FAO : le monde se meurt aussi de ne pas savoir produire et conserver ses alimentsVendredi 13 Septembre 2013 - 15:38 L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) vient d’étudier l’impact négatif que peut avoir sur l’environnement le gaspillage des aliments : tout le monde est interpelé Le rapport publié mercredi à Rome par la FAO, et dont fait état un article précédent des Dépêches de Brazzaville, est édifiant à plus d’un titre. Le monde savait, ainsi que l’a rappelé le directeur général de l’organisation, le Brésilien José Graziano da Silva, que « le gaspillage massif de nourriture [avait] une grande importance pour la sécurité alimentaire et la sécurité en général ». Jeter de la nourriture, on l’a toujours su, n’était pas la meilleure manière de lutter contre la faim qui tenaille quelques 800 millions d’individus dans le monde. Mais le rapport de mercredi dernier ne se limite pas à rappeler des évidences à la portée du bon sens du plus petit des agriculteurs. Son importance n’est pas davantage dans l’énormité de la somme que l’on envoie ainsi chaque année à la poubelle : 750 milliards. Même dans ce cas, il n’y avait pas besoin de connaissances particulières en économie pour se convaincre de l’absurdité qui revient à produire, acheter puis détruire ou jeter des aliments. D’ailleurs, tous les ans, le Vatican rappelle notamment que la faim ne résulte pas d’un manque de nourriture dans le monde, mais de mauvaises politiques de répartition et de rétribution des ressources planétaires. Là où ce rapport devient vraiment un outil de réflexion pour tout le monde, nations industrialisées comme pays en voie de développement, c’est lorsqu’il souligne que ce gaspillage ne limite pas ses effets aux seuls aspects économiques et moraux. Le gaspillage des aliments auraient aussi un impact fort… sur l’environnement ! À titre d’exemple, souligne la FAO, « chaque année, la nourriture produite sans être consommée engloutit un volume d'eau équivalant au débit annuel de la Volga en Russie et est responsable du rejet dans l'atmosphère de 3,3 milliards de tonnes de gaz à effet de serre ». C’est une nouveauté absolue ! L’autre nouveauté effarante que met en avant ce rapport décidément important est que la gaspillage ne s’entend pas seulement en termes de vaindes avariées jetées dans les poubelles, surtout dans les pays de bien-être, mais englobe tous les pays, riches comme pauvres. « Les pays en développement sont plus touchés par les pertes alimentaires durant la production agricole; en revanche, les régions à revenus moyens et élevés connaissent davantage de gaspillage au niveau de la vente au détail et des consommateurs ». En d’autres termes, la banane qui pourrit en pied à Sibiti ; la pomme de terre de Lekana qui ne peut arriver sur les marchés de Brazzaville ou qui y arrive tard ; la noix de palme quittant Kindamba et s’avariant sous quelques bâches de camion dans le Pool participent du même gaspillage ! À l'échelle mondiale, souligne le rapport, 5.4% du gaspillage alimentaire se situerait « en amont », c'est-à-dire pendant les phases de production, de manutention et de stockage et 46% « en aval », soit lors de la transformation, de la distribution et de la consommation de la nourriture. En plus clair, il est tout autant néfaste pour l’environnement de jeter des aubergines de mévente au marché de Poto-Poto que d’envoyer à un incinérateur de New York du poulet dont la date de péremption a été dépassée ! En tout aussi clair : ce combat là implique tout le monde. Producteurs agricoles, circuits de commercialisation, de stockage et réseaux de consommation sont placés face à la même responsabilité que rappelle Achim Steiner, directeur du Programme de l'ONU pour l'environnement : le gaspillage de nourriture dont les coûts sur l'environnement seront à payer « par nos enfants et petits-enfants ». Autrement dit, la planète ne se détruit pas seulement du saccage qu’on lui inflige ; elle s’abîme aussi dans la mauvaise manière de produire, de conserver, de vendre et de consommer ce qu’on en tire. Lucien Mpama |