El Hadj Djibril Abdoulaye Bopaka : « Le pays nécessite de nouvelles méthodes de gestion »Samedi 19 Août 2017 - 17:15 Le président de l’Union nationale des opérateurs économiques du Congo (Unoc) n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour décrire la crise économique qui secoue le Congo. El Hadj Djibril Abdoulaye Bopaka dénonce la mauvaise gestion, l’impunité et invite le président de la République à plus de sanctions. Dans cette interview, il revendique également une collaboration plus franche entre les pouvoirs publics et les syndicats patronaux et souhaite un dialogue social avec le secteur public en vue de déceler les priorités économiques de l’heure. Les Dépêches de Brazzaville (LDB). Quelle analyse faites-vous sur le volet économique du message du chef de l’Etat à l’occasion du 57ème anniversaire de l’indépendance du Congo? El Hadj Djibril Bopaka. Le président de la République a dit la vérité. Le pays est dans une situation de cessation de paiement. Je crois que cela ne sert à rien de tourner en rond, car le Congo connait une crise profonde. Et nous sommes un peu dérangés du fait que le Congo subit plus tôt la crise. Les Congolais doivent tirer les leçons. Mais, pour ce faire, il faut que le chef de l’Etat propose des sanctions sévères. Parce que cette crise est due en partie à la mauvaise gouvernance, la mauvaise gestion des affaires du pays. Lesquels ont dissimulé les vrais chiffres, ceux qui donnaient espoir aux Congolais ? A ce niveau-là, je pense que la sanction est permise. L.D.B. Que proposez-vous en tant qu’opérateur économique ? E.H.D.B : Le Congo nécessite un plan de réajustement sévère qui doit permettre à la politique macroéconomique de se ressaisir. Parce que l’arrivée du Fonds monétaire international (FMI) est une bonne chose, mais le gouvernement lui-même doit présenter un programme cohérent et sincère. Il y a trop de dépenses exorbitantes. Il y a trop d’exonérations accordées à des sociétés qui viennent au nom de plusieurs concessions. Nous avons trop de charges au niveau des fonctionnaires de l’Etat. Vous avez des hauts responsables qui ne paient pas l’eau et l’électricité et même l’impôt. Ils sont exonérés de tout alors qu’ils gagnent plus. Il y a à ce niveau une contradiction sur le jugement de la consommation des biens publics par l’Etat et le peuple. Ensuite nous avons l’impunité. Sur ce point, la faute revient au président de la République qui ne contrôle pas assez ses collaborateurs. Les détournements de fonds, les comportements déviants, la corruption sont autant de maux que le gouvernement n’a jamais sanctionnés. Il appartiendra au nouveau gouvernement de corriger cela. Nous avons plusieurs propositions, mais il va falloir que nous nous asseyons à travers un dialogue social. LDB. Vous appelez à la tenue d’un comité national du dialogue social avec l’Etat ? E.H.D.B : Il faut bien, nous aurons des opérateurs économiques, des syndicats de travailleurs, des représentants de l’Etat pour discuter économie. Nous devrons discuter clairement et tracer un plan qui fera en sorte qu’on sache ce qu’on attend de chaque secteur. Sur le plan financier, l’on pourra par exemple évoquer la dette des opérateurs économiques. Cette dette intérieure, commerciale et du sinistre. Sur ce dernier volet, nous sommes déjà à près de 800 milliards FCFA. La dette commerciale intérieure est à environ 1000 milliards de FCFA. Lorsque toutes ces dettes sont programmées et payées, l’on pourra savoir les projets des opérateurs économiques pour lancer leurs activités. Certains opérateurs ont préfinancé certains projets de l’Etat, d’autres se sont endettés auprès des banques pour réaliser les travaux publics. Malheureusement, nous avons eu des ministres qui n’ont pas tenu compte des efforts nationaux malgré l’embellie financière que nous avons connue. LDB. Le non-paiement de la dette intérieure n’est-il pas dû à la situation économique que le pays traverse en ce moment ? E.H.D.B : Bien sûr ! Ils ont privilégié