Informel : puissant amortisseur social et principale source d’évasion fiscale

Mercredi 13 Janvier 2016 - 18:07

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La question préoccupe énormément quelques experts internationaux qui mettent en garde contre l'appauvrissement des États africains. Selon eux, l’Afrique doit absolument prendre en compte la morosité du contexte mondial marqué par la baisse des cours des matières premières dont le pétrole pour comprendre l'urgence de ramener au formel cette portion plus importante d'opérateurs qui a choisi de se réfugier dans l'informel.

Comme l’explique le Pr Michel Abdelouhad, l’informel est le fruit de différentes crises économiques extérieures, de l’exode rural et du climat des affaires délétère en Afrique. « Un environnement des affaires négatif pousse l’entrepreneur à opter pour l’informel », fait remarquer l'expert en sciences économiques. Plusieurs autres paramètres ont exercé une influence non négligeable, notamment le faible niveau de l’éducation, surtout des femmes. À cela, il convient d’ajouter le difficile accès aux crédits bancaires. « Les entreprises du petit informel recourent aux marchés de crédit non officiels, où les taux d’intérêt sont onéreux ».

Si le secteur informel a apporté une bouffée d’oxygène aux familles démunies, par contre il prive l’État d’un budget adéquat pour faire face à des chocs exogènes, notamment celui généré actuellement par le ralentissement de l'économie chinoise. Il s’agit des entreprises qui opèrent, pour la plupart (gros et petit informel), dans les secteurs du commerce, de l’artisanat, du transport et du marché des vêtements neufs et d’occasion. « La plupart des entreprises sont enregistrées généralement auprès des municipalités et du ministère du Commerce mais rarement des autorités fiscales ». Quant aux entreprise formelles, elles sont d’une manière générale plus grandes et sont enregistrées auprès des autorités fiscales. De ce fait, elles ont un plus grand accès au crédit bancaire. « Les relations entre entreprises formelles et informelles sont complexes, intégrant à la fois des rapports de concurrence et de coopération".

À la lumière de nombreuses études, l’écart de productivité entre les entreprises formelles et informelles est important, poursuit-il. Pour l’opérateur informel, le retour au formel passe nécessairement par une meilleure maîtrise des coûts fixes et variables d'enregistrement. L’informel inquiète plus d'un expert au regard de l'ampleur inimaginable de l’évasion fiscale. « Le secteur informel ne contribue presque pas aux recettes fiscales. L’estimation de la Banque mondiale de la perte de recettes fiscales liées à l’évasion fiscale du secteur informel représente entre 3 à 10% du PIB en Afrique centrale et de l’ouest ».

En définitive, l’élargissement de l’assiette fiscale ne peut que passer d’abord par la captation du secteur informel vers le secteur formel, conclut l’expert. Il faut multiplier les programmes de lutte contre la pauvreté et renforcer les capacités des micro-entreprises. L’heure est également à une évaluation sans état d'âme des politiques publiques. « Bien que le secteur informel fournisse une part importante de l’emploi et des revenus, ses activités n’ont pas le potentiel de croissance qu’ont les biens plus généralement échangeables ».

Laurent Essolomwa

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