica. Joint par la rédaction, il a réagi prudemment sur l'épineux dossier "Biac", la Banque internationale pour l'Afrique au Congo, dans son volet strictement juridique et intellectuel. Avocat spécialisé dans les entreprises en difficulté, il propose, pour le cas de la Biac, la mise en œuvre rapide d’un plan de restructuration, si nécessaire sous l’un des régimes protecteurs du droit Ohada. Les Dépêches de Brazzaville : Praetica, le cabinet auquel vous appartenez a de nombreux clients en Afrique notamment en RDC. Est-ce la raison de votre présence désormais plus formelle à Kinshasa ? En tant que cabinet spécialisé en droit des affaires, quel est le potentiel d’un marché comme la RDC ?
LDB : La crise des matières premières, qui a entrainé un ralentissement de l’économie congolaise, ne devait-elle pas plutôt vous inciter à la prudence ? Etait-ce vraiment le moment opportun ? AH : Les soubresauts des marchés et de l’économie, qui sont cycliques, ne doivent pas nous empêcher de développer nos projets, qui sont motivés par une vision sur le long terme. Il nous est apparu justement préférable, stratégiquement, de ne pas attendre pour commencer à occuper le terrain, d’autant qu’il faut inscrire une telle décision dans la durée. Pour un cabinet d’avocats, à l’instar d’autres porteurs de projets et entrepreneurs, la prudence est bien sûr nécessaire, mais l’audace également. Or c’est souvent à force d’attendre « le bon moment », par excès de prudence, que l’on finit par ne rien faire. Nous le disons d'ailleurs à nos clients, notamment les Européens. En effet, ceux-ci, à force de perdre le goût du risque (lequel est d’ailleurs souvent surévalué en Afrique, du fait d’une différence de plus en plus admise entre perception du risque et réalité du risque) et de vouloir attendre que « tous les feux soient au vert », renoncent et se font passer devant par des concurrents plus audacieux. LDB : En tant qu’observateur et désormais acteur (comme avocat-conseil) du monde des affaires congolais, quel est votre avis sur la situation actuelle de la Biac ? AH : Le secret professionnel auquel nous sommes scrupuleusement attachés nous empêche de répondre précisément à cette question. Me Battajon, qui dirige Praetica Kinshasa, a eu à prester pour la Biac il y a juste quelques mois. Sous cette réserve, et au regard des seuls éléments publics sur lesquels un débat juridique et intellectuel peut se tenir, la situation actuelle de la Biac pose des questions en termes de gouvernance d’entreprise (relations actionnaires / administrateurs / dirigeants), notamment depuis l’introduction du droit des sociétés issu de l’Ohada. Cette affaire interpelle aussi concernant le rôle de la Banque centrale, dans sa mission de régulateur/contrôleur du secteur financier, de soutien au secteur bancaire et de gardien de l’épargne publique, et enfin dans sa relation avec les autorités politiques. Des questions peuvent se poser encore sur l’importance des auditeurs légaux (commissaires aux comptes) pour alerter et prévenir les difficultés des entreprises, notamment là aussi, au regard des règles posées par le droit Ohada. Mais cette situation de la Biac aujourd’hui pourrait très probablement se retrouver demain chez d’autres banques de la place congolaise, et certains observateurs plus avisés ont d’ailleurs exprimé leurs craintes à ce sujet. LDB : Dans une situation comme celle de la Biac, quelles recommandations d’ordre juridique pourriez-vous faire ? AH : Il est délicat pour un avocat de faire des recommandations dans le cadre d’une affaire dont il n’est pas saisi et dont, par voie de conséquence, il ne connaît pas tous les tenants et aboutissants. En effet, notre métier nous apprend qu’une réalité bien différente apparaît généralement lorsque l’on connaît l’ensemble des éléments d’un dossier plutôt que lorsqu’on lit simplement les informations données dans les médias (malgré la qualité du travail des journalistes). Pour répondre non pas sur le cas particulier de la Biac mais sur le cas plus général d’une société, un établissement bancaire qui subit une situation comme celle de la Biac doit travailler à la mise en place très rapidement d’un plan de restructuration ou de redressement, si nécessaire sous l’un des régimes protecteurs prévus par le droit Ohada en matière de traitement des entreprises en difficulté. Je rappelle que l’acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif dernièrement révisé par le législateur Ohada impose à l’État congolais de préserver les activités économiques et les niveaux d’emplois des entreprises en difficulté financière. Cet acte uniforme s’applique désormais aux établissements de crédit. Il est impératif pour une entreprise dont la continuité est menacée à court terme de pouvoir se redresser et négocier un plan de restructuration avec ses partenaires stratégiques ou de trouver d’autres alternatives (augmentation de capital, repreneurs, transfert de tout ou partie de ses activités, etc.) dans la plus grande sérénité, en se mettant sous la protection de la loi. L’Acte uniforme sur les procédures collectives offre désormais différents mécanismes de protection aux organismes financiers. La Biac est une entreprise en restructuration qui doit bénéficier de l’arsenal juridique de l’Ohada et selon nos sources, l’actuel leadership travaille non seulement à redresser la banque mais surtout à satisfaire la population congolaise. Propos recueillis par Laurent Essolomwa Légendes et crédits photo :Arnaud A Houet Notification:Non |