les partenaires étrangers. Aujourd’hui, près de 80% de ces sociétés ont pris fuite à cause de la crise. Ils ont abandonné le Congo et leurs engins qui trainent ici et là. Nous avons pourtant dans ce pays une loi sur le commerce qui protège les intérêts des opérateurs nationaux. Cette loi n’a jamais été appliquée, parce qu’on risque de toucher les intérêts de tel ou tel fonctionnaire. Même le département des petites et moyennes entreprises qui représente les opérateurs économiques n’a jamais présenté un dossier sur les souffrances de ces derniers. L.D.B. Le président de la République a dit que le pays n’est pas en arrêt. Donc, l’espoir est permis… E.H.D.B : Nous sommes une nation. Il suffit que le président prenne bien les dispositions pour essayer de canaliser cette politique. Nous avons espoir parce que le Congo ne manque pas de moyens. Nous avons des ressources, des matières premières et il suffit de bien établir les équilibres économiques et financiers pour arriver au résultat positif et sauver notre pays. Nous ne sommes pas un pays en faillite totale. Le pays mérite de nouvelles méthodes de gestion, de nouvelles mentalités et de nouvelles personnes qui peuvent bien gérer notre nation. L.D.B. La situation économique du pays est critique, comment entendez-vous investir pour la diversification économique ? E.H.D.B : La diversification doit partir d’abord de ces clauses des grandes orientations qui vont nous emmener à tomber d’accord sur comment réhabiliter notre économie et produire la richesse. Il faut qu’on nous dise ce que le FMI nous apporte et ce qui est prioritaire pour relancer l’économie nationale. Quels sont nos propres efforts pour réajuster nos dépenses, quelle est la nouvelle orientation sur la politique économique nationale ? Autant de questions qui méritent des réponses claires. Mais, il ne faut pas oublier que dans le cadre des mécanismes des structures des sanctions, il faut qu’on réforme des structures comme l’Observatoire anti-corruption, la Commission nationale de lutte contre la corruption, etc. L.D.B. L’Etat est le principal client de la majorité des opérateurs économiques congolais. Que comptez-vous faire pour remonter la pente dans la situation actuelle ? E.H.D.B : Non, c’est une vue minimisée de l’homme public. Le secteur privé a pu s’imposer dans ce pays. Bien sûr, il y en a qui ont beaucoup compté sur les marchés publics, et c’est tout à fait normal et légitime. Mais beaucoup sont en dehors des marchés de l’Etat. Si ce n’était pas cela, vous ne devrez pas avoir le transport urbain, routier, aérien et fluvial. Les hôtels, les boulangeries, boutiques, et tous les micros entreprises qui offrent des services indispensables. Le problème c’est de les organiser et maintenir leurs capacités de production et de diversification de leurs activités. A partir de là, en relation avec le système bancaire, on met en place un plan de financement pour plusieurs secteurs, avec des résultats attendus. Quand on parle du secteur privé aujourd’hui, on préfère mettre des milliards au nom de la formation. Mais, jamais vous n’entendrez qu’on a dégagé quelques milliards pour donner à une entreprise pour travailler et attendre des résultats. L.D.B. L’Etat a tout de même fait plusieurs efforts à ce sujet avec la création, par exemple, d’un Fonds de soutien à l’agriculture. Est-ce que le secteur privé en a tiré profit ? E.H.D.B : Nous avons condamné cette politique économique. Le Fonds de soutien à l’agriculture n’a pas servi aux opérateurs économiques. Il a servi en grande partie aux fonctionnaires de l’Etat. Quels ont été les résultats sur le terrain ? Ceux qui ont pris des crédits à ce fonds n’ont pas remboursé pour la plupart et personne n’a été poursuivie. C’est pourquoi nous condamnons les fonds. Dans ce genre de mécanisme, il faut une gestion tripartite. Le secteur privé n’a pas senti cet engouement sur l’agriculture. Quentin Loubou Légendes et crédits photo :El Hadj Djibril Bopaka Notification:Non |