Interdiction d’importation du ciment gris : aucune alternative à une demande estimée à cinq millions de tonnes par an

Mardi 19 Juillet 2016 - 17:13

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Entre le gouvernement et la Fédération des entreprises du Congo (Fec), les violons ne s’accordent pas. Du côté des officiels congolais, l’entrée massive du produit en provenance d’Angola fait craindre une agonie de l’industrie locale du ciment. En application de la mesure d’interdiction qui s’étend sur une période de trois mois, quatre-vingt camions remorques chargés de ciment gris viennent de passer leur première semaine au poste-frontalier de Lufu, situé dans le Kongo central. Craignant une répercussion néfaste de l'arrêté ministériel sur le marché, la Fec a exigé des mesures urgentes d’encadrement pour contrer la pression sur le prix du sac de 50 kg qui est passé de dix à quinze dollars américains US en l’espace de quelques semaines.

La question est d’autant plus complexe que l’on soupçonne qu’une bonne partie du ciment gris importé d’Angola pénètre dans le territoire national clandestinement. Répondant à la rédaction, un expert a fait état des quotas qui seraient détournés de leur point de chute pour se retrouver sur le marché. «Dans le cadre d’un mécanisme instauré par le ministère de l’Économie, il y a des quotas accordés à des importateurs pour approvisionner, notamment, les chantiers publics. Mais certains parmi ces importateurs font entrer le ciment gris pour ensuite les vendre à vil prix. Ce phénomène a pris une ampleur alarmante ces dernières semaines au point qu’il faille remettre de l’ordre ». Cela explique le caractère temporaire de la mesure d’interdiction, à peine trois mois. En effet, une telle mesure ne peut durer pour la simple raison que la demande reste très importante. Et la Cimenterie de Lukala (Cilu), bien que principal bénéficiaire de la mesure, n’est pas en mesure d’y répondre globalement. Malgré tout, la Cilu doit faire face à une intense concurrence, avec la présence de ciment gris de bonne qualité vendu à des prix qui se rapprochent simplement d’un bradage.

En lisant l’arrêté, plusieurs produits sont épinglés. L’on cite non seulement le ciment gris mais également les barres de fer à béton et même le sucre. La mesure vise officiellement à lutter contre l’importation frauduleuse de ces produits en raison de leur impact désastreux sur l’industrie locale. Mais il y a eu une précipitation dans la mise en œuvre de cette mesure. Par rapport aux camions bloqués à Lufu, la Fec a fait remarquer que l’achat du ciment chargé dans les remorques remonte bien avant la mesure du gouvernement. Pour elle, il faut autoriser ces camions à quitter les installations de Pacific Trading au marché de Lufu. Au-delà, la Fec a plaidé pour les transporteurs routiers en règle qui paient le plus lourd tribut car la plupart sont bloqués à Lufu malgré toutes les formalités remplies pour faire entrer les produits sur le sol congolais. Même si l’interdiction d’importation représente indiscutablement une piste intéressante pour encourager l’industrie locale, le patronat national a appelé à un moratoire, le temps de mettre en œuvre des mesures d’encadrement. En effet, selon lui, l’État ne peut pas frapper les importateurs après avoir perçu l’argent. Conformément aux dispositions de la mesure, il revient au ministère de l’Économie et au Secrétariat général à l’Économie d’apprécier au cas par cas la situation des importations en cours.

Pour la Fec, le gouvernement doit revisiter cette mesure à cause de sa contre-productivité. En effet, il faut tenir compte de la faible offre locale, de la non-compétitivité de la production locale, de l’existence au niveau du ministère de l’Économie d’un mécanisme d’importation du ciment gris et enfin de la violation de certaines dispositions du Code des douanes, des traités et accords internationaux en matière de commerce ainsi que des échanges internationaux. Pour remédier à cette situation, la solution serait, à en croire la Fec, d’imposer un quota par zone de limitation de ces produits (ciment, fer à béton, sucre, etc.) en RDC, de mettre sur pied des organes de monitoring au niveau des postes frontières et d’ouvrir des négociations avec le patronat. La rareté qui se fait déjà ressentir sur le marché a conduit à une augmentation du prix du ciment gris de 10 à 15 dollars américains US, soit une hausse de 50 % en l’espace de quelques semaines.

Pour rappel, le ciment gris représente un marché important en RDC, surtout en cette  periode de boom immobilier. Mais il est vrai que l’offre nationale ne peut répondre aux besoins réels du marché. Avec les nombreux travaux de reconstruction nationale sur toute l’étendue du territoire national, l’on projette que la demande en ciment atteigne les 5 millions de tonnes par an. La consommation spécifique oscille autour de 40 kg par habitant et par an. Par ailleurs, les besoins et les prix varient de manière substantielle selon les provinces. Or, la plupart des cimenteries locales sont actuellement en état de cessation de leurs activités.

Laurent Essolomwa

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