Evocation: Mohamed Ali et son véritable "Combat du siècle"

Mercredi 8 Juin 2016 - 12:45

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Décédé le 3 juin dernier, Mohamed Ali est l’homme des superlatifs, celui qui aura marqué l’histoire de la boxe par ses combats épiques, ses multiples titres, son style, ses engagements politiques. Reconnu comme l’un des plus grands boxeurs de tous les temps, il se considérait lui-même comme le plus grand, le plus beau. C’est le boxeur aux deux « combats du siècle »

Si de nombreux Africains n’ont retenu comme combat du siècle que celui de Kinshasa, le 30 octobre 1974 parce qu’il eut lieu en Afrique, ce combat qualifié aussi de « lutte dans la jungle » entre Mohamed Ali et George Foreman, n’était que le deuxième combat du siècle après celui du 8 mars 1971, son premier combat contre Joe Frazier.  

Ce combat-là présentait plus d’enjeux importants. C’était le combat du come-back de Mohamed Ali, après cinq ans d’inaction pour retrait de licence de boxeur. Il opposait deux sportifs au style et à la personnalité opposés. En symbolisant une espèce de ligne de fracture entre les bons nègres et les mauvais citoyens parce que opposés à la discrimination raciale, il était considéré plus qu’un évènement sportif  car il polarisait le combat entre les Blancs et les Noirs, les défenseurs de l’ordre établi et les militants des droits civiques, l’Occident et le Tiers Monde. Ce combat vit la première défaite de Mohamed Ali dans la catégorie pro.

Ce combat du siècle n’était pas qu’un simple pugilat. L’homme qui révolutionna le « noble art » se battait pour ses idées et pour tous les opprimés. D’ailleurs, la veille du combat, aux Etats-Unis comme dans d’autres villes européennes , dans les bus, le métro, les débits de boissons, Blancs et Noirs, les pro et les anti Ali  se regardaient en chiens de faïence. Chacun était conscient que la défaite de son champion serait considérée comme une victoire politique. Mohamed Ali alias Cassius Clay, était devenu le symbole de la lutte anti impérialiste, celui qui avait refusé d’effectuer le service militaire et d’aller combattre au Vietnam et fut déchu de ses titres de champion. Objecteur de conscience, il se convertit à l’islam.

Au cours de ce combat, Ali resta fidèle à son style et à sa personnalité. Il piquait comme une abeille et esquivait  comme un papillon. Il était bavard, exubérant, il dansait sur le ring avec son célèbre  jeu de jambes, son verbe restait  provocateur et cinglant (trash talking). Joe Frazier demeurait taciturne, statique, avançant vers les coups et frappant comme un automate, un bulldozer, sans état d’âme. Il représentait pour les Américains le bon citoyen, obéissant, soumis, un simple  sportif. Mohamed Ali était le contestataire, le militant anti conformiste, le défenseur des droits civiques, l’insoumis, le révolté, le mauvais citoyen.

Au combat ce jour, Frazier se comportait comme un drogué, un homme dopé. Il encaissait tous les coups sans broncher. Il boxait comme un robot.

Frazier l’emporta aux points, mais aussitôt après le combat, il fut hospitalisé, preuve qu’il n’était pas dans son état normal pendant le combat et qu’il avait souffert plus que le vaincu.

La défaite d’Ali fut fêtée par les Blancs, satisfaits qu’un bon nègre ait corrigé ce récalcitrant.  Ils se disaient que cela calmerait les ardeurs du battu et surtout lui enlèverait toute chance de revenir au sommet. Les partisans d’Ali  vécurent  cette défaite  comme une humiliation  mais en même temps, ils estimaient qu’Ali méritait de gagner contre ce robot qu’ils disaient dopé, persuadés que la revanche ne tarderait pas. Ali avait prouvé que malgré une interruption de combat de 5 ans, il avait gardé sa verve, ses capacités intactes, qu’il n’était pas fini, et qu’il s’était battu contre l’injustice et la discrimination et l’avait emporté contre le mal. Il reste « the greatest ».

Gustave Pana Zoula

